mardi 28 avril 2009

Ma Nuit au Love Hotel


29 mars
Suite du message precedent


Apres plusieurs ennuis bancaires (en gros, trouver une banque HSBC ouverte, se battre avec les plafonds de retrait et prendre le dernier metro pour revenir dans des quartiers decents), nous atterrissons assez tard a Shibuya, quartier ou nous comptons passer la nuit.


Shibuya est l'autre "grand" quartier lumineux et hysterique de Tokyo. C'est ici notamment que se trouve une grande place qui, lorsque les feux passent au rouge, est litteralement envahie de pietons le temps du feu rouge, a toute heure de la journee.



La, un dimanche soir a 23h et quelques, c'est vide et triste. Les lumieres sont encore la, mais sont en train de s'eteindre. Plus aucun fetard. Je promets a Aglae qu'elle verra tout ca le lendemain, et nous partons en quete de notre love-hotel.

Un love-hotel, c'est quoi ? demanderont les moins jeunes et les plus innocents d'entre nos lecteurs. Eh bien le love-hotel, mes amis, est la reponse japonaise a la crise du logement dans les villes, et a sa consequence directe : les jeunes gens vivent chez leurs parents. Du coup, les amoureux ont du mal a vivre leur vie d'amants - quant a se payer une chambre d'hotel, ils n'en ont pas les moyens. Ont alors ouvert une grande quantite d'hotels tres discrets, ou on peut choisir la chambre de ses reves (les plus chers ont des chambres a theme, meme une qui propose une chambre decoree comme une rame de metro, parait-il), y passer une heure, deux heures, ou toute la nuit.

Bien evidemment, avec mon frere, nous n'avions pas pu tester ce type d'hebergement impossible a trouver ailleurs qu'au Japon. Pour ce sejour en compagnie d'Aglae, il etait impensable de passer a cote de cette opportunite delirante. D'autant que nous avions remarque que les love-hotels valaient moins cher que deux dortoirs en auberge de jeunesse.

Nous nous mettons donc en quete de la Colline des Love Hotels, a Shibuya, ou se trouvent tous ces hebergements. Nous ne sommes pas tres a l'aise, nous attendant a un truc un peu glauque, mais nous croisons vite pas mal de couples un peu ivres, qui se tiennent la main, et rentrent dans les premiers hotels.

Tres vite, nous comprenons le potentiel comique du lieu : dans un espace relativement restreint, une quantite incroyable de mini-hotels se poussent du coude pour etre remarques. Il y a les batiments massifs, les petits mignons en forme de cathedrale, de chateau-fort, ceux qui representent des couples de chats se faisant des calins sur un toit. La plupart ont des noms francais, tels que Desir Hotel. D'autres ont des petites fontaines devant. Tous affichent leurs prix du jour, au rabais vu l'heure tardive.

Nous faisons d'abord un tour decouvrir toutes les formes et les noms des love-hotels. Nous finissons par entrer dans un, puis un autre. La plupart des chambres sont prises, et nous sommes surpris de constater que la plupart du temps, les hotels proposent des chambres tres classiques, representant les gouts "exotiques" des Japonais : une chambre d'hotel occidental, avec lit normal, rideaux, etc. Ce que nous aurions tendance a trouver classique, voire un peu ringard.

Nous finissons par avoir un coup de coeur pour le White Palace, l'hotel aux petits chats sur la devanture. Les chambres sont a mourir de rire : ambiance retro, navigant un peu au hasard entre les annes 60 et 80 : miroirs biseautes, lampes violettes, stuc turquoise et meme une super Nintendo sans cables, en guise de decoration sous la television !
Pour reserver la chambre, il faut d'abord, Japon oblige, passer par une machine, en gros choisir sa chambre d'apres photo. Muni d'un ticket, on va donc payer au guichet. Ce dernier est recouvert d'un volet, ce qui fait qu'on ne voit pas a qui on s'adresse, discretion oblige. On donne donc l'argent par un trou dans la vitre, et la on entend, Japon oblige encore, un long et fort "arigato gozai mas !!!!" (merci beaucoup) pousse par une mamie. Elle etait surement en train de sourire. Difficile d'empecher les Japonais d'etre des Japonais, meme quand ils veulent etre discrets.

Nous ne sommes pas vraiment renverses par le potentiel erotique du lieu, mais il faut l'avouer, cette chambre a du cachet ! Nous decouvrons avec emerveillement l'abondance de services offerts par l'hotel : profusion de serviettes, pyjamas, savons, cremes, mousses a raser, rasoirs, shampoings a gogo. Un lit gigantesque, television, lumieres a rheostats (ambiance tamisee garantie), et cerise sur le gateau petit jacuzzi. Le tout pour a peine 30 euros, ce qui meme en France n'est vraiment pas cher.

Nous nous attendions donc a du bizarre, mais le love-hotel est en fait un concept assez normal, classique, ni excitant ni vulgaire. C'est l'alternative kitsch aux hotels glauques croises dans les autres pays. Surmediatise chez nous, il n'est ici qu'un moyen pour permettre a deux personnes d'etre un peu tranquilles.

Nous avons passe une partie de la soiree a regarder la tele japonaise, toujours tres drole. Il y avait un tournoi de sumos sur une chaine, et des jeux televises stupides. Ca contrastait pas mal avec l'ambiance generale et le concept du love hotel... D'ailleurs on se demande serieusement quelle television asiatique est la plus navrante/drole : l'indienne avec ses films des annees 60 aux heros moustachus et amateurs de kung-fu, l'alternance films-d'epoque-en-carton-pate et films-propagande-revolutionnaire de la tele chinoise, ou la japonaise avec jeux-hysteriques et reconstitutions-historiques.

Nous avons adore regarder les sumos, il y a meme des Europeens qui viennent affronter des Japonais. C'est tres drole.

Rockers et hotesses

29 mars

Un peu decus de quitter cette confortable auberge de jeunesse, nous rempilons a nouveau nos sacs (ce n'est que la troisieme fois en trois jours). Notre but est de les deposer a la consigne de la gare de Tokyo : en effet nous voulons passer la nuit dans un love-hotel, et repartir le lendemain apres-midi en train pour Nikko. Et comme il est impensable de deposer des bagages a un love-hotel (vous comprendrez), la consigne semble la meilleure solution.


Sauf que les Japonais sont des fous de la consigne. Dans toutes les stations de metro, il y a des rangees infinies de casiers a pieces, et la nous sommes dimanche : une quantite incroyable de Japonais semble s'etre passe le mot pour venir poser ses affaires dans les casiers. Horreur, la centaine de casiers qui se deploie a Tokyo Station est occupee. Nous courons donc dans tous les sens de la gigantesque station (les Japs AIMENT les sous-terrains), a la recherche d'un casier libre assez grand pour nos sacs. La ! Aglae ! ah non trop petit ! Charly, la ! Ah non on vient de le prendre ! Aglae, part explorer ceux-la, moi je pars par la !

Nous finissons par tasser nos bagages dans des casiers un poil trop petit (merci Aglae et sa science toute feminine du rangement), et nous voila debarrasses de tout ca.


Parc Imperial et princesses de pacotille

A cote de la gare s'etend l'immense Parc Imperial, qui abrite toujours la residence de l'Empereur du Japon (acces interdit bien entendu). Il s'agit quasiment d'une vaste plaine, ou l'herbe jaune leche les pieds de petits arbres aux formes toutes japonaises. Grandes allees de graviers, tout ca est tres zen, surprenant en plein coeur de la plus grande ville du monde, car soudain plus une voiture, plus un toit, plus de bitume.

J'y etais deja passe lors de mon precedent sejour au Japon avec mon frere, mais je n'avais pas imagine une seule seconde ce que les jardins imperiaux, dans un coin du parc, pouvaient donner a cette saison-ci. C'est un deluge de fleurs roses et blanches. Il y a meme des varietes de cerisiers qui semblent comme des saules pleureurs blancs. Evidemment, toujours la meme armee de Japonais sous les cerisiers, appareil photo dernier cri a la main, qui mitraillent la moindre fleur de cerisiers. Tous poussent des "oh" et des "ah" sonores, typiques d'un peuple a la capacite d'emerveillement infinie.

L'etape d'apres n'a rien a voir : il s'agit de Harajuku, quartier ou se retrouvent chaque dimanche deux groupes fort celebres. Le plus jeune, qui n'est pas un groupe en soi d'ailleurs, suit la mode Cosplay : une myriade de filles et de garcons se deguisent de maniere plus qu'extravagante, et viennent s'exposer devant une foule ininterrompue de touristes japonais et occidentaux. Princesses gothiques, dames de la renaissance, faux SM en cuir (l'une d'elles etait assise sur une autre fille qu'elle tenait en laisse), lolita punks, la liste est sans fin, mais toujours fascinant.


Deux cosplays ci-dessous (la photo n'est pas de nous)





Surtout que les Cosplays d'Harajuku, parait-il en voie d'extinction, ne font rien. Ils viennent et attendent qu'on les prene en photo. Un effet collateral de cette mode : les magasins autour de cet endroit sont absolument delirants, et proposent des vetements fantastiques, chapeaux biscornus, dentelles a hurler de rire, robes de princesses, etc. Une mode qui a tellement fait de bruit qu'on croisera au moins 3 Blancs deguises eux aussi selon ces regles. Certains avaient autant de panache que les Japonais !


Yeah, rock n'rolla !

Second groupe, mon prefere, qui se "produit" litteralement tous les dimanches devant le parc de Yoyogi, a deux pas de la. Ce sont les Rockabilly, qui existent depuis des dizaines d'annees et qui font tous partie du Tokyo Rockabilly Club.

Ci-dessous, deux rockabillys et une Rockabilly girl. La photo n'est pas de nous, mais nous avons vu exactement la meme chose :




Ils viennent, tout de cuir vetus, leur sono sous le bras. Ils branchent leur musique des 60s a fond, et se dehanchent pendant des heures, avec une energie furieuse. Ils n'ont pas vu le temps passer, n'ont pas voulu le voir, comment savoir, mais ils s'en foutent. L'essentiel est la, dans la danse, dans les vetements. Dans une societe pour qui le conformisme social est tres important, ces hommes et ces femmes, tres probablement M. Toutlemonde le reste de la semaine, deviennent des Heros chaque dimanche. Ils se dechainent, transpirent, chantent, arrachent leurs vestes trop chaudes, leurs T-shirt collants de sueur, et continuent a danser.

Je suis toujours aussi fascine par l'energie de ces gars, et decouvre avec plaisir le style incroyable des Rockabilly girls, aux ravissantes robes a pois.


Shinto d'interet

A peine deux cent metres plus loin, l'enceinte du sanctuaire Shinto le plus important de Tokyo, le Meiji-jingu. Entre des arbres gigantesques, un elegant temple de bois, ou nous tombons sur un mariage traditionnel shinto. C'est vraiment beau : une douzaine de pretres vetus de blanc encadrent les deux familles, reduites a leur plus simple essence (parents et grands-parents, peut-etre deux temoins). Au milieu, le mariee, vetu d'un kimono tres simple et tres elegant, marche a cote de la mariee. Celle-ci revet un splendide kimono blanc, et marche a l'ombre d'une grande ombrelle rouge vif.

La procession marche tres lentement. De temps a autre, le pretre principal s'arrete, et semble discuter avec les maries. Tout ca est fait dans un silence quasi-absolu, a peine derange par le crepitement des appareils photos des touristes, aussi heureux que nous de voir un tel evenement pendant leur visite. Je suis encore sidere par le calme, la lenteur, l'assurance avec lesquels tout ca etait conduit ; le tout sous l'ombre des grands arbres, vert de leur feuille, brun du bois, crissement du gravier sous nos pas ; l'ensemble se traduit dorenavant dans ma memoire sous la meme forme qu'un reve mysterieux et silencieux, au parfum enfoui et un peu oublie.


Retour dans le Yoyogi Park, un peu sonnes. Il commence a faire froid. Ici comme au Ueno Park de la veille, des foules sont deja ivres (il doit etre 16h a peine), ca pique-nique a tout va. Pourtant, le dimanche apres-midi, periode du week-end si redoutee, fait deja des massacres : combien de baches inoccupees, combien de groupes en train de ranger leur nourriture et leurs boissons. Un parfum nostalgique de fin de fete couvre le tout, et nous decidons de partir au plus vite : c'est trop deprimant !

