samedi 27 juin 2009

Retour à Pékin : des Jeux Olympiques et des bars vides

26-28 avril

Nous arrivons à Pékin en fin d'après-midi. La gare routière du Nord-Est semble être le rendez-vous des Ouïgours de Pékin : des Chinois de culture turque, avec des traits absolument pas sinoïdes, qui ressemblent plutôt à de bons vieux Turcs, conduisent des vélos tirant de petites charrettes. Sur ces charrettes, d'énormes gâteaux qui, pour une fois en Chine, ont l'air très bons.

Ces Ouïgours, probablement bien renseignés, voient en nous des amateurs de sucrerie - j'imagine mal les Chinois aimer ces douceurs. Un premier devant lequel nous passons coupe une petite part de gâteau, et nous la tend en nous proposant de goûter. Je goûte, c'est très bon mais nous refusons d'en acheter plus. Un second nous poursuit quelques mètres avec sa part de gâteau. Un troisième déboule à fond derrière nous, en vélo, nous passe devant, manque de nous renverser en tournant, freine d'un brusque dérapage, dégaine son couteau et se jette sur le monstrueux gâteau. Il en extrait une formidable part et nous la tend. Aglaé et moi éclatons de rire et refusons. Du coin de l'oeil nous voyons un quatrième forcené qui roule vers nous en tirant un nouveau gâteau boursouflé.

Nous n'avons vraiment pas faim, aussi nous changeons de trottoir pour éviter cette folie, fort drôle par ailleurs.


Disneyland Pékin
A Shanghai, à Kunming, à Lijiang, à Dali, nous avions été dégoûtés par des "vieux" quartiers intégralement refaits. A vrai dire, nous étions un peu surpris de ne pas en apercevoir à Beijing, capitale de la fierté chinoise. Mais on ne change pas les Chinois. En cherchant le restaurant de canard laqué auquel nous sommes allés le lendemain (cf notre dernier message "La Gastronomie chinoise à l'épreuve du feu"), nous nous perdons et tombons un peu par hasard sur le projet de rénovation des hutongs situés juste au Sud de la place Tian Nan Men.

C'est vrai, des vieux quartiers populaires si près d'un centre touristique majeur du pays, c'était dommage non ? Du coup, les autorités ont rasé tout le quartier, rue après rue, ont tracé une grande avenue droite (la spécificité de ces vieux quartiers étant des petites rues courbes), ont installé un faux tram roulant sur 100 m (pour faire "vieux"), et ont partout troué les maisons pour y installer des magasins.

Au moment de notre passage, le grand projet n'est pas encore tout à fait achevé : les visites guidées en groupe sont déjà là, notamment devant un célèbre restaurant-usine à touristes de canard laqué (qui annonce une heure de queue) ; les façades et les rues sont finies ; mais les magasins sont encore en chantier, ce qui fait qu'on passe devant des rangées de maisons vides, la peinture à peine sèche, le poitrail ouvert sur des décombres. Nous avons l'impression de passer dans ces villes-fantômes du Far West, vidées après la ruée vers l'Or. Ici la ruée n'a pas encore débuté, mais les fantômes des anciens habitants sont déjà là.

Nous rentrons chez N avec une solide haine du tourisme à la chinoise !


Les deux Indiens souriants et la Vietnamienne de mauvaise humeur
Lors de son année d'échange aux Etats-Unis, Aglaé a fait la connaissance d'une part de Razeena, qui nous avait accueillis au Népal, de l'autre de deux frères jumeaux d'origine indienne, Karan et Kumar. Ceux-ci, nés à Hong-Kong, se sont toujours sentis plus chinois qu'indiens. La preuve, au moment de notre passage à Pékin, ils y vivaient pour parfaire leur apprentissage du mandarin.

Le lendemain de notre retour à Pékin, Aglaé déjeune avec eux pendant que je reste dans un cybercafé glauque pour écrire le blog. Le cyber est situé dans un sous-sol d'une galerie marchande abandonnée, il n'y a aucun autre client que moi, mais c'est le seul que je réussis à trouver dans le quartier de N.

Rendez-vous est pris le soir même pour boire un verre avec eux. Après nous être perdus (ils nous avaient donné rendez-vous à une station de métro dont le nom n'existait pas), nous nous retrouvons enfin. Les jumeaux sont adorables, gentils et drôles, mais un problème de taille les accompagne : la petite amie de Karan, une jeune Vietnamienne, qui a décidé de faire la tête.

On croirait qu'elle veut nous rappeler l'affabilité des Vietnamiens du Nord, tant elle a l'air de s'ennuyer en notre présence : moues, soupirs, yeux au ciel, silence continu (et pourtant elle parle un anglais parfait), absence totale d'intérêt pour ce qui se trame. Elle nous suit en renâclant dans le bar qu'ont choisi les jumeaux.

Pour une raison qui nous échappe encore, ceux-ci nous ont donné rendez-vous dans un quartier absolument désert le soir, pour nous emmener boire un verre dans un restaurant japonais au bord de fermer. Lorsque nous arrivons, le restaurant est vide, et la moitié des serveurs est littéralement en train de dormir autour de la caisse enregistreuse. Lorsque nous poussons la porte, ils se réveillent, courent remettre la musique de fond en marche, allument les télévisions au mur. Je me sens un peu mal de réveiller ces pauvres gens.

Nous passons malgré tout une soirée absolument charmante, dans ce cadre très étrange, puis sautons dans un taxi pour rejoindre notre auberge de jeunesse (N. partant en vacances, nous nous sommes rabattues sur une auberge près de la gare, d'où partira notre train le lendemain).

