lundi 29 juin 2009

Mes amis Youri, la réceptionniste blonde et la Française d'Afghanistan

Litsvyanka, le 8 mai

C'est un peu au hasard que nous avons déniché cette adresse. Des écriteaux marqués en anglais indiquaient une sorte d'auberge, mais il avait aussi le mot "appartement". Un peu perdus dans ce village (nous n'avons pas de plan), nous nous étions dits que nous pourrions toujours tenter ça.

Alors que nous allons taper à la porte d'un petit chalet en bois perdu derrière une barre d'immeuble, une fenêtre s'ouvre à l'étage dudit immeuble. Un homme nous crie en russe quelque chose. Sa tête disparaît, une seconde plus tard, il sort de l'immeuble. C'est un gros homme souriant et débonnaire, bouillant d'énergie.

Youri (c'est son nom) ne répond pas à nos vagues questions en russe : il se saisit d'une grosse clé, nous fait visiter l'appartement qu'il loue. C'est un minuscule chalet, tout en bois, avec deux grandes chambres, une cuisine et une salle de bains en état de fonction : bref, un truc très mignon. Il court dans tous les coins, nous montre le chauffage, l'eau chaude, les draps, tout. Il ne parle pas anglais, ou si peu, mais se fait comprendre avec des grands gestes, ou bien en répétant un mot en russe. Son spectacle est drôle, et il se fait plutôt bien comprendre.

Youri se comporte comme si nous avions dit "oui", alors que, ne sachant pas combien il loue ce petit appartement, et se doutant que c'est au-dessus de nos moyens, je ne suis pas très partant. Au bout de la cinquième fois que nous lui demandons le prix, il me demande un carnet et un stylo. Il réfléchit, puis entame un speech en russe. Il écrit "3000 roubles", chiffre qu'il raye immédiatement en disant "student price", puis écrit "2000 Roubles" : oui, il marchande tout seul. Nous le regardons médusés.

Je propose moins, il accepte en nous serrant la main, après avoir fait baisser son chiffre de départ de 50%. Nous n'en revenons pas d'avoir ce petit appartement, qui nous fait enfin nous sentir un peu chez nous !


Paperasserie russe (pléonasme)
Un dernier truc nous chiffonne cependant : chaque visiteur en Russie doit, à son arrivée sur le territoire, se faire enregistrer par la police, puis dans chaque nouvel endroit où il reste plus de 72 h. En réalité cette règle, héritée des temps joyeux de la bureaucratie soviétique, est le prétexte à des trafics en tout genre. Les grands hôtels enregistrent automatiquement et gratuitement leurs clients, mais les petits hôtels font généralement payer ce service... ou sinon il faut s'adresser à d'autres hôtels, qui le font contre des sommes d'argent plus ou moins grandes selon l'humeur.

Or il est évident que l'ami Youri, qui loue sûrement son appartement au black, ne nous enregistrera pas. Nous lui demandons mais il nous répond une chose vraie : c'est trop tard pour aujourd'hui, demain c'est un jour de fête nationale (capitulation de l'Allemagne nazie), et après c'est dimanche, donc impossible de nous enregistrer.

Aglaé n'est pas très rassurée : si nous nous faisons contrôler par des policiers, cela arrive souvent qu'ils demandent le certificat d'enregistrement, et nous ne pourrons le leur montrer. Ca risque de finir par une grosse amende, qui finira dans la poche dudit policier. La quête d'un enregistrement oriente donc notre balade au village.

Premier essai, une auberge de jeunesse : le patron ne parle pas anglais, appelle sa femme. Celle-ci arrive avec une tête d'enterrement : "Vous voulez quoi ?"
- Euh... enregistement ?
- Vous voulez une chambre ?
- Euh, non, juste l'enregistrement.
La femme nous claque la porte au nez sans répondre. Quel accueil ! Alors que nous commençons à partir, le mari ouvre la porte timidement, chuchote : "vous devez être clients pour être enregistrés" et la referme, à demi-honteux de cette désobéissance à son molosse de femme.

Deuxième essai, la poste : nous demandons "enregistrement ?", la préposée soupire et hausse les yeux au ciel. Pas d'autre réponse. Nous nous en allons, dépités : est-ce que les Russes gentils existent ?