Shinjuku

Nous partons ensuite a la decouverte de Shinjuku. Ce quartier est LE quartier qui correspond a l'image cliche de Tokyo, celle des soirees de Lost in translation : jeunes hysteriques, bruit, fureur, neons clignotants. C'est aussi le quartier chaud de Tokyo, mais chaud a la Japonaise : des tonnes de sex-shops et salons d'hotesses, mais les premiers sont roses bonbons et pas du tout glauques, les seconds font discuter des jeunes filles avec des businessmen ou de vieux messieurs riches. Et c'est tout.

Ce qui a tous les aspects de la vitrine de la prostitution n'est que cette vitrine meme : dans les salons d'hotes et d'hotesses au Japon, les jolies jeunes filles ne font QUE discuter avec les messieurs. Tres etrange. De toute maniere, impossible pour nous, qui ne parlons et ne lisons pas japonais, de comprendre ce qui se trame derriere les vitrines couvertes de photos de jeunes filles souriantes. Nous nous contentons d'errer dans les rues brillamment eclairees de Shinjuku : nous nous perdons et nous rions devant les rangees de Pachinko qu'on apercoit tous les dix metres.

Pour ceux qui se demandent, le pachinko est une espece de flipper-machine a sou incomprehensible, specifique au Japon, et archi-populaire la-bas. Les Japonais se deplacent en masse pour se poser devant une machine, mettre des pieces et regarder des dizaines de billes tomber, sans rien faire. Absurde, et pourtant la plupart des Japonais y depensent des sommes folles. En mille ans d'observation je pense que je ne comprendrai pas les regles de ce jeu.

Nous dinons dans un restaurant a l'image du Japon : un petit cocon au sous-sol, tres chaud, tres intime, ou des cuisiniers souriants cuisinent de succulentes soupes devant vos yeux.


Tokyo tower ?

Lors de mon premier et dernier passage au Japon, j'avais visite avec mon frere la Tokyo Tower, copie orange et un peu moche de la Tour Eiffel. C'etait tres joli quoiqu'un peu cher. Cette fois, Aglae lit attentivement le guide, et decouvre qu'un immeuble gouvernemental propose un acces a une plate-forme d'observation au 80e etage. Et c'est encore ouvert! Nous nous y rendons, trop contents de pouvoir faire nos avares et de profiter de la vue sur Tokyo de nuit.

L'immeuble en question a plus ou moins la forme d'une cathedrale (regardez le lien), car l'architecte etait fou de Notre-Dame... Nous comprenons pourquoi la plate-forme d'observation est gratuite : un restaurant, un piano-bar et des dizaines de boutiques tentent de faire leur beurre sur la bonne humeur des gens (bonne idee, d'ailleurs).

Nous collons nos visages aux vitres : la vue sur Tokyo est vraiment belle. Pas aussi impressionnante que la vue que nous avions pu avoir a Hong-Kong ou Singapour, car Tokyo est une ville horizontale et non verticale. Ce qui est impressionnant c'est le tapis de lumieres, dans toutes les directions, qui montre a quel point la megalopole est partout : on se croirait dans une ville infinie, sur une mer de maisons.

Premiers pas a Tokyo, premier sake sous les cerisiers

28 mars


Charly sera mon guide enthousiaste pendant 10 jours (il est alle au Japon l'hiver dernier avec son frere, et c'est grace a cette experience reussie qu'il est passe de Super casanier a Super Backpacker). 10 jours seulement au lieu des 15 initialement prevus. Le cours Yen/Euro etait en effet en notre defaveur et apres reflexion, nous avons prefere passer moins de temps dans ce pays onereux et en profiter avec un budget correct plutot que de passer 15 jours a se restreindre sur tout. Retrospectivement, c'etait la bonne decision, nous en avons profite a fond!


Charly me guide vers mon premier temple japonais, dans le quartier d'Asakusa ou nous venons de passer la nuit. Une grande animation y regne. Les fideles caressent la tete d'un bouddha dore, brulent de l'encens et se mettent la tete dans la fumee. Le temple n'est pas tres ancien mais plutot joli, il est surtout orne d'une gigantesque lanterne rouge et d'une multitude de lanternes blanches. L'ambiance est a la fois detendue et recueillie. Des petits stands vendent offrandes pour les dieux et nourritures pour les humains (hum... les bananes enrobees de chocolat!).


Il fait tres froid et nous commencons a nous demander si nous sommes bien au printemps et si les cerisiers seront bien en fleurs. Nous n'avons pour l'instant rencontre que de fausses branches de cerisier en plastique!


Nous passons pres d'un immeuble esigne par Stark, completement loufoque: un cube noir avec un espece de spermatozoide dore sur le toit. C'est cense representer un verre de biere (tres tres) stylise.


L'absence de lits disponibles a Tokyo fait que nous ne dormirons jamais deux nuits au meme endroit. Premier transfert de nos gros sacs vers une auberge de jeunesse un peu excentree mais claire et sympathique.


Des fleurs, des fleurs, encore des fleurs!

Nous foncons ensuite en metro vers le parc de Ueno dans lequel se trouvent plein de musees. Je signale au passage que la carte de metro de Tokyo est tellement compliquee et la ville est si vaste qu'on dirait une peinture abstraite coloree. Pour simplifier les choses, toutes les lignes n'appartiennent pas au meme resau et un billet ne marche que sur un reseau. Le casse-tete...


Nous arrivons donc dans ce parc et bondissons immediatement de joie. A droite, a gauche, partout, des cerisiers couverts de fleurs blanches! Nous nous emerveillons avec la foule de Japonais qui a envahi les lieux pour l'occasion. Quelle chance que nous soyons au Japon pile au bon moment (la floraison ne dure que 2 semaines). Pourtant fan de musees, j'ai du mal a accepter d'abandonner le parc pour entrer le Tokyo National Museum.

Le musee abrite de tres belles sculptures, beaucoup de bouddhas, des guirlandes d'or tombant des plafonds d'une finesse incroyable, de la calligraphie, des vases. Beaucoup de choses donc, et nous coupons la visite par une promenade dans le petit jardin du musee, charmant. Tous ces objets me donne un bon apercu de l'art japonais mais Charly est decu car la section peinture est fermee. Il l'avait beaucoup aimee lors de sa premiere visite.


Du sake, du sake et encore du sake!

Nous ressortons au milieu des cerisiers et decidons de nous asseoir avec notre gouter sur une des baches prevues a cet effet, comme les gens qui nous entourent. Nous avons a peine le temps d'avaler deux grains de pop-corn que des jeunes Japonais pique-niquant non loin de nous se precipitent EN COURANT vers nous. Ils ont des canettes a la main. Nous nous joignons a eux, ravis par cet accueil enthousiaste.

Ce goupe de filles et de garcons de 25 a 30 ans, deja un peu emeche en cette fin d'apres-midi, ne connait pas beaucoup de mots en anglais. Nous passerons pourtant avec eux de joyeuses heures.

Les presentations sont rapidement faites. A l'evidence, nos hotes sont ravis d'avoir des touristes sur leur bache qui croule sous des provisions qu'ils s'empressent de partager avec nous. Brochettes froides, chips, boulettes de calamar, autant de specialites plus ou moins japonaises qui enchantent Charles. Certains nous offrent des petits cadeaux: une piece porte-bonheur, un talisman, un bonbon, etc. Nous sommes bien embarasses car c'est une tradition au Japon de s'echanger de tous petits cadeaux et nous n'avons strictement rien sur nous...

Pendant nos discussions en pointilles, des jeunes Japonais avec une guitare viennent chanter pour chaque groupe pique-niquant sous un arbre, un peu comme les enfants americains qui vont de portes en portes avant Noel. Ils ne chantent pas specialement bien, mais participent a l'esprit de fete qui regne dans le parc.

La longue ribambelle de lanternes rouges qui a ete accrochee entre les cerisiers s'allume soudain ; nous ne nous etions meme pas apercus que la nuit etait tombee! La douce lumiere des lanternes eclaire magnifiquement les milliers de fleurs immaculees sur fond de nuit noire. Lever la tete est un enchantement. Sous les lanternes se dessinent aussi les ombres de japonais de plus en plus ivres, riant en faisant de grands gestes ou dormant par terre sous le regard amuse de leurs amis. De temps en temps, une civiere passe, portant un Japonais ivre mort. C'est pour nous tres cocasse, car tous ces Japonais en liesse voire dechaines sont a l'oppose de l'image europeenne du Japonais reserve et mesure.

Le froid se fait pourtant de plus en plus penetrant et ce, malgre les couvertures apportees par nos nouveaux amis. Nous ne resistons pas trop mal grace au sake dont on ne cesse de nous abreuver. Charly renoncera a gouter un soi-disant vin francais dans une bouteille en... plastique. L'odeur est, je cite, "indescriptible". Nous gouterons par contre le shochu, l'alcool fort local, et des etranges sodas aux fruits, petillants et alcolises, dont nos amis sont fans.

La conversation est tres animee, a grand renfort de mimes et d'exclamations, mais une grande partie de ce qui se passe nous echappe. Un des convives s'endort, d'autres rentrent chez eux, un troisieme fait des gestes obscenes en reaction a une blague qui nous echappe. Nous sommes geles. Nous finissons par nous eclipser a regret apres moult remerciements. Charles est assez ivre.


J'ai le temps d'appercevoir en sortant du parc la multitudes de neons colores qui transforme le quartier de Ueno la nuit. Metro... Arrives dans notre petite chambre, nous empilons nos sacs pour pouvoir deplier nos futons et nous nous enmitouflons dans toutes les epaisseurs de couettes (il y en a toujours au moins 2 ou 3 au Japon, ce qui est tres confortable). Charly s'endort sous mes yeux en un clin d'oeil, tout habille.

Le Japon ne pouvait decidement pas mieux commencer!


Ps: ce message a ete tape avec un masque sur la figure (constitue d'une echarpe) non a cause de la grippe porcine, mais a cause de mon voisin chinois qui pue terriblement.

Arrivee sur une autre planete

27 avril


Depart en stress
Apres une journee a appeler deserperement des dizaines d'auberges de jeunesse japonaises nous repondant a 99,9% "sorry, full", nous avions reussi la mission impossible d'avoir un lit pour chaque nuit ou presque. Nous nous reveillons vendredi matin l'esprit tranquille: nous n'avons qu'a choper notre avion dans l'apres-midi. Mais soudain, nous realisons que notre avion arrive seulement 1h avant la fermeture du train qui relie l'aeroport a Tokyo (a 22h, les japonais sont hyper couche-tot). Impossible de prendre un taxi car l'aeroport est tres tres loin de la ville et ca coute une somme folle. En plus, toutes les receptions d'hotel a Tokyo ferment a la meme heure que le metro, et il est hors de question de passer la nuit a l'aeroport.

Nous nous mettons a chercher desesperement un hotel bon marche pres de l'aeroport... l'heure tourne, il faudrait partir. Il n'y en a pas. En desespoir de cause, nous reservons deux capsules dans un capsule hotel, toujours ouverts 24/24.


Nous courons attraper nos sacs, devalons les escalators sans fin, enregistrons nos bagages dans la station du metro reliant l'aeroport (pratique quand meme, imaginez que vous pouvez vous debarasser de vos grosses valises avant de prendre le RER pour Roissy), decouvrons par la fenetre du train les immenses zones portuaires de HK avec leurs containers , traversons l'aeroport au pas de course et embarquons pile a l'heure. Charly stresse deja a l'idee de rester bloque a l'aeroport de Narita, je suis plus confiante dans notre timing serre.


Arrivee en douceur
Nous volons sur Cathay Pacific : le luxe absolu. Tout est confortable, la nourriture est bonne et il y a un immense choix de films et de jeux pour l'ecran individuel. Le vol est presque trop court ! Arrives a Narita, le passage de l'immigration et le recuperage des valises prennent cinq minutes : nous avons meme le temps de nous procurer des Yen avant de prendre l'avant-dernier metro. Charly se detend. Je suis tres excitee a l'idee d'etre enfin dans ce pays dont il m'a tant parle.


