CAS D'ETUDE N°1 : 21 avril
Après la visite de la colline du charbon, notre ventre étant particulièrement vide, nous nous dirigeons à pied vers un quartier censément sympathique pour sortir et dîner. En effet, nous voilà vite face à un des nombreux petits lacs qui parsèment la ville : néons des petits restaurants à terrasse, bars, musique douce, éternels pédalos en forme d'animaux glissant sur l'eau. Bizarrement très charmant, et pas (trop) kitsch.
Nous partons à la recherche d'une adresse donnée par un guide. Après s'être perdus dans les dédales d'un hutong (quartier de minuscules rues passant entre des bâtisses traditionnelles pékinoises), nous atterrissons dans le quartier des brochettes. Faciles à reconnaître, les restaurants arborent le signe chinois "brochette", reconnaissable à sa forme de... brochette : 串 !
Nous voilà entrés dans le restaurant recherché. Une ambiance étudiante ahurissante, tout le monde entassé sur de minuscules tables. Aux murs des affiches du Che, de Mao, des vieilles publicités, et avec tout ça un air de vieille cave enfumée. Ca fume, ca mange des milliers de brochettes entassées sur les tables, et surtout ça avale de la bière.
Après nous être assis, nous avisons la minuscule carte en chinois. On ne comprend rien. Le serveur arrive en courant, et nous montre qu'il nous faut nous dépêcher de faire notre commande. Nous lui montrons que nous ne lisons pas le chinois. Le type s'énerve franchement. Je lui demande de repasser, il nous lance des regards méprisants. Un peu échaudés, nous décidons de faire un effort, car le restaurant est vraiment sympathique. A ma droite, ils ne parlent pas anglais du tout, désolé.
Je demande à mes autres voisins, un jeune homme qui parle très près d'une jeune demoiselle, s'ils parlent anglais. Oui ! Le type essaie de nous aider, nous explique qu'il faut choisir une partie du poulet, du blanc, des ailes, des coeurs, des foies, etc. Nous nous décidons pour la spécialité de la maison, des ailes, et du maïs grillé, le tout arrosé de bière chinoise fraîche. On finit par comprendre qu'il faut choisir son degré de violence des épices. Ca va de "not so spicy" à "crazy spicy" (peu épicé à follement épicé), on prend un degré intermédiaire.
Le gentil voisin passe commande pour nous en chinois, nous le remercions bien, et le laissons faire sa cour à la demoiselle. Pendant que nous attendons, nous les voyons se rapprocher, se caresser les cuisses, s'embrasser goulûment.
Une bonne anésthésie
Nos plats arrivent, nous sommes ravis : les ailes de poulet sont absolument délicieuses. Les épices qui les parsèment sont absolument inconnues. Leur goût est neuf, fort, inoubliable. Surtout, nous nous rendons compte que, plus qu'elles ne piquent, ces épices nous insensibilisent totalement les lèvres. Au bout de deux brochettes, je ne sens plus du tout mes lèvres, plongées dans une profonde anesthésie très troublante.
Du coup nous en recommandons une tournée. Pendant ce temps-là, la situation de nos voisins a dramatiquement évolué. La jeune fille pleure à gros bouillons sur l'épaule de l'homme qu'elle embrassait il y a une seconde. L'inondation lacrymale s'amplifie, jusqu'à ce que l'homme décide de la faire sortir du restaurant en courant. Il nous jettera un dernier regard sympathique avant de partir.
Nous lançons tout un tas d'hypothèses sur cette conduite un peu étrange. Version Aglaé : il lui a dit qu'il allait quitter sa promise pour aller avec elle et, trop heureuse, elle s'est mise à pleurer. Version Charles : elle est amoureuse de lui, elle rêve d'un dîner romantique, mais lui n'a rien compris et l'emmène manger des brochettes graisseuses et épicées, puis l'embrasse de ses lèvres huileuses et insensibilisées : elle pleure de honte devant le ridicule de la situation. N'hésitez pas à laisser des propositions dans les commentaires.
Nous sortons du restaurant, le ventre plein, légèrement ivres (bonne bière chinoise, d'ailleurs), ravis de la gastronomie chinoise.
CAS D'ETUDE N°2 : lundi 27 avril
Après notre retour de Chengde, je suis bien décidé à manger un canard laqué à Pékin. Je réussis à motiver Aglaé en lui dépeignant l'aspect d'un canard en livrée, prêt à tout pour nous servir : le fameux canard laquais. Elle mort à l'hameçon et est prête à me suivre dans ma quête.
Nous optons pour la solution la plus authentique : une adresse célèbre auprès des Pékinois, perdue dans un hutong au Sud de Tian Nan Men. Nous réservons (ouf la dame parle anglais), et atterrissons dans le restaurant. L'atmosphère est en effet très rustique, un peu crade, mais le rapport qualité-prix marqué sur le guide a aussi joué.
Nous ouvrons les menus, tout en anglais (eh bien ils se sont adaptés à l'affluence de touristes ici) : le canard laqué est monstrueusement cher, quasiment autant qu'en France, aux environs de 30 euros. Ce qui en Chine, avec notre budget adapté au pays, est énorme. C'est quasiment deux fois le prix marqué sur le guide, édité il y a un an.
Nous nous enquerrons poliment de cette différence de prix à la serveuse. Celle-ci s'excuse gentiment avec une phrase plutôt drôle avec le recul : "ah vous savez, c'est l'inflation...".
Nous décidons de passer outre, et prenons notre canard, sans les soupes pas bonnes qu'ils voulaient nous pousser à commander pour gonfler l'addition. Mais mon moral gourmand est un peu atteint par ce qui est évidemment devenu un attrape-touristes.
Du coup le canard était bon, mais je m'attendais à plus à manger...ambiance un peu triste... Je sors du restaurant un peu déçu, et Aglaé devra faire des pieds et des mains pour me consoler !
Moralité : mieux vaut un serveur sinophone malpoli dans un véritable restaurant de locaux que des serveurs anglophones mielleux dans une usine à touriste déguisée en restaurant de locaux !
Et vive la gastronomie pékinoise !
Derniers plans, une invitation
Il y a 7 ans
Cas d'étude n°1, version Étienne. Tombé fou amoureux d'une touriste occidentale qu'il a aidée à commander des plats, le jeune homme annule aussitôt la demande en mariage qu'il venait de faire à sa fiancée chinoise. En sortant du restaurant, il lance un dernier regard amoureux à la jeune Française à qui il a laissé son numéro de téléphone sur l'addition. Celle-ci l'ayant négligemment jeté plus tard dans une hutong crasseuse, le jeune homme plongera dans une longue dépression à l'issue de laquelle il se suicidera en mangeant des brochettes « crazy spicy ».
RépondreSupprimermerde, il m'a piqué mon idée....
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