Au hasard de notre promenade sur l'inoubliable front de mer de Litsvyanka (ah la vue, mais quelle vue !), nous croisons à nouveau les deux Hollandais rencontrés le matin même à la gare d'Irkoutsk. Quel petit monde ! Nous discutons un moment avec eux. Ils sont dans un petit hôtel complètement vide, en bordure du village. Peut-être pourrons-nous obtenir un enregistrement sur place...

Avant de les suivre, nous achetons du pain pour le lendemain, dans un supermarché soviétique. Le concept du supermarché soviétique est étonnant : ce n'est pas vous qui choisissez des produits avant de les amener à la caisse, c'est la caissière qui va chercher les produits que vous indiquez. Façon de faire évidemment anti-productive, chaque client monopolisant la caissière plus longtemps, mais cela semble être une mesure de méfiance contre le vol...

(cela dit, en Asie, nous étions toujours suivis par les vigiles dans les supermarchés !)


Le sourire d'une blonde
L'hôtel des Hollandais est effectivement complètement vide, c'est un grand resort en bois, tout neuf, tout déprimant. Après de longs couloirs, nous atterrissons à l'accueil. D'un côté, une femme très laide regarde la télévision avec un air buté. De l'autre, la Russe qui sauve tous les Russes : une jeune belle blonde aux yeux bleus souriante !

Nous lui parlons avec angoisse, car autant le dire, nous nous attendons à nous faire jeter comme des malpropres. Elle écoute notre requête, nous répond dans un anglais parfait que c'est impossible pour elle de faire ça maintenant. Mais elle nous dit qu'elle va se renseigner sur notre situation.

Pardon ?

Avant que nous n'ayons le temps de réagir, elle empoigne son téléphone et passe une série d'appels. Elle contacte tous les hôtels d'Irkoutsk. Parle. Attend, rappelle. Bref, elle semble complètement dévouée à deux inconnus, qui plus est qui ne sont pas clients de l'hôtel... Nous n'en revenons pas. Elle raccroche, et nous informe que nous n'avons pas de soucis à nous faire : le train qui nous emmènera à Moscou part d'Irkoutsk moins de 72 heures après notre arrivée, donc il n'y a pas besoin d'enregistrement. Elle est formelle. Nous pouvons enfin souffler.

Cette jeune femme blonde engage ensuite la discussion. En apprenant que nous sommes Français, ses yeux s'illuminent. Elle commence à nous parler de l'alliance française d'Irkoutsk, qui est très dynamique. Elle évoque avec envie et bonheur une amie à elle, qui s'est mariée à un Français. En gros, il est évident qu'elle rêve de rencontrer des Français (comme moi), afin de sortir de son trou, et d'éviter les hommes russes.

(ah nous ne vous l'avons pas dit ? de l'aveu des femmes russes, de TOUTES les femmes russes, les hommes russes sont juste irrécupérables : violents, très souvent alcooliques, toujours machos, ils sont la cause d'une recherche éperdue de maris étrangers, de la part des femmes russes)

(ah on ne vous l'a pas dit non plus ? A cause de l'alcoolisme et du suicide, l'espérance de vie des hommes russes est de 12 ans inférieure à celle des femmes russes)


En gros cette femme, que nous quittons à regret tant sa gentillesse nous impressionne, cette femme dis-je est jalouse d'Aglaé.

Nous dînons sans Elvanne dans un petit restaurant en bord de lac. Il n'y a que deux plats possibles, le vlov ou la shashlik. N'ayant aucune idée de ce que ça peut être je commande les deux, nous nous retrouvons avec une brochette et du riz huilé aux légumes. Ca aurait pu être pire.

Pendant le dîner nous regardons autour de nous ces Russes. Les hommes sont de manière générale affreux, les femmes magnifiques. Tous ont les yeux bleus. Comme nous sommes prêts de territoires historiquement mongols un bon paquet de gens a des traits asiatiques. Eux n'ont pas les yeux bleus. Tous nous fascinent.

Une femme de tête
La soirée se passera à discuter avec Elvanne. Cette femme de tête a une longue vie derrière elle. En gros elle accepte n'importe quel emploi à l'étranger : elle a donc passé un an en Afghanistan, a travaillé en Argentine et sort d'un an en Malaisie. Elle a bien sûr des milliers d'anecdotes à raconter ce qui rajouté à son sens de l'humour rendra la soirée délicieuse.

1 commentaire:

  1. Ah ah ah ah ah, le shashlik, qui aura bercé mon séjour en Asie centrale. Spécialité culinaire inratable, ce n'est ni plus ni moins que des brochettes de graisse...

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