Le metro aerien traverse une ville sans fin et tres basse (des petites maisons avec des petits jardins, pas les grands buildings qu'on imagine quand on pense a Tokyo). Je commence a decouvrir le japonais, tout en "o" et en "a", enfin une langue facile a prononcer ! Il y a d'ailleurs tellement peu de sons en japonais que tous les noms se ressemblent (Asakusa et Akasaka sont par exemple deux quartiers differents de Tokyo) et que les Japonais ont beaucoup de mal a apprendre les langues etrangeres. Comme en japonais un mot ne finit jamais par une consonne (a part N ou S), leur prononciation de l'anglais decoiffe : ils ajoutent des voyelles a la fin des mots: "hotto" pour "hot", "chekingou" pour "check-in"...


La grande gentillesse des Japonais sera une constante merveilleuse de nos 10 jours sur l'archipel se manifeste rapidement: voyant nos airs deja endormis (les sieges chauffants du metro aident a se laisser bercer), une jeune fille vient spontanement nous aider a trouver le bon metro lors de notre changement.


Capsule spatiale
Nous trouvons notre capsule-hotel (kapusolu hoteru) en 5mn et il y a meme des indications en anglais ! Nous entrons alors dans un autre monde, ou je decouvre rapidement qu'au Japon tout est different...

- On ne paie pas sa capsule au monsieur derriere son comptoir, mais on met des sous dans une machine qui nous donne un ticket que nous donnons au monsieur qui nous donne les cles (???). Je decouvrirai par la suite qu'il en est de meme dans certains restaurants ou l'on commande et paie via une machine.

- on laisse chaussures et gros sacs dans un casier dans l'entree. Puis, on nous donne un yukata (un pyjama-kimono), du savon, une serviette, une brosse a dent, un peigne, des pantouffles et meme un rasoir pour les hommes. Tout est fourni car les capsules-hotels sont concus, non pas pour les touristes, mais pour les hommes qui habitent loin dans la banlieue de Tokyo. Ceux-ci ne peuvent plus rentrer chez eux apres etre sortis tard, car le metro ne marche plus

Au Japon, il est apparamment traditionnel et obligatoire de se saouler avec ses collegues une fois par semaine. Ils arrivent donc sans rien d'autre que pas mal de sake dans le sang et il faut qu'ils soient rases de prets pour aller au bureau le lendemain. Notre capsule hotel est d'ailleurs l'un des rares a disposer d'un etage pour les femmes.

Arrivee a mon etage, je fais glisser la porte sur le cote apres avoir vainement essayer de la tirer et de la pousser, et comprend qu'il faut laisser absolument toutes ses affaires dans son casier : il n'y a pas de place pour autre chose que ma personne dans ma capsule. Les capsules se presentent comme les alveoles d'une ruche, sur deux etages, avec un petit rideau pour s'isoler. C'est etroit mais tres confortable. N'etant pas claustrophobe, je m'endors immediatemment, ravie de tous ces changements. Sauf que je me cogne plusieurs fois dans la nuit contre les cloisons de ma capsule.


Onsen ou comment prendre sa douche au Japon
Le reveil integre a la capsule sonne, c'est l'heure de la douche. Je monte au dernier etage, entrapercoit une vue superbe sur Tokyo par la grande baie vitree de la cafet' et me dis que la journee commence bien. Je suis les fleches "Women" et glisse la porte d'une piece pleine de vapeur. Heureusement que Charly m'avait donner le mode d'emploi la veille :

-on se deshabille entierement, la pudeur n'est pas de mise
-on s'assoit sur un des petits tabourets, face a un mur avec des miroirs et des douches et on se lave
-une fois propre, on se plonge dans un grand bain d'eau brulante

J'avoue que pour ce premier test d'un Onsen, j'etais assez soulagee d'etre la seule a poil dans la piece ! Ca fait un bien fou, on se sent detendue et reposee quand on sort.


Je retrouve Charly en bas, deja enchantee par mes premieres heures au Japon et prete a partir a l'assaut de Tokyo.

Escalators, bebes et poulet a la creme

23 - 26 mars

Il ne nous est en effet rien arrive de fou a Hong-Kong. Nous etions loges chez des enfants d'amis de la maman d'Aglae, un couple de la trentaine, LM et PM. Ils avaient deux enfants en bas-age, Max la Menace (3 ans, la vitalite d'une tornade) et Louise (une poignee de mois, un regard a vous faire renoncer a une vasectomie), et s'en occuper relevait pour eux du grand defi - et ce malgre l'adjonction des forces de la nounou philippine, dont le nom philippin m'echappe a l'instant.

Au-dela de Hong-Kong meme, ville beaucoup plus propre et mesuree que les villes chinoises, aux habitants plus polis et souriants que la Chine, cette famille nous a fait litteralement changer de monde. C'est bien simple, pendant 5 jours nous avions un peu l'impression d'etre extraits de l'Asie, d'etre plus ou moins dans le grand Chinatown d'une ville francaise. En effet, PM, le pere de la famille, n'apprecie guere la nourriture chinoise, et n'aime rien moins que la cuisine francaise et le vin francais.

Avec L ils ont decide de nous redonner le gout du pays, et nous concoctent soir apres soir, matin apres matin (ah des croissants et du pain), les specialites dont nous avions oublie jusqu'au nom : poulet aux morilles, ratatouille, gateau au chocolat... Autant de choses qui a vous, lecteur, vous paraitront peut-etre classiques, mais qui a nos papilles gonflees de sauce soja apparaissaient comme la Danse des 7 Voiles de la fourchette et du couteau. Et d'ailleurs, depuis quand n'avions-nous pas tenu une fourchette et un couteau ?

Passons sur ces details gastronomiques, j'en pleurerais presque. Plus pratiquement, nos hotes habitaient en haut d'une colline de l'ile meme de HK, les Mid-Levels, desservie par les Mid-Levels Escalators, qui sont le plus long escalator du monde, escalator qui a transforme un quartier un peu difficile d'acces en lieu hype (rebaptise Soho, signe de hypitude). En realite, nous fumes un peu decus a la premiere montee, car les Mid-Levels Escalators ne sont pas 1 mais une douzaine de troncons : a chaque fois qu'on croise une rue, il faut marcher a nouveau jusqu'au prochain escalator. Ce n'est que bout a bout qu'on se rend compte que ca fait de longues minutes qu'on est sur le meme escalator !

Faineants ?

Je vous vois venir avec vos accusations acerbes comme une grippe porcine. Vous etiez a HK et vous n'avez pas fait grand-chose ? Eh bien en fait si, mais il ne s'agissait point de decouverte de la ville. A peine apres avoir passe la frontiere, nous nous tapions deja 4 changements de metro pour aller pointer a l'ambassade de Chine, afin d'avoir un second visa chinois (puisque nous comptions retourner en Chine apres notre sejour au Japon).

Puis ce fut le tour du visa russe (Aglae avait vu sur internet qu'il etait devenu impossible de l'obtenir en Chine ou au Japon, c'etait donc le dernier recours), precede de l'obtention par internet d'une invitation plus ou moins frauduleuse (payante bien evidemment, mais tout le monde fait ca), necessaire pour obtenir le visa. Ensuite, il fallut s'assurer d'un moyen de rejoindre ledit Japon : tous les billets d'avion sur internet depassaient les 500 euros (pour un aller pas tres loin... absurdite), car il n'existe pas de low-cost qui relie le Japon. Nous degotons une agence de voyage, situee au quarantieme etage d'un immeuble de bureaux (c'est toujours comme ca a Hong-Kong, il faut aller chercher les magasins a des endroits incroyables), qui nous obtient un aller-retour pour 250 euros (une offre possible avec un retour 3 jours apres)... Nous n'utiliserons jamais le retour bien entendu, on remercie au passage le sens de la logique commerciale des compagnies aeriennes.

Mais la paperasse n'etait pas finie ! Il fallut aussi acheter le JR Pass, sorte d'EuroRail du Japon, offre incroyable qui permet l'utilisation illimitee des trains et TGV au Japon (ou ca vaut tres tres tres tres cher), qui ne peut s'acheter que dans un pays tiers. Autre agence de voyage, donc.

Par ailleurs il fallait aussi s'assurer de la partie "mais comment quitter le Japon pas cher ?". Nous nous etions decide depuis le debut pour un ferry de Osaka jusqu'a Shanghai, notre premiere destination chinoise. Sauf que la veille de notre depart pour Tokyo, Aglae, en trainant sur le site de la compagnie de ferry, remarque une anomalie : le bateau opere une fois par semaine, toute l'annee, sauf une semaine, ou il est en reparations. Et devinez la seule semaine de l'annee ou il restait a quai?

LA NOTRE !

C'est donc la course, recherches effrenees sur internet, etc, jusqu'a trouver l'existence d'une obscure compagnie reliant l'obscur port japonais de Shimonoseki a la grande ville portuaire chinoise de Qingdao (mais si, la biere Tsingtao, vous connaissez, non ?). Site internet en japonais ou en chinois. Nous reussissons a comprendre les prix et a trouver l'adresse e-mail, ou un type semble comprendre l'anglais et nous confirme la reservation.

Enfin, last but not least, deux jours avant le depart, nous commencons a nous interroger : ne serait-ce pas une bonne idee de commencer a reserver des hotels au Japon ? Cette interrogation commence a poindre alors que des souvenirs d'hotels pleins, lors de mon premier voyage au Pays du Soleil Levant, me reviennent en memoire. Et la, comme nous le precise L, qui a habite au Japon, nous serons en plein Sakura, qui n'est pas une periode de vacances, mais presque. En effet, Sakura, c'est la floraison des fleurs de cerisiers. Pour les Japonais, c'est une institution. Cela veut dire que tous les week-ends, on va visiter des villes et faire des pique-nique sous des cerisiers. Or les Japonais reservent toujours bien en avance leurs voyage.

Comme nous nous en rendons vite compte en appelant les premiers hotels et en consultant les sites de reservation, TOUT est plein a Tokyo et Kyoto lors des week-ends. Nous passerons ainsi la derniere journee a HK a ne rien faire d'autre que passer des coups de fil, envoyer des mails, etc. In fine, nous aurons avant notre depart pour le Japon TOUT reserve, sauf 2 nuits particulieres que nous vous raconterons, ce qui releve un peu de l'exploit dans la plupart des cas.

Pendant ce temps, Hong-Kong nous attendait, et ne nous voyait pas venir...

Mais HK alors ?

N'exagerons rien, nous avons quand meme visite HK les premiers jours, et entre les demarches administratives les jours suivants. Hong-Kong nous apparait comme le compromis ideal entre Singapour et les villes chinoises : propre mais animee, policee mais vivante, moderne mais jolie. Impossible de se croire ailleurs qu'a HK : levez les yeux, les montagnes sont partout, et semblent a tout moment vouloir encercler, rattraper cette ville compacte.

Car a Hong-Kong, comme nous disaient hier deux Indiens qui y ont vecu, comme il manque de la place, on a prefere l'expansion par le haut. Partout, c'est donc une foret impenetrable de gigantesques barres d'immeubles. Chacun a ete peint en couleurs au moment de sa construction, couleurs qui, l'humidite incroyable de HK aidant, sont toujours un peu passees. D'ou une myriade de gratte-ciels pastels, un peu roses, un peu mauves. Ne rigolez pas, l'effet est saisissant, d'autant qu'ils ont tous cet air decrepit qui donne l'impression qu'on visite une ville moderne ancienne. Ou quelque chose comme ca.

Un air de brume

Element constitutif de HK, inseparables diront certains : le temps pourri. A part le premier jour ou il faisait environ 1500 degres, au point qu'on croyait avancer dans la vapeur, il a fait un temps pourri tous les jours. Pluie, bruine, brume, autant de variations plus ou moins froides de la couleur grise. Pour autant, Hong-Kong est une ville a qui le gris va bien. Sans blague, la brume s'accroche sans probleme a ses rues, ses immeubles un peu deglingues, ses grands centres d'affaires, comme l'armee des fantomes du royaume de l'argent.

