dimanche 28 juin 2009

Ulan Bataar (1/2) : des yourtes sur des toits

30 avril - 1er mai

A notre arrivée, après avoir souhaité bon vent au couple allemand, nous avisons les rabatteurs présents à la descente du train. Pour la première fois de notre voyage, il s'agit de rabatteurs polis et aimables. En réalité, ce ne sont pas des rabatteurs, mais des membres de la famille des pensions de la ville.

Nous choisissons une guest-house dont le nom était dans le guide. Les femmes-rabatteurs nous disent quatre fois "bienvenue en Mongolie !" avant de nous emmener en voiture de la gare à l'hôtel : belle arrivée !

Une rencontre un peu difficile...
Dans la voiture, nous rencontrons un jeune Français, personnage qui a tout pour nous déplaire : petites chaussures bateau, air aristocrate, il se trimballe avec des milliers de valises, en voyageur mal organisé. Nous apprenons rapidement que, tout comme Aglaé, il est élève à Sciences-Po. Le type, qui nous dit rapidement qu'il fait un tour du monde pour une radio chrétienne, fait montre d'un mépris sans fin pour l'école et son master de journalisme. Bref, un type vaniteux et puant, qui plus est un cliché ambulant. Je décide de lui parler le moins possible, mais Aglaé et lui ont au moins une base de discussion.

Nous arrivons dans la pension. Sa localisation est typique d'Ulan Bataar : elle est sise dans une petite barre HLM, accessible par une vaste cour, mais pourtant elle est pile en centre ville. Car il y a deux types de logements à Ulan Bataar : soit vous habitez dans des barres sinistres datant de l'époque soviétique, barres qui ont été repeintes en couleurs joyeuses, et qui entourent des cours où jouent de nombreux enfants ; soit vous habitez dans une yourte du quartier pauvre. Belle alternative héritée des Russes !

La pension est particulièrement agréable : une petite cuisine accessible pour tout le monde, une ambiance familiale, un salon pour regarder des films... Les femmes qui gèrent la pension sont absolument adorables ; elles nous offrent un thé en attendant le retour de leur frère, manager de la pension. Tout en sirotant notre thé, nous discutons avec une jeune Française de la pension (décidément).

Il s'agit d'une roots pur jus : coiffure, vêtements, petit copain à dreadlocks, tout est assorti. Elle émerge à peine d'un voyage assez extraordinaire, puisqu'elle et son petit ami ont visité tous les pays en -stan, Ouzbékistan, Kazakhstan, Kirghizstan etc. Le problème, c'est que la jeune fille n'arrive pas à s'exprimer, n'arrive rien à exprimer. Elle bafouille, se reprend, "non mais tu vois, je veux dire, enfin, on était AVEC les gens". Blague à part, elle avait des choses passionnantes à dire sur les pays qu'elle avait traversés, mais il semblait qu'elle en parlait pour la première fois, et ne savait pas par où commencer. Aglaé et moi remarquerons par la suite la chose suivante : lors de voyage, nous avons bien fait de parler autant de ce que nous voyions, entre nous et via le blog, afin de conceptualiser un peu tout ça. Le pire aurait été de rentrer après 6 mois de voyage sans avoir aucun recul sur nos expériences !

Caca nerveux mongol
Le manager arrive. C'est un homme sec, contre lequel la Française roots nous a mis en garde : si on ne prend pas un tour organisé par lui, on n'existe pas. Il sera l'occasion d'une brouille idiote : nous lui demandons le prix des dortoirs ; il nous répond "6 dollars par personne par nuit". Nous faisons remarquer qu'il y a marqué "5 dollars" sur la carte de visite - comme nous allons rester longtemps, c'est un peu important, mais pas crucial, nous voulons juste savoir s'il n'y a pas moyen de négocier.

Le type s'énerve et rentre rapidement dans le mépris le plus condescendant : "mais si vous ne voulez pas de ce prix, allez ailleurs ! Ces cartes sont vieilles, c'est tout !". Nous essayons de le calmer, un peu surpris qu'il soit aussi pénible d'un coup, mais rien n'y fait. Il se braque de plus en plus. Alors que tout dans la pension nous plaît, et que cette différence de prix est absolument sans importance, le caractère du directeur de la pension nous pousse à fuir. Quel caractère ces Mongols !