Ohhh Jeux Olympiques

Il est maintenant devenu sacrilège de passer par Pékin sans payer un hommage à ses nouveaux symboles, à savoir le stade du Nid d'Oiseau (à ne pas confondre avec le nid de poule), le Cube de la piscine olympique, et la tour de retransmissions. Bref, les installations olympiques. Celles-ci, qui occupent une place immense, sont desservies par une ligne de métro spéciale (qui n'a que trois stations), et reçoivent un ahurissant flux de visiteurs, surtout Chinois.

Si la visite de ces installations titille la fibre architecturale en chacun de nous (ces installations sont belles), en ressort un parfum un peu mélancolique. L'un des arguments de la candidature de Pékin aux JO de 2008 était de construire des installations qui resserviraient après les évènements. Or ici, on voit bien que ces immenses immeubles, ces tours, ces stades, ces parcs, sont vides, entièrement vides. Derrière les portes cadenassées de ces beaux bâtiments, qu'y a-t-il ? de grands espaces vides, qui n'auront probablement jamais droit à une deuxième vie.

Dans une ville aussi vaste que Pékin, ça sent un peu du gâchis, mais bon... la Chine avait tellement besoin de ces JO, pour asseoir leur statut international de nouvelle grande puissance, qu'on est prêt à les comprendre...

(mais tout de même, ces avenues piétonnes immenses, ces grandes esplanades vides, c'est un peu flippant, non ?)


Derniers instants pékinois
Notre dernière journée à Pékin est forcément un peu déprimante aussi : le train que nous allons prendre ce soir est le premier tronçon du Transsibérien qui, in fine, nous ramène en Europe. Même si ce n'est pas notre dernier jour en Chine, nous vivons nos derniers instants de voyage en tant que tel : bientôt, nous ne serons plus en voyage, mais sur le chemin du retour.

En réalité, le retour, nous l'avons déjà commencé lorsque nous avons quitté le Japon en bateau, puisque c'était le moment à partir duquel nous avons arrêté d'aller vers l'Est. Mais il y avait encore tant de choses à découvrir. Là, c'est bientôt fini.

Nous faisons de grosses courses pour survivre dans le train jusqu'à Ulan Bator, Mongolie, passons deux dernières heures dans un cybercafé à rattraper le retard du blog (Aglaé devra se boucher le nez tant son jeune voisin sentait mauvais) et récupérons nos bagages à l'auberge de jeunesse.

Gare aux pauvres
La Gare de Pékin, imposante, surplombant une immense esplanade, change radicalement de visage le soir venu. C'est la seule gare de Chine qui ne trie pas les gens à l'entrée. Tout le monde peut donc y rentrer, s'asseoir sur les sièges des immenses salles d'attente, s'allonger, manger, vivre, aller aux toilettes pour se laver.

Quand on sait que les paysans chinois arrivent en général dans les villes sans un sou, sans le logis et sans travail, on n'est donc pas étonné de s'apercevoir que la Gare de Pékin est un gigantesque camp de romanichels. Dans la salle d'attente où nous commençons par nous installer, la puanteur nous saute au nez. C'est un mélange d'odeurs de pieds et de déjections, mêlée à la sueur de ces hommes et de ces femmes qui vivent là. Il y a des immondices et des déchets partout par terre : les pelures de cacahouètes jouxtent les sachets plastiques et les paquets de biscuits écrasés. Beaucoup de gens sont allongés et dorment là.

Je fais un tour aux toilettes. Sans vous parler de l'odeur, je suis surpris de voir le nombre d'hommes qui, torse nu, font leur toilette. Il y en a un qui a la tête plongée dans le lavabo, et qui se fait un shampoing.

Nous quittons l'immense salle d'attente, de peur de nous évanouir, et commandons un café dans un tranquille petit bar installé dans la gare. Notre train part à minuit. A 23h35, les tableaux d'affichage étant incompréhensibles, je m'enquiers auprès de la dame du guichet d'informations du numéro de notre quai de départ. La dame me renseigne aimablement.

Je retourne à la table où Aglaé continue à découper des papiers pour son Scrapbook. Au bout de 5 minutes, la dame de l'accueil quitte son pupitre, et se précipite à ma rencontre : "vite, vite, il faut aller prendre votre train, dépêchez-vous !". Notre train part dans un quart d'heure !

Un petit vent de panique, émis par cette dame, nous gagne doucement. Nous rangeons nos affaires mollement et trottons pour rejoindre notre quai. Nous sommes dans un long couloir plongé dans la pénombre, et l'on distingue à peine des gens qui dorment par terre, un peu partout. La gare de Pékin est pire que toutes les gares d'Inde !!!

Autour de nous, des gens courent aussi pour attraper leur train. Bien entendu, nous sommes largement en avance, et avons tout notre temps pour trouver notre wagon et nous installer. Les Chinois sont tellement en avance ! Quand je pense que la dame de l'accueil nous a pressés, prise d'une panique folle, alors que nous avions 20 minutes d'avance ! C'est difficile à croire pour les Parisiens retardataires que nous sommes.

Notre train est un vieux modèle que nous n'avions jamais rencontré auparavant. Peu confortable, sale, lui aussi baigné d'une vague odeur de moisi, il donne l'impression d'être surpeuplé et bruyant. Aglaé et moi sommes à bout de fatigue, et nous écroulons dans nos lits : nos dernières heures en Chine nous ont montré une intensité dans la misère que nous n'avions même pas pu entrapercevoir pendant le mois passé dans le pays !

Nous nous couchons en espérant que notre tout dernier jour en Chine, le lendemain à Datong, se passera sans anicroches !

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