En parlant de deglingue, une visite fut particulierement instructive, bien que rarement a mon avis dans les circuits organises : ce fut celle de la Chungking Mansion, mythique immeuble de logements bon marches. En fait, c'est une enorme barre, absolument pourrie, grise, sale, au milieu de la rue la plus commercante et animee de Hong Kong. L'entree principale est fourmillante d'Indiens : rapidement on se retrouve en Inde, au milieu d'un fourbi d'etals. Tous proposent pele-mele samosas, naans, jeans de contrefacon, appareils electronique pas chers (qui j'imagine ne doivent pas tenir longtemps). Une armee d'Indiens a l'air un peu louche nous proposent des guest-houses ou des habits sur mesure. A noter d'ailleurs que dans HK vous ne pouvez pas faire un metre sans qu'on vous propose des habits sur mesure.

Mais l'interet du truc c'est surtout de monter dans les etages. De glauques ascenseurs vous deposent dans des etages sombres ou, au-dessus de portes fermees a triple tour, cadenassees d'autant de chaines que Fort Knox, vous trouvez des petits panneaux tels que : Happy Guest House ou Disney Guest House, parfois doubles de panneaux disant : Allah est grand. En tout, il doit y avoir une quarantaine de guest-houses. C'est drole a force d'etre sinistre.

Deux semaines plus tard, j'ai croise dans une auberge de jeunesse a Shanghai un jeune Anglais. Il avait sejourne dans une des pensions de la Chungking Mansion, et n'avait pas tenu plus d'une nuit. Il m'a raconte son experience :

- En fait, il ne faut pas croire que ce sont des pensions pour les voyageurs, les backpackers a petit budget. Non, ce sont des endroits ou les travailleurs immigres, la plupart du temps illegaux, viennent pour dormir. Le soir, je me suis donc retrouve face a une dizaine d'Africains et d'Indiens qui me regardaient en silence, fixement, avec des yeux ronds. Je suis parti loger ailleurs, a la Mirador Mansions, dans le meme genre, qui etait legerement moins glauque.

Et pourtant, Mirador Mansion, rien que le nom...

Du haut de la banque

Hong Kong ne consiste pas uniquement en cet aspect un peu sale et decrepi, qui a mon avis ne tardera pas a disparaitre. La ville la plus riche de Chine peut aussi se targuer de certains des plus hauts, des plus elegants et des plus classieux des gratte-ciels. Passer de Kowloon (peninsule sur le continent chinois, partie du territoire de HK) a l'ile de Hong-Kong en Star Ferry fait partie des experiences les plus fortes de notre sejour sur place. Ce ferry, qui ne coute quasiment rien, offre une vue panoramique et stupefiante sur la mer de gratte-ciels qui vous entoure.

Autre super plan, celui donne par notre ami Nicolas, qui avait etudie un an a HK : l'immeuble de la Bank of China propose de monter gratuitement au 43e etage. Observation gratos, donc, en plein milieu du CBD, le quartier des affaires archi-moderne de HK. Vue splendide, evidemment.

Troisieme poste d'observation, cette fois-ci a mourir de rire : tous les soirs, 365 jours par an, la ville de Hong Kong se prete a un spectacle son et lumiere delirant. Ca s'appelle Symphony of Lights, et ca consiste a eclairer en rythme une vingtaine de gratte-ciels de Hong Kong. Lumieres roses, bleues, neons appuyant les contours des immeubles... Le tout sur une musique generalement ridicule, mais tres entrainante.

C'est difficile a narrer, mais il faut savoir que nous riions en permanence, mais pas un rire de moquerie. Plutot un rire naif, un rire d'enfant : apres tout est-ce vraiment une honte de reutiliser comme ca les immeubles, de faire que le spectacle s'accapare la ville ? On pense aux illuminations des fetes de la Lumiere a Lyon, au 14 juillet, mais jamais je n'ai vu une telle demesure (pensez bien, tous les gratteciels du front de mer), et surtout tous les jours. Dingue.

Il y avait bien evidemment un monde fou sur cette promenade, des milliers de gens qui tous prenaient des photos avec flash d'immeubles situes a deux kilometres. Il faut surtout voir et entendre le debut, ou une voix surexcitee annonce les participants au jeu : "et maintenant, l'immeuble HSBC ! L'immeuble de Citibank !" et immediatement l'immeuble en question qui redouble d'effets lumineux, comme un chien bien dresse.

Victoria what ?

Par modestie, il faut aussi narrer notre derniere tentative pour voir la ville de nuit (la ou elle est la plus belle, evidemment). L et P nous tannaient pour que nous allions voir le Peak, qui n'etait certes pas loin de chez eux (ils habitaient sur le flanc du Peak). Une plate-forme d'observation y est notamment installee pour admirer la ville se deroulant a ses pieds. Sur le papier ca avait l'air genial, et recommande par tous.

Le dernier soir, apres diner, apres cette journee infernale a chercher des hotels au Japon, nous nous decidons a y faire un tour. Apres tout, le funiculaire ferme assez tard, nous avons bien une heure devant nous. Nous sautons dans un taxi, et lui annoncons "Victoria Peak". Il comprend "Victoria Park", ou quelque chose comme ca, et apres un bon moment dans la mauvaise direction, je lui fait part de mes inquietudes. Il ira jusqu'a appeler un ami parlant mieux anglais que lui pour comprendre notre destination. Vraiment sympa.

Mais au fur et a mesure que nous montons reellement vers Victoria Peak, un doute terrible nous etreint : oui il a fait moche toute la journee ; c'est vrai que maintenant qu'on y pense, il y avait l'air d'avoir de sacres gros paquets de brumes en haut des plus grands gratte-ciels les derniers jours ; mon Dieu serait-ce de la brume autour du taxi?

Nous arrivons en haut du Peak, et c'est l'echec absolu. Nous deambulons d'abord dans un centre commercial abandonne (tous les magasins sont fermes), avant de trouver - peut-etre- une plate-forme de vague observation. Un mur de brume blanc et froid glisse imperturbablement devant nous. Je suis meme oblige de sortir ma boussolle pour savoir dans quelle direction est la fameuse ville etincelante. Des qu'Aglae s'eloigne de moi de plus de 10m, elle devient une ombre dans la brume, comme dans le film Les Autres. La descente en funiculaire sera encore plus decevante. Honte.

Bilan Hong-Kongais

Nous partirons donc de Hong-Kong un peu sur notre faim : nous avons decouvert une ville magnifique, qui nous plaisait beaucoup ; par contre nous en avons peu profite, a cause de nos demarches d'organisation, et aussi a cause du temps. Mille promenades et escapades vers les iles autour de HK sont possibles quand il fait beau : nous n'en avons fait aucune.

Mais lorsque nous partons du continent chinois, nous savons que nous voulons revenir explorer cette cite, a une saison un peu plus propice (et avec plus d'argent car... Hong Kong est une ville un peu ruineuse). Et surtout, nous partons de Chine avec quelques precieux atouts pour la suite de notre voyage : nous aurons l'esprit libre pour les 10 jours a passer au Japon (et 10 jours c'est peu), nous avons enfin notre visa russe, tant redoute, et notre second visa chinois, sans lequel nous aurions ete oblige de dire adieu a Shanghai, la Cite Interdite de Pekin, les Guerriers en terre cuite de Xi'an et la Grande Muraille.

C'eut ete dommage, non ?

lundi 27 avril 2009

La frontiere la plus deprimante

23 mars

Comme je vous l'avais dit precedemment, Chine egale malediction de l'aube. Nous arrivons comme prevu a Shenzen a une heure pas permise, les yeux sortant peniblement de leurs orbites encore brulantes de sommeil. Il fait a peine jour, et nous voila a trainer nos bagages vers la frontiere avec Hong-Kong. Parce que depuis 1997, HK a beau appartenir officiellement a la Chine, en pratique elle conserve tous ses attributs et son independance : monnaie separee, systemes financier et politique independants, frontiere a passer, obligation de renouveller son visa chinois si on va a HK... Donc il faut passer la frontiere. Si avant elle etait tres frequentee, aujourd'hui la plupart des gens la passent en restant dans un train.


Nous avons choisi la solution la plus authentique, nous le payons de notre sueur. En theorie la frontiere est tres proche, mais aucun panneau ne l'indique. Il faut donc se perdre avant de commencer a trouver un grand batiment qui semble etre la frontiere. La, il faut faire trois fois le tour du batiment, se perdre, rentrer sans faire expres dans un commissariat, monter des escaliers pour les redescendre trois metres plus loin, passer a cote du tas d'ordures le plus odorant de la planete (Inde exceptee), pleurer sous le poids des sacs, passer dans un centre commercial desaffecte, et a cote de restaurants patibulaires et de cafes neurastheniques. La, une serie d'escalators discriminent chinois et non-chinois, puis ca ressemble a une douane d'aeroport (memes neons, meme proprete). Tampons, tampons, tampons, queue, tampon, tampon, tampon. Nous voila sortis de Chine, notre beau visa si difficilement acquis n'est plus valide, et nous sommes deja dans une station de metro Hong-Konguaise. Il y a de l'anglais partout, des enfants qui courent et crient en cantonais, un 7-Eleven : pas de doute, nous sommes sortis de l'Empire du Milieu.


(savez-vous d'ailleurs comment on dit "Chine" en chinois ? Zhong-guo, litteralement "Milieu-pays", le pays du Milieu. Et la France ? "Fa-guo", a cause de la vague ressemblance entre fa et France, sauf que le signe utilise est le signe FA qui veut dire "loi"... la France est donc le pays de la Loi, cocorico)

Foin de considerations linguistiques, notre arrivee a Hong-Kong, toute difficile qu'elle fut, marqua aussi pas mal de denouements. Le retard accumule de ce blog m'empeche de faire un recit circonstancie de notre passage dans la megapole aux influences sino-britanniques

Je vous ferai donc dans le prochain message un topo general de notre sejour Hong-Konguais.

Yangshuo 2e jour, la balade interdite

22 mars

Je me reveille de bien belle humeur, impossible de faire autrement vu que j'ai mange des escargots la veille. Nous decidons aujourd'hui de nous bouger les fesses, non plus sur un velo, mais a pied, en faisant une longue balade le long de la riviere Li (allez voir les photos du lien), qui serpente de Guilin a Yangshuo. Une randonnee celebre (et donc payante) suit la riviere entre deux villages. Il suffit d'aller en bus au premier, et de repartir en bus du second. Nous faisons des provisions de Snickers (une des seules possibilites de vrai chocolat en Chine), et partons.

Lorsque nous arrivons a Yangdi, point de depart, nous sommes bien entendu assaillis. Nous savons depuis la veille que qui dit petit village minable touche par le tourisme dit harcelement perpetuel du petit blanc. Et la ca ne manque pas. Une personne surtout nous a pris pour cible. C'est une jeune femme avec un bambin sur le dos. Nous ne savons pas ce qu'elle demande, mais elle nous embete, BEAUCOUP. Nous cherchons le point de depart de la balade, mais elle nous suit, en nous parlant, en nous criant dessus, en nous demandant des choses. Nous devenons aggressif, et comme tous les Chinois dans ce cas-la, ca ne l'emeut pas du tout : elle continue a nous suivre a distance, avec son bebe sur le dos. Elle ferait mieux de s'en occuper, suggere Aglae.
Au bout d'un petit moment, nous comprenons qu'il faut peut-etre prendre un bateau pour traverser la riviere et commencer la balade. Sauf qu'il y a une armee de petites embarcations en bambou mouilles dans le petit embarcadere, que nous ne savons pas lequel prendre, s'il y a un ferry, etc. Nous sommes un peu perdus, et la Chinoise qui nous harcele... La balade n'a pas commence, et nous en avons deja marre. Je demande a un groupe de Chinois qui semble attendre d'embarquer s'ils savent ou commencent la balade. Ils ont des rudiments d'anglais, surtout une jeune femme, et nous disent qu'ils font eux aussi la balade. Rapidement, ils prennent la decision de nous aider.

Et la tout se complique. Alors que ce groupe, qui s'averera etre constitue d'au moins trente personnes, se disperse en petits groupes et essaie de nous faire monter sur une des barques a leurs cotes, la Chinoise-au-bebe decide de se venger. Elle se precipite vers l'embarcation, et pousse des beuglements en nous montrant du doigt. S'ensuivent des bordees de cris des deux cotes, le tout dans une atmosphere qui fait de rapides allers-retours entre la franche engueulade et la franche bonne humeur. Nous ne comprenons toujours rien, et sommes un peu genes de compliquer la tache de nos nouveaux amis chinois. La Chinoise-au-bebe convainc ses allies les bateliers, qui font croire que nous sommes trop sur le navire. Nos amis les Chinois-de-la-ville se foutent des Chinois-de-la-campagne en montrant les autres bateaux pleins a ras-bord, en comptant les passagers et en riant. Enfin c'est ce que nous avons saisi de l'affaire.