Nous décidons de faire un tour de la ville pour voir si nous trouvons plus sympa au même prix.

Sauf que la ville est relativement grande, que les pensions ont l'air éloignées les unes des autres, et que nous ne voulons pas porter nos bagages sur tout le chemin. Or il apparaît un peu inconvenant de laisser nos bagages dans le hall de cette pension, dans la mesure où le manager sait bien que nous n'allons pas rester ici. Le Français insupportable de Science-Po, qui a assisté à toute la scène, penché sur son ordinateur à quelques mètres de nous, nous propose son aide avec une bienveillance qui m'étonne. Il a pris une grande chambre dans la pension, pour pouvoir y entreposer son coûteux matériel (il a une caméra, du matériel son, un téléphone-satellite et un ordinateur portable pour faire le montage de ses émissions radio). Il nous propose d'y entreposer nos affaires en attendant mieux. Il nous dit même que si nous ne trouvons rien, nous pourrons dormir par terre dans sa chambre si nous voulons.

En déposant nos bagages, nous discutons un peu plus avec cet étrange et très jeune homme (il n'a que 20 ans), et découvrons rapidement sous le vernis un peu repoussant, sous le cliché, un type apparemment original. En partant à la recherche de l'hôtel, nous nous promettons de creuser un peu la question à notre retour.

Une yourte en ville ?
Après avoir changé un peu d'argent chinois contre de l'argent mongol (les tögrögs, impossible à inventer), nous frappons aux portes des hôtels. Après trois pensions pleines ou vraiment chères, nous trouvons, dans le quartier des gers (nom mongol des yourtes), une petite pension bon marché et vraiment originale, qui propose de dormir dans des yourtes posées sur le toit du bâtiment. Nous acquiesçons, ravis !

Et c'est ainsi que pendant tout notre séjour en Mongolie, nous ne dormirons jamais que dans des yourtes.

Nos yourtes

Ulan Bator, alors ?
Nous n'avions absolument aucune idée de l'aspect que pouvait bien avoir la capitale de la Mongolie... Vous en avez une idée, vous ?

Eh bien ça ressemble à ça :

En vrai, Ulan Bataar est une ville très paisible, très agréable à vivre. De larges avenues où ne règne pas une circulation cataclysmique, entre lesquelles courent ces réseaux de larges barres soviétiques, heureusement pas plus hautes que cinq étages, qui forment des successions d'agréables cours piétonnes, où s'ébattent familles et enfants.

Au sein de ces cours, des magasins, de minuscules restaurants mongols : ça vit.

(mais qu'est-ce qui a foiré comme ça en France, pour que sur des bases égales les banlieues pauvres soient aussi miteuses ?)

Les yourtes dans lesquelles nous logeons sont des gers mongoles : nous découvrons que l'intérieur de ces tentes rondes blanches est beaucoup plus spacieux que nous le croyions. Il y règne une demi-obscurité fraîche qui contraste avec la difficile chaleur qui règne parfois en journée.

En parlant de temps, tiens, nous nous prenons rapidement après notre arrivée quelques gouttes de pluie, puis une petite tempête de sable nous attaque en pleine rue. Rien de bien méchant, mais il faut faire attention à marcher la tête baissée, les yeux mi-clos et la bouche fermée, pour éviter les mauvaises surprises.

Cependant, le temps redeviendra vite parfait les prochains jours. Typique du temps d'un pays aussi continental (la Mongolie est le pays le plus éloigné de la mer au monde), il fera très chaud la journée, et un froid de loup la nuit.

(oui parce qu'il y a des loups en Mongolie !)

Moment de détente entre gentlemen voyageurs
En récupérant nos bagages, nous avons pris rendez-vous pour dîner avec Charles, le jeune Français qui nous avait fait une mauvaise première impression. Nous échouons dans un restaurant recommandé par notre guide : c'est contre toute attente un établissement franco-italien très chic.

Charles et nous haussons les épaules : nous pouvons bien nous offrir ce moment de délicatesse européenne au milieu de ces steppes arides, non ?

S'ensuit un dîner dont je ne vais pas raconter toutes les discussions : il suffit de dire qu'il fut riche et