Les engueulades continuent, un batelier vient regulierement nous faire signe de degager du bateau, comme si nous etions des sales chiens poses sur un canape en velours. Mais nous tenons bon. On sent une veritable animosite generale, derriere les vannes de facade : nous sommes pris au milieu du mepris des citadins a l'egard des paysans chinois, et de l'envie des paysans pour les portefeuilles des citadins. En ce qui nous concerne, il est evident que les paysans veulent nous racketter seuls, la ou aucun Chinois ne pourra negocier a notre place.

Finalement deux passagers de notre bateau vont en prendre un autre occupe par d'autres membres du groupe, et nous partons. Notre bateau ne nous fait pas faire uniquement la traversee du fleuve, et la balade en bateau commence a durer. Nous finissons par nous demander si nos amis de la ville ont bien compris que nous voulions faire la randonnee, et si a la place nous ne nous retrouvons pas dans une balade en bateau comme tout le monde en fait.

Tant pis, le paysage est encore plus beau que la veille. Nous passons au milieu d'une rangee de pains de sucre, recouverts de verdure, qui bordent litteralement l'eau. C'est vraiment fascinant.

Debut de la balade
Le bateau finit par accoster, un ou deux kilometres plus loin (mais sur la meme rive que notre point de depart !). Nous ne comprenons rien a notre carte, d'autant que notre guide mentionnait un droit d'entree pour la balade. Est-ce le tarif que nous avons paye pour monter sur le bateau ? Nous maudissons notre guide d'etre aussi vague. Les passagers des differents bateaux se retrouvent, et nous comprenons alors qu'il s'agit d'un groupe gigantesque.

Tous se mettent en rang pour une photo souvenir. Impossible pour nous d'y echapper, car nous sommes devenus la coqueluche du groupe. Une fois les 15 photos de groupes finies (une par appareil numerique disponible), une femme vient nous poser son enfant dans les bras, le temps d'une photo. Tout comme en Inde, nous sommes LES stars.

Le probleme, c'est que notre balade repose sur un pari risque : il faut la finir a temps pour rentrer a Yangshuo, recuperer nos sacs puis retourner a Guilin prendre notre bus de nuit pour Shenzen (a cote deHong Kong). Ca ne laisse pas beaucoup de temps pour trainer. Et un groupe de 30 personnes, dont des marmots, qui font une promenade, je peux vous dire que ca traine.

Au bout de quelques minutes, nous rassemblons notre courage, et faisons comprendre a la seule anglophone que nous sommes presses. Pas de probleme, elle s'en fout. Nous les remercions et disparaissons au pas de course.

La suite de la balade belle mais compliquee.
1) Nous ne savons jamais vraiment ou nous sommes.
2) Un bureau improvise en pleine nature nous ferra payer le billet d'entree de la randonnee. Le ticket comprend des ferrys, qui s'avererons etre en fait derriere nous, ce qui acheve de nous deboussoler (nous avons donc eu tort de monter dans le bateau des chinois).
3) le dernier ferry qu'il nous reste a prendre pour traverser la riviere et atteindre l'arrivee est, lui, payant...
4) la seule personne qui tentera de nous aider, c'est un Chinois survolte qui ne parle absolument pas un mot d'anglais, mais qui est tres drole.
5) pire que tout, je n'ai pas assez dormi et je suis de mauvaise humeur

Tout ca fait que nous ne nous arretons jamais, car nous ne savons jamais si nous sommes a l'heure sur notre planning. Nous avons meme plutot l'impression d'etre en retard...
Neanmoins, nous ne pouvons nous empecher de nous extasier devant ce paysage que pourtant nous nous evertuons a traverser le plus vite possible. Nous degustons quand meme (en marchant) des oranges provenant d'une foule d'orangers qui embellissent encore un peu plus les alentours. Au bout d'environ 3h de marche, il y a a nouveau du monde sur la route (jusqu'ici deserte), et nous nous apercevons que nous avons termine la balade, ayant atteint le village de Xingpin, but ultime de notre marche.

Nous avons donc tellement stresse que nous avons quasiment divise par deux le temps de marche prevu. Nous rions un bon coup, puis sautons dans le premier bus pour Yangshuo. S'ensuit la longue litanie pas tres interessante : bus, marche pour reprendre les bagages, douche a l'hotel, marche, attente, bus pour atteindre Guilin, etc. Nous finissons par monter dans le bus-couchette pour Shenzen, alors que nous sommes quasiment en retard. Ce bus de nuit est particulierement confortable, aux antipodes de l'epave que nous avions prise pour faire Lijiang-Kunming, quelques jours plus tot.

Mieux, il est vide, ce qui nous etonne pas mal : personne ne veut rejoindre Hong-Kong depuis cette ville tres touristique ? La reponse nous est donnee apres une bonne heure de route. Nous nous arretons dans une gare routiere, qu'Aglae reconnait immediatement : nous sommes revenus a Yangshuo. C'est-a-dire que, croyant qu'il n'y avait pas de bus pour Shenzen depuis Yangshuo, nous avons perdu deux heures et demie de notre journee a aller a Guilin pour prendre un bus qui prenait en fait des passagers a Yangshuo, en se pressant pour rien pendant la balade! Nous maudissons notre guide, et notre manque d'audace. Nous nous sentons un peu nuls sur ce coup...

Le bus repart, choisissant comme d'habitude de diffuser un film. Lequel ? L'Interprete, evidemment, que nous avions deja vu dans le bus Guilin-Yangshuo deux jours avant. Hasard malencontreux, qui renforce notre impression de tourner en rond et nous force pour la seconde fois a voir ce film de dialogues (double en chinois, vous imaginez le plaisir). Oui, nous sommes forces, parce que nous sommes allonges a l'avant du bus, c'est-a-dire que nous (et specialement Aglae) sommes juste sous l'ecran plasma.

Bras de fer international
Au bout d'un moment, le film se termine. Le second chauffeur decide non pas d'eteindre la tele (il commence a se faire tres tard, et le bus arrive encore tot a Shenzen), mais de mettre des clips, puis une emission de variete insupportable. Alors que moi je dors deja, un peu plus protege de la lumiere de la tele, Aglae, la tete a 50cm de l'ecran, commence a fulminer. D'autant que tous les autres passagers du bus dorment comme des loirs. Seul le chauffeur de remplacement regarde la tele et rit.

Aglae decide donc, apres concertation avec son petit ami endormi, de ranger la tele (il suffit de la faire pivoter dans le plafond). Le chauffeur bis s'enerve en chinois et re-ouvre la television. Aglae la replie en lui montrant l'horloge. Tension. Le chauffeur ressort la TV en bougonnant. Je la replie (il n'a du voir que ma main, d'en haut), pendant qu'Aglae le houspille. Il la re-ouvre, Aglae la replie, etc. etc. (elle a decide qu'elle preferait passer la nuit a ce petit manege plutot que de supporter la debilite des shows chinois). Au bout d'un moment, le type comprend qu'il n'est pas de taille, et va eteindre le son et les autres televisions.

VICTOIRE ! Nous pouvons nous endormir. Aglae vient de remporter une nouvelle victoire de la civilisation sur la malpolitesse chinoise. Je felicite Aglae en pensee, trop fatigue pour lui parler, et m'endors en pensant que demain nous ne serons plus vraiment en Chine.

samedi 25 avril 2009

Yangshuo, Voyage dans une estampe

20 - 21 mars


Nous courons a la gare routiere de Guilin pour acheter des tickets du bus de nuit pour Hong Kong. En effet, notre guide nous indique qu'il n'y a pas de bus express pour Hong Kong en partance de Yangshuo, la ville ou nous avons prevu de passer les prochains jours. L'esprit tranquille, nous avalons un repas dans un restaurant sympa mais cradoc et prenons le bus pour Yangshuo. J'essaie vainement de comprendre le senario du film L'Interprete, diffuse en chinois. Un homme gras et suant, assis au fond du bus, ne cesse de cracher avec un bruit aussi repoussant que sa personne. Charly manque d'etouffer de rire a chaque nouveau crachat.

La petite ville de Yangshuo est la soeur jumelle (en moins huppee) de Guilin, celebre pour ses paysages en pains de sucre. Nous commencons en effet a les apercevoir au loin, formes etranges se decoupant sur fond de rizieres. Mais le temps est pourri: brume et pluie. La ville en elle-meme est sans interet ; la grande rue nous rappelle furieusement Khao San Rd a Bangkok, a la difference notable qu'il n'y a quasiment pas d'occidentaux.

Une foule bruyante de Chinois, des boutiques de souvenirs, des bars avec de la musique a fond... Cela aurait pu etre un peu oppressant avec la fatigue du voyage ; mais un gros et grand monsieur au teint cuivre de maquillage, avec une fausse barbe et de faux sourcils noirs (cense representer un mandchou?), hurle dans la rue pour vendre de la viande sechee. Nous tombons immediatement amoureux.

Nous trouvons dans une guesthouse au personnel tres sympa une chambre un peu sombre mais confortable. Nous reussissons a denicher un petit resto calme (oh miracle!) ou les plats ont mijote dans des petits pots en terre. La charmante serveuse apprend l'anglais pendant ses pauses. Notre guesthouse est tellement sympa que des DVD y sont a disposition gratuitement. Cela faisait des mois qu'on ne s'etait pas regarde un fim le soir.

Entousiasmes a l'idee d'etre un peu comme a la maison, nous vivons une experience curieuse. Apres un DVD ne marchant pas et un autre en screener (c'est-a-dire que quelqu'un filme a la main un ecran de cine, ca donne le mal de mer), nous reussissons a regarder Benjamin Button mais a chaque fin de chapitre il faut chercher quel chapitre est le suivant, car tout le fim est dans le desordre! Une sorte de film-puzzle en somme (et non ce n'etait pas parce que le film lui-meme est construit en puzzle, ca coupait au milieu des phrases).

A coup de pedales au milieu des rizieres
Nous enfourchons nos velos de bon matin et commencons par nous perdre au milieu des potagers des paysans chinois, un peu eberlues de nous voir debarquer au milieu de leurs arbres fruitiers. Nous finissons par tomber sans le faire expres dans les coulisses d'un spectacle cree par Ang Lee et donne tout les soirs sur la riviere. Apres avoir trouve le bon chemin, nous continuons a errer, mais cette fois plus ou moins volontairement, au milieu des champs et des pains de sucre. Nous traversons des petits villages paumes et a chaque detour le paysage est plus enchanteur. Puis nous decidons que nous nous sommes assez perdus et tentons de reprendre la bonne direction. Nous la trouvons apres avoir fait l'inverse de ce que suggerait Charly, completement deboussole.

Nous longeons une majuestueuse riviere d'ou emergent de gros rochers couverts de vegetation. Quand la faim se fait sentir, nous tombons comme par enchantement sur un petit restaurant tout simple mais charmant: une cahute en bois, quelques tables au bord d'un etang et toujours ce paysage d'une grande poesie en toile de fond. Nous nous regalons, enchantes, et repartons sur le chemin boueux. Les champs laissent place aux rizieres, des paysans travaillent accompagnes de leurs buffles, c'est la Chine des cartes postales.

Vous avez dit insistants?
Nous decidons de bifurquer pour aller voir un lieu mysterieux baptise les Etangs aux Trois Couleurs. A l'intersection une femme nous arrete et insite pour que nous venions dans son restaurant. Nous lui faisons signe que nous avons deja mange et passons notre chemin. Elle commence a nous suivre de loin. Nous n'y faisons pas attention, posons nos velos et partons a pied a la recherche des etangs. Apres quelques detours, nous decouvrons qu'il ne s'agit que de grosses flaques vaguement turquoises au pied des rochers, pres desquels nous surprenons un couple semble-t-il gene de notre soudaine presence. Rien de fantastique.

Nous retournons prendre nos velos et nous trouvons a leurs cotes la restauratrice acharnee, qui nous avait attendus. Elle continue a nous alpaguer en chinois. Nous sautons sur nos velos et pedalons le plus vite possible pour lui echapper!


Nous finissons par atteindre un village ou il reste quelques belles vieilles maisons. Malheureusement, cette petite renomme a transforme les paysans du coin en pro du harcelement des rares touristes. Nous n'avons pas le temps de poser le pied a terre que lademi-douzaine de personnes se tenant sur la place principale se met a nous proposer a grand cris restaurant, eau, souvenirs et promenades en bateau.

Nous essayons de leur expliquer que nous voulons juste nous promener au calme, certains comprennent, d'autres pas. Apres avoir constate que la traversee de la riviere coute un prix astronomique, nous decidons de nous mettre a la recherche du ferry que nous n'avons pas trouve a l'aller.

Le retour est tout aussi beau, la lumiere declinante est parfaite. Nous demandons ou est le ferry a absolument chaque croisement et grace a cette interrogation methodique de paysans etonnes, nous le trouvons. De l'autre cote du fleuve se trouve un autre charmant village, plus calme. Nous croisons des touristes chinois enchantes de nous voir et qui veulent evidemment nous prendre en photo. Nous leur disons en chinois que nous sommes francais et ils se lancent dans un long discours enthousiaste en chinois tout en mimant quelqu'un qui rame.

Charly a beau baragouiner mieux que moi dans n'importe quelle langue, je comprend mieux ce qu'essaient de nous dire les gens. D'apres mon interpretation, ces chinois sont tres fiers de venir de la ville qui a accueilli les competitions d'aviron aux JO, que des Francais on gagne. La conversation s'arretera la mais ils repartiront le sourire aux levres.

Nous rentrons a Yangshuo par la route. Elle serpente au milieu des rochers geants, dans un paysage aussi grandiose que ceux de l'Ouest americain. La route ne cesse de monter et descendre, Charly pedale loin derriere dans les montees (mais tant qu'il ne saute pas du velo en marche comme il a l'habitude de le faire avec les Velib' je ne me plains pas!). Ce retour est aussi beau qu'effrayant car nous devons affronter de nombreux tunnels, pas eclaires du tout, et des chinois qui aiment froler les cyclistes avec leurs grosses voitures.

Nous decidons de prolonger l'experience campagnarde et allons diner dans le marche de la ville. De petits restaurants sont installes au milieu des etals d'un marche couvert. Nous choississons celui ou il y a le plus de monde, affrontont un sol carrele aussi glissant qu'une patinoire (il est recouvert d'eau) et atterrissons a une grande table pas tres propre. Les tables autour sont remplies de chinois un peu emeches qui portent des toasts a grands cris. Et la c'est le regal absolu : Charly mange des escargots farcis au porc dont il ne s'est toujours pas remis, et je deguste des aubergines farcies fondantes et epicees avec un rafinement incroyable.

Nous n'avons aucun doute sur la fraicheur des produits car il y a non seulement les habituels poissons vivants dans des grandes bassines d'eau, mais aussi un type en train d'egorger un poulet. Comme nous venons juste de manger, nous preferons nous diriger rapidement vers la sortie!

Information annexe : en Chine, les camions-poubelles chantent l'air de "joyeux anniversaire" a fond pour avertir de leur passage. Cela egale presque les voitures indiennes qui diffusaient la lettre a Elise quand elles sont en marche arriere!

vendredi 24 avril 2009

Au Carrefour de Kunming

Preambule a destination de ce pretentieux d'Etienne : cher Etienne, tes grandes capacites linguistiques et sexuelles en ce qui concerne l'Asie, et plus particulierement la Chine, ne doivent pas te faire confondre les parties du Sud de la Chine ou l'on parle peut-etre cantonnais avec les parties du Sud de la Chine, et en particulier le Yunnan, ou la grande majorite parle le Hanyu (mandarin) et ou personne ne pipe rien au cantonnais. C'est dit.


19 mars
Une veritable malediction s'est abattue sur nous a notre entree en Chine, qui nous a poursuivi pendant toute notre presence sur le territoire : impossible d'arriver dans un nouvel endroit apres 7 heures du matin. Nous etions deja arrives tot a Kunming la premiere fois et lorsqu'on nous reveille apres ce trajet de nuit depuis Lijiang, nous sommes du mauvais cote de la limite nuit-matin. Il doit etre a peine plus de 5 heures, il fait nuit noire et tout le monde se precipite vers la sortie. Ah, euh, d'accord, je reveille Aglae, nous allons recuperer nos bagages, regardons l'heure (quoi ???? seulement ?). Aglae me fait remarquer un truc : une petite partie des passagers du bus dort encore. Comme nos bagages etaient numerotes, et que seul le chauffeur y avait acces, il nous aurait suffi de rester dormir dans le bus en attendant le jour. Maintenant que nous avons nos bagages, il est trop tard. Ah calamite, comment aurions-nous pu savoir qu'il etait possible de rester couche dans un bus parvenu a destination ?

Bien evidemment nous sommes aussi reposes qu'un ballon perce. Aglae grommelle presque aussi fort que moi. Quelques pas plus loin, c'est la bonne nouvelle : la consigne n'est meme pas encore ouverte. Nous attendons donc quelques longs quarts d'heure l'ouverture du bureau, devant lequel patientent une bonne vingtaine de Chinois pas vraiment plus reveilles que nous. Au bout de longues minutes, ou je remarque que je ne vois pas tres bien quand j'ai mes lunettes, la consigne ouvre. Les gens devant sont tellement endormis que, pour une fois, nous resquillons les resquilleurs et parvenons a enregistrer nos bagages en premier : victoire ! Un petit vieux aura quand meme essaye de donner de vrais coups de coude a Aglae pour passer devant elle (nous y sommes maintenant presque habitues).

Cybercafe pendant une heure. Nous sommes etonnes du monde deja en train de jouer en reseau a 6h du mat'. Nous appelons Silvia des 7h30, car nous savons qu'elle a cours a 8h30. Il faudra jouer serre pour la croiser devant chez elle sans venir trop tot (et risquer de la reveiller), et avant qu'elle ne soit en cours. Notre bus arrive a temps, nous croisons la miss Barcelone, la laissons partir en cours et nous effondrons sur son lit. A son reveil, sa coloc Ta'al semble pour le moins surprise de nous voir, mais apres avoir pris une douche, nous decollons deja, direction dejeuner avec Silvia, pres de son universite.

A nouveau nous mangeons dans cette rue des restos et bars sympas. C'est un plaisir que de se faire guider par Silvia, qui peut lire tout ce qu'il y a sur la carte - c'est une des rares fois ou nous pouvons comprendre l'integralite d'un menu.


Apres lui avoir vraiment dit adieu (sans espoir de la revoir avant longtemps), nous voyons s'eloigner Silvia, les bras pleins de baguettes (elle a fait un tour dans une boulangerie, nous n'y sommes pour rien). Snirfl.


Carrefour mon amour
Comme nous naviguons depuis le debut du voyage avec les memes guenilles, il faut bien dire que j'avais finis par mettre en pieces pas mal de mes habits, notamment les calecons, dont l'escadrille etait deja vieillissante a notre depart. Apres des tentatives infructueuses, nous avons pu constater qu' il est difficile de trouver autre chose que des slips kangourous en Asie, aussi prenons-nous la decision psychologiquement douloureuse (en tout cas pour moi) de nous rendre dans un hypermarche. Douloureuse surtout parce que le seul hypermarche possible en Chine est l'etendard economique francais dont j'ai le plus honte : Carrefour.

Vous trouvez que l'experience Carrefour en France est toujours oppressante, faite de bruit, de fureur et d'errance sans fin a la recherche du rayon liquide vaisselle ? Eh bien testez le Carrefour en Chine : vous ne comprenez rien, les panneaux sont en chinois, il y a encore plus de bruit et de cris, c'est encore plus grand qu'en France. Des agents sillonnent les rayons en rollers, suants sous la pression. Il y a meme des vendeuses qui crient dans des hauts-parleurs. Et impossible de trouver du Nutella. L'Enfer, quoi.


Nous denichons un T-shirt, de precieux calecons, quelques mignardises et de quoi se faire du cafe dans le train (nous avons appris qu'il y a de l'eau bouillante a disposition). En effet nous attend de KunMing a Guilin, prochaine etape du voyage, un long trajet de nuit en train (19 heures).


Nous repartons du Carrefour les bras charges de belles choses pour couvrir mes fesses, et repartons prendre notre train.


A noter LA bonne idee des Chinois (mis a part la poudre a canon, la porcelaine et les billets de banque). Ceux-ci arrivent bien en avance a la gare, afin de ne pas rater leur train. Pour les faire patienter, on les dispose dans de gigantesques salles d'attentes, selon leur destination, un peu comme des salles d'embarquements pour les avions. Il y a des teles, des boutiques, des annonces. Puis on dirige tout le monde vers la bonne porte, au bout moment, et tout le monde est dans le train bien a l'avance. Tres confortable, meme si un peu desorientant au debut (en gros, ca ne sert a rien de chercher son quai).


Train musical
Comme les Chinois sont un peuple tres nombreux, les trains sont d'une longueur infinie. Nous finissons par trouver notre wagon et notre couchette. 6 personnes partagent un compartiment qui n'a pas de porte (mais pourquoi ?), le jour on peut s'asseoir dans le compartiment, mais aussi dans le couloir, ou des strapontins entourent de petites tables. Pratique pour manger sans empuanter la cabine. Avec nous, deux gentils couples, a mille lieues des quarantenaires rigolards que nous craignions (et sur qui nous tombons la plupart du temps).


L'experience des trains chinois est fort agreable, a vrai dire. L'eau chaude permet de se faire de bonnes nouilles instantanees, du cafe, du the, etc. Le probleme, et il est de taille, c'est qu'a part en premiere classe, on y entend en continu de la musique, a peine couvertes par des annonces incessantes (nous finirons par decouvrir qu'il s'agit la plupart du temps... de pubs pour des hotels et restaurants de la destination). Et quand je dis de la musique, j'oublie de preciser qu'elle est tres forte. Il est parfois difficile de s'entendre, encore plus d'ecouter de la musique avec un iPod. La musique s'arrete entre 22h et 6h30 du matin.


Imaginez que vous dormez bien, dans des couettes tendres, berce par le ron-ron du train, et soudain, a l'aube, BAM, de la soupe chinoise. Oui, la soupe chinoise, celle que vous entendez immanquablement dans les restaurants chinois en France, de la melasse impossible melangeant des rythmes synthes et des instruments traditionnels chinois.


Lorsque nous arrivons a Guilin, nous sommes au bord de la degenerescence mentale.


Mamie couture
A noter aussi, une petite anecdote rigolote, qui rappellera aux fans les plus assidus l'anecdote de Mamie Lessive au Laos. Dans ce long train nous nous occupons comme nous pouvons : Aglae fait son scrapbook, moi je m'attelle a coudre des drapeaux sur notre sac a dos. Bien entendu, notre manege attire l'attention curieuse de tous nos voisins (impossible d'esquisser avec des mots l'immensite de la curiosite maladive des Chinois). Un couple de petit vieux, particulierement, semble fascine par le spectacle d'un homme cousant. Alors que je galere avec un fil completement coince, la vieille dame du couple s'approche de moi, rigole, puis decide de prendre les choses en main.


Elle aggrippe des ciseaux, coupe tout, m'arrache le sac des mains, l'aiguille, le fil, et part a l'assaut du drapeau. Rien a faire du de a coudre, elle prend l'aiguille dans ses gros doigts rides, la frotte frenetiquement contre ses cheveux (?), la plonge dans les trefonds du sac, la ressort avec violence, a nouveau un coup dans les cheveux (mais pourquoi?), etc. En deux minutes, le drapeau est cousu, la ou j'aurais passe vingt bonnes minutes. Elle me regarde en souriant, s'en va. Je tente d'applaudir, mort de rire.


Si quelqu'un peut me renseigner sur le pourquoi du comment de l'aiguille passee dans les cheveux de la vieille dame, ecrire au blog qui transmettra.

Hollande, Tibet et the chinois - Retour a Lijiang

18 mars

Mine de rien, le bus qui repart vers Lijiang nous ramene assez tot - plus que nous l'avions prevu. Nous avons donc un certain temps devant nous avant notre bus de nuit pour KunMing. Une fois nos bagages recuperes, nous essayons de trouver un cybercafe, toujours pour vous tenir au courant.

Nous nous attendions a la meme furie dans des locaux un peu cradocs qu'au Vietnam. Que nenni ! Meme si les entrees sont souvent glauques, a l'interieur les cybercafes chinois ressemblent a des open-spaces. Des milliers d'ordinateurs, des sieges en cuir (toujours), des systemes complexes (on paie un forfait, genre plusieurs heures a la fois, et on nous rembourse en fonction de combien on a depense, enfin le truc facile a expliquer a quelqu'un qui ne parle pas chinois), un fond musical doux, des ecrans plus larges que les Champs-Elysees, du materiel de folie. Et des prix qui varient enormement, en fonction du cafe, mais dans un cafe, en fonction de la salle qu'on prend (et j'imagine de la puissance des ordinateurs). La-dedans un monde fou, quelle que soit l'heure ou vous venez, et des gens tres calmes : des jeunes surtout, mais pas que des garcons. Ca joue, ca chatte, ca passe des apres-midi et des nuits entieres a glander.


Quant a nous, nous finissons par nous faire comprendre, nous installons devant les plus beaux ordinateurs du monde, et remarquons qu'une jeune femme vient nous servir du the en permanence. C'est gentil, c'est mignon, d'autant que la fille se precipite pour remplir ma tasse des que je l'ai finie. Le probleme, c'est que j'applique toujours la technique "plains ton verre vide, vide ton verre plein" ! En verite, si j'ai un verre rempli de liquide, eau, the ou biere, j'ai tendance a le vider sans trop faire attention, surtout si je suis concentre sur autre chose (ici, les messages a ecrire). Ajoutez a ca une fille qui me remplit des que j'ai fini mon verre, et vous obtenez une situation aberrante, ou je vide une quinzaine de verres de the et vais consequemment aux toilettes 4 fois en une heure a peine.

Passons sur ces details renaux, l'essentiel etant notre enchantement face a ce retour en force de la civilisation depuis notre entree en territoire chinetoque.

Encore ?

Nous decidons de nous faire plaisir en retournant dans ce petit resto tibetain qui nous avait enchante le premier soir. Je tente une galette de pate non cuite de farine de froment et de fromage de yak. J'avais peur d'un gout etrange ; je suis decu par l'absence de saveur de ce qui ressemble a un sandwich au pain.

Le plus drole, dans notre retour dans ce restaurant, mis a part les trognes qu'Aglae fait lorsqu'elle voit arriver son gateau au chocolat, c'est que nous retrouvons une nouvelle fois nos chers Hollandais. Encore eux ? Blagues type "vous nous suivez ou quoi ?", ah ah on se marre bien. Nous parlons peu, n'ayant peut-etre pas grand-chose a se dire, mais ca fait plaisir de les revoir.

En sortant, l'estomac tendu au possible, nous disons adieu a la pagode-ecran-geant de la place des Roues a Aubes, et prenons le bus de nuit pour KunMing. Nous luttons avec peine contre l'odeur de pied immonde qui s'en degage, et regardons jusqu'au bout sur les teles du bus une comedie romantique chinoise a laquelle bien sur nous ne comprenons pas les dialogues piquants. Imopssible d'y echapper par contre, le volume etant semble-t-il coince sur FORT. Pendant que je m'endors doucement, fatigue par toutes ces aventures sportives, je vois dans une brume de film qu'il raconte l'histoire d'un cuisinier chinois qui essaie de faire manger des plats francais a ses compatriotes, a qui toute cette gastronomie donne envie de vomir. Il y a des larmes et des gens qui s'embrassent. Beaucoup de grimaces aussi. Je m'endors... Demain KunMing 2, le Retour !

dimanche 19 avril 2009

Tigre et Dragon

17-18 mars
Les gorges du Saut du Tigre et les montagnes du Dragon de Jade

Lever aux aurores dans un ville encore endormie. C'est assez etrange de voir cette ville d'habitude emplie de touristes bruyants, maintenant vide et silencieuse. Ca pourrait etre super sauf que nos ventres crient famine et que tout est ferme. Nous finissons par apercevoir une lueur au loin et avalons le ptit-dej' local: du lait de soja pour Charly, du porridge de riz pour moi... ca n'a absoulement aucun gout mais ca nous tiendra au ventre pour les prochaines heures.

De bon matin, la barriere de la langue

Nous nous precipitons sur un taxi et realisons alors que nous avons oublie notre precieux guide de conversation chinois : horreur! Comment dire "gare routiere du Sud" en mandarin ? Plusieurs chauffeurs ne comprennent rien a nos gestes et refusent de nous prendre, nous commencons a perdre espoir. Finalement, apres avoir mime puis montre un bus, un chauffeur semble comprendre et accepte la course.

Au bout de quelques temps, nous realisons qu'il se dirige vers la gare routiere du Nord. Nous lui crions: "Bou shi, bou shi!" (non, non), montrons le Sud ; il nous hurle dessus en chinois. Je commence a avoir peur mais finis par realiser qu'en fait il n'est pas du tout enerve et qu'il essaie juste de communiquer avec nous en aboyant. C'est la facon des Chinois. Il finit par comprendre et nous atteignons enfin notre but.


La guichetiere nous vend un billet pour un bus qui part dans 3mn et nous crie de nous depecher. Nous courons a travers la gare, sautons dans le bus : ouf! Nous en sautons tout aussi precipitamment apres deux heures d'un trajet tres beau dans un bus tres lent. Le chauffeur passera d'ailleurs plus de temps a se racler la gorge et a cracher a travers sa fenetre qu'a appuyer sur l'accelerateur.

Nous trouvons sans trop de problemes le debut du chemin de randonnee grace a notre super carte, chemin qui est ensuite super bien fleche. En effet, les guesthouses qui parsement le chemin ont peinturlure les rochers de fleches multicolores et d'indications de distance et de temps. Pas de risque de se perdre!


La montee de la mort, la vue qui tue
Ca monte sec, il me faut un peu de temps pour prendre mon rythme. Nous grimpons a flanc de montagnes, les gorges sont encore invisibles. Des enfants suivent un cours de gymnastique tres militaire dans la cour d'une minuscule ecole, nous croisons des paysans et leurs anes. Nous doublons des touristes chinois charges comme des mulets. Ils avancent aussi vite que des tortues bicentenaires. Comme toujours avec les nouveaux riches chinois, ils ont cru utile de se munir de piolets et d'habits pour haute montagne dernier cri. On dirait qu'il vont s'attaquer au Mont Blanc.

Au bout de 2h nous atteingons la premiere etape, la Naxi guesthouse, et decidons de continuer notre chemin car nous n'avons pas faim (les ptit-dej' chinois caleraient un dragon). Le soleil tape de plus en plus fort et la Gorge commence a se devoiler: en face de nous se dressent les parois verticales et dechiquetees des montagnes du Dragon de Jade. Les sommets sont enneiges (ils atteignent 5000m) et les pentes si raides qu'il n'y a aucune vegetation. Juste des rochers aceres dans tous les tons de gris. Les pentes de la montagne que nous grimpons sont tres raides mais pas encore assez pour que nous puissions apercevoir le fleuve qui coule en contrebas. Car contempler le Yangtse (fleuve Jaune) se merite: il faut d'abord passer l'epreuve des "28 lacets".


Derriere ce surnom se cache une montee qui essoufflera meme Charly (qui faisait le malin jusque la). Je compte consciencieusement les lacets pour me donner du courage mais nous sommes en eau. Petite pause a l'ombre de temps en temps. Arrivee a 28 lacets je leve les yeux et constate qu'il en reste encore d'autres, beaucoup d'autres... ah les traitres, ils m'ont menti!

Arrives en haut, rouges comme des piments, nous voulons enfin contempler la vue. Mais une vieille a privatise le bout de rocher qui surplombe le fleuve, situe des centaines de metres plus bas. Furieux - on l'a quand meme paye de notre souffle cette vue!- nous trouvons un point du vue tout aussi bien 10m plus loin.

Et la c'est l'emerveillement absolu: je n'en crois pas mes yeux. En face, les montagnes d'une hauteur incroyable tombent litteralement a pic dans une puissante riviere, petit filet bleu parseme d'ecume blanche, tres loin sous nos pieds. De notre cote, c'est absolument vertigineux. Des pentes herbeuses verticales font un mur juste sous nos pieds, et quelques bambous casse-cou ont pousse a 90 degres. C'est indescriptible, un des plus beau paysages vus pendant notre voyage.


Nous nous arretons pour manger un peu apres 4h30 de marche. Les gens de la guesthouse-restaurant sont absolument charmants, les toilettes ont la plus belle vue du monde (ouverts sur les sommets enneiges) mais nous decidons de continuer notre route. Le sentier est beaucoup moins raide, il longe le flanc des montagnes. Certains passages sont tres vertigineux, il faut faire attention ou l'on met ses pieds mais... c'est tellement beau! Un vent violent se met a souffler, tentant sans succes de nous pousser dans le precipice. Le bruit qu'il fait en agitant les arbres de lointaines forets et en s'engouffrant entre les rochers est presque effrayant (Charly et moi penserons a la meme seconde a Olympe la lessive des Dieux, pour les connaisseurs).


Soudain, nous apercevons une cascade qui passe au milieu du sentier, deja situe sur une corniche a pic. Nous pensons naivement que nous pourrons passer derriere (comme dans Tintin), mais non, il faut la traverser a gue. Nous mouillons prudement nos pieds et passons de cailloux en cailloux en essayant de ne pas regarder le vide en-dessous. Nous renouvelons l'experience avec un torrent et benisssons les dieux d'etre a la saison seche!

Nous apercevons l'immense gorge, les sommets blancs et les rapides du Yangtse sous des angles toujours differents et je ne peux m'empecher de pousser des cris d'emerveillement tous les 100m. Apres 6h de marche, nos jambes commencent a donner des signaux de fatigue. Mais la nuit est loin et nous decidons de faire la randonnee jusqu'a la fin. La descente se fait dans une belle foret, on se croirait en Europe, ca sent le pin!


A un moment, un petit vieux agile comme un cabri arrive derriere nous, en silence, double les deux hippopotames aux pattes lourdes (nous) et les laisse sur place, en bondissant rapidement de rocher en rocher.

Nous atteignons le village poetiquement nomme "le Jardin des Noisettes" apres 8h de marche, completement ereintes. Nous nous ecroulons sur les fauteuils d'une pension et regardons les montagnes disparaitre dans l'ombre sans avoir la force de faire connaissance avec les autres voyageurs. Nous parvenons a nous trainer jusqu'a un petit resto tibetain ou nous sommes les seuls clients. La nourriture est simple et delicieuse, la cuisine que nous apercevons est en terre battue et sombre : toute la famille s'y tient pelotonnee.


Inutile de preciser que nous nous endormons a la vitesse de la lumiere et nous reveillons avec de belles courbatures.


Au fond, tout au fond...

Le deuxieme jour, nous voulons explorer le fond de la gorge et nous approcher un peu des rapides, deja impressionnants vus d'en haut. Nous nous engageons sur un sentier serpentant a travers quelques rizieres en terrasses. Nous tombons rapidement sur une petite cabane : une jeune fille nous explique qu'il faut payer 10 Yuan par personne pour passer car ce sont les paysans du coin qui entretiennent le chemin. Le parc naturel (dont nous avons deja paye l'entree la vieille) n'entretient que le sentier du haut. Nous payons et passons.


Le sentier est de plus en plus acrobatique, il passe le long d'une falaise qui tombe dans le fleuve 150m plus bas. Les paysans ont installe des petits pontons en bois et ont fait des rampes avec des cables elecriques pour que l'on puisse s'accrocher. Ce n'est donc pas trop dangereux si on est prudent. C'est meme tres amusant dans le style "acro-branche le long d'une falaise".


Nous nous approchons de plus en plus des bouillons blancs du Yangtse, qui font un bruit assourdissant. Les montagnes au-dessus de nous sont ecrasantes, le fleuve d'une puissance folle, c'est impressionnant. Soudain, un autre paysan surgit de nulle part et nous demande encore 10 Yuan pour avoir l'autorisation d'emprunter le bout de sentier qui descend le plus pres du fleuve. Nous lui rions au nez et prenons le chemin qui passe un peu plus haut, un peu agace de cette privatisation des chemins dans un pays soi-disant communiste. Apres 50m, deux autres paysans nous expliquent qu'il faut encore payer 10 Yuan pour pouvoir remonter du fond de la gorge. Nous avons un peu l'impression de se faire racketter mais nous n'allons pas rester ici eternellement !


Commence alors une remontee des plus spectaculaires par un systeme d'echelles surplombant le vide. C'est a couper le souffle et un peu effrayant, car une des echelles fait au moins 20 metres de haut.

Il est maintenant temps de rentrer a Lijiang. Nous trouvons un minibus, que nous partageons avec d'autres randonneurs pour nous ramener au point de depart de notre randonnee. En effet, jusqu'ici la randonnee de 8h avec 28 lacets rendait inaccessible la gorge du Saut du Tigre aux groupes de touristes chinois suivant un guide a drapeau. Pas grave! Les autorites ont construit une route pour permettre aux bus de deverser leurs cargaisons a casquettes sur un point de vue construit en beton.

Invisible (heureusement!) depuis notre sentier qui passait tres haut, cette route dangereuse passe 200m au-dessus de la gorge au prix de virages vertigineux. Et c'est celle-la que nous empruntons pour revenir. Notre minibus cahote dans tous les sens. Certaines parties ne sont pas goudronnees et il y a des traces d'eboulements partout. Ce n'est pas tres rassurant et nous sommes heureux d'arriver!

NaxiLand

16 mars

Nous nous sommes beaucoup promenes dans Lijiang. Rarement j'ai vu une vieille ville aussi grande - en tout cas, impossible de l'explorer de maniere exhaustive. Il s'agissait surtout de se perdre dans le meandre de ses ruelles. Rien a voir avec le froid decoupage des rues de Dali : ici tout est tortueux, en montee ou en descente, bref ca ressemble plus a la conception europeenne ou arabe de la vieille ville.

Mis a part qu'il ne fait pas chaud, nous sommes envoutes par cette ambiance, digne d'un bon vieux film chinois de cape et d'epee : lanternes rouges suspendues, maisons en bois, petits vieux qui coupent du bois. Ici ce sont les hommes qui portent les bebes sur leur dos, et les femmes qui marchent fierement devant eux en bombant le torse.

Nous avons ainsi decouvert, un peu par hasard, un marche tres anime, completement abrite des armees de touristes qui battaient le pave a meme pas dix metres. Entre super mendiants et super mamies souriantes, l'ambiance est tres photogenique.Partout aussi nous voyons des panneaux, des murs, des boutiques, sur lesquels nous apprenons à reconnaître cette écriture si caractéristique, celle des hiéroglyphes naxis.

La kermesse des minorités

Le meilleur côté de Lijiang, nous le trouvons donc en se perdant dans les petites rues. Il faut y marcher de lanterne chinoise en porte en bois, le long de venelles aux murs gris, blanc et rouges. Parce que si on reste dans les grandes rues... Disons que l'atmosphère parc d'attractions prédomine. Nous rions comme jamais, puisque nous avons décider très vite d'en rire, plutôt que de pleurer le défunt rapport authentique des Chinois avec leur culture. La seule chose vraiment triste est que, comme à Dali, pas une maison des grandes rues n'a pas été investie par une boutique ou un restaurant.

Ainsi il faut raconter la place centrale de la vieille ville. Devant une longue lignee d'agences de voyages installées dans les maisons en bois, il y a des Naxis en costumes traditionnels flambant neuf (deja, un costume traditionnel flambant neuf... bon), qui font des rondes en dansant et en chantant, autour de groupes de touristes. C'est aussi spontane et authentique que les nouilles instantanees qu'on trouve ici partout. Plus loin, des gens paient pour poser en habits de Mandchous ou de Mongols, je ne sais pas : on leur donne un fusil en plastique, une toque en fourrure, on les pose sur un cheval (peut-etre lui aussi en plastique), et hop, photo!

Pendant que nous regardons ca avec des yeux ronds comme des lanternes chinoises, tout ce petit monde a l'air de trouver ca genial. Authentiquement, personne ne fait la tete, personne ne pleure, personne ne trouve ca ridicule. Tout le monde veut participer a cet elan vers les minorites, qui semblent n'etre plus que des facades de cultures. Les minorites chinoises n'existent plus que par les vetements, les danses et les chants : apres tout, qu'est besoin que leur culture existe vraiment, puisque le touriste ne verra que ca ?

Nous sommes donc partages : s'agit-il d'un bon moyen de sauver ces cultures (en decouvrant leur potentiel touristique, on evite qu'elles se fondent dans la societe chinoise Han), ou s'agit-il de les appauvrir sans le vouloir ? L'attitude chinoise a ce point est vraiment ambigue, puisqu'on est passe de la sinisation a tout va a une ere ou les minorites peuvent echapper a la politique de l'enfant unique, beneficier de quotas, etc. Les Chinois de la rue sont d'ailleurs tres fiers de cette "diversite", mais elle semble toujours diversite de facade... Nous ne savons encore qu'en penser.

La longue mer ondulante de toits

Nous decidons de nous extirper un peu de cette atmosphere factice en grimpant vers un temple pas du tout ancien, qui a ete pose au sommet d'une colline de la vieille ville. Apres une enieme tentative de dessert chinois (la vendeuse ambulante appelait ca un cheesecake, mon Dieu c'etait horrible), nous nous prenons un milk-shake dans un bar, a l'entree du temple qui surplombe la vieille ville. Le paysage est absolument extraordinaire.

Vue de haut, Lijiang cache ses tortueuses venelles toutes singulieres sous un epais tapis de toits identiques. Veritable mer a peine agitee, petites vaguelettes qui indiquent la fin d'un toit et le debut d'un autre. Une demeure plus chic emerge parfois - souvent d'anciens palais bourgeois, mais dans l'ensemble c'est une fascinante surface en tuile qui se deploie devant notre milk-shake.
Apres avoir bien savoure la vue, nous gravissons les marches jusqu'au temple, sans autre interet que d'offrir une vue encore plus panoramique sur la ville. Arrive en haut du 4e etage de la pagode principale, nous entendons un "hey you again?" evidemment a notre intention (nous n'avons croise aucun autre Europeen dans la ville). Ce sont les deux Hollandais avec qui nous avions passe une nuit en train lors du trajet Hue-Hanoi ! Deux semaines apres, les revoila, toujours aussi sympathiques. C'est l'occasion d'un debriefing commun : nous leur racontons nos deboires de visas, ils nous precisent qu'ils n'ont pas pu obtenir leur permis pour visiter le Tibet.

Nous discutons cinq minutes, et partons en pensant qu'a force de hasards, peut-etre les retrouverons-nous au Japon (ca ne sera pas le cas).

Balade en velo

La vieille ville bien exploree, nous en sortons pour une balade a velo. Il est certes tard, mais nous esperons pouvoir atteindre un petit village, ou il n'y a certes pas grand-chose a voir, mais nous avons envie de faire une petite balade en cette fin d'apres-midi. D'autant que la soupe de raviolis chinois, qui nous a coute un euro a deux (sans blague) dans un mini-restaurant, nous a donne des forces. Nous louons un velo sur la place Mao, reconnaissable a sa gigantesque statue du Grand Timonier, Petit Pere du peuple chinois. Puis nous essayons de sortir de la ville.

Car Lijiang n'est pas qu'une vieille ville. Au Nord s'est developpe une ville chinoise comme il y en a des milliers : un bon million d'habitants, ce qui fait d'elle l'equivalent d'une petite bourgade, des avenues immenses et larges, ou les voitures se partagent au moins deux voies. Impossible de savoir si l'on est a Kunming, Lijiang, Pekin ou Shanghai, a part au loin la gigantesque Montagne du Dragon de Jade qui semble deployer ses ailes minerales.

Sur le schema en papier que nous a distribue le monsieur de la place Mao, les distances semblent toutes egales. Pourtant, nous nous retrouvons rapidement a pedaler, pedaler, pedaler, sur une route droite qui semble infinie. Quelques bus nous depassent, des tracteurs, mais sinon nous sommes sur une plaine absolument desolee, vide, a la vegetation rare et fatiguee. Au loin, la Montagne du Dragon de Jade ne semble pas vouloir se rapprocher, mais surtout on se demande franchement si on est paume. Regulierement, des panneaux integralement inscrits en chinois semblent indiquer des directions que nous ne comprenons pas.

Nous finissons par depasser un supermarche de souvenirs. Non, je ne rigole pas, au milieu de nulle part, un supermarche de souvenirs. Il y en a un paquet dans la region, ce sont de gigantesques hangars ou les bus de tourismes deposent des centaines de touristes chinois consentants, pour se retrouver dans des supermarches de vieilleries, de cochonneries en faux-jade, en faux-ivoire et en faux-tissu. Nous n'entrons pas, un chauffeur de bus me renseignant aimablement sur la direction a prendre. Apres avoir encore pedale, nous obliquons pour traverser des champs a la terre retournee, demandons notre chemin a des idiots du village, traversons des villages ou nous sommes accueillis par de grands cris de joie, puis finissons par trouver le notre.

Petit oasis

Peu avant le village, nous demandons notre chemin a un miraculeux touriste blanc, a velo comme nous. C'est un Anglais qui nous fait une pub enthousiaste pour un petit cafe-restaurant du coin, ou on lui a donne du gateau gratuit (quoi ? un cafe dans ce village ? quoi ? quelque chose de gratuit en Chine ?). Nous rentrons dans le village, effectivement tres joli, et decidons de suivre le conseil du type. Bien nous en prend :

1) la gerante parle le meilleur anglais entendu en Chine,

2) elle nous offre effectivement un bon gateau (un bon gateau en Chine... ceux qui y sont alles comprendront le delire)

3) il y a des graines de tournesol a disposition

4) le cafe est ok

5) la gerante nous donne une carte assez precise (elle s'averera etre la plus precise possible) de la Randonnee du Saut du Tigre, une balade de deux jours que nous prevoyons de commencer le lendemain.

Une avalanche de gentillesse a peine croyable, dans un pays ou la gentillesse est toujours absente des rapports economiques. Elle est possible par des esprits desinteresses, c'est evident, mais des qu'il y a achat, il arrive souvent d'avoir affaire a des gens un peu frustes. Quant a la gratuite, c'est un concept absolument absentde la mentalite chinoise, a part cette exception. Autant ils n'hesitent pas a vous offrir des trucs s'ils ont decide de vous aider, mais sinon, il est IMPOSSIBLE de trouver quoi que ce soit de gratuit.

En effet, vous vous en rendrez compte en lisant nos futurs messages chinois, que ce soient les parcs, les ballades, les chemins, les toilettes, tout est toujours payant en Chine. Pas grand-chose, certes, mais il est frustrant de savoir qu'il y a toujours une atteinte minime a la liberte puisque tout est possiblement privatisable. Tres etrange, etant donne la generosite de certains chinois que nous avons croise. Il faut ainsi lire le Guide du Routard "Shanghai gratuit : absolument rien n'est gratuit dans cette ville".

Bref c'est un plaisir que ce cafe, d'autant que nous avions vraiment besoin de cette carte, et qu'on ne pouvait pas compter sur le gerant non-anglophone de notre hotel pour nous aider.

Cauchemar immobilier

On peut decemment se poser la question suivante : si toutes les maisons de la vieille ville de Lijiang ont ete transformees en hotel, en restaurant ou en boutiques, mais ou sont-ils partis vivre, tous les Naxis qui les ont construites, ces maisons ? La reponse nous est donnee a notre retour, qui passe par les faubourgs. Dans de grands immeubles au bon gout incertain (imitation beton, sur 7 etages, des petites maisons traditionnelles), alignes sans fin pendant des kilometres, les anciens habitants de Lijiang vivent une vie paisible. Ils louent leurs maisons en vieille ville a ceux qui travaillent dans le tourisme, ou bien y travaillent eux-memes, et preferent habiter ici, dans des maisons modernes tout-confort. Le probleme, evidemment bien sur, c'est que c'est moche et sans ame : le principe de tout amas de lotissements, me direz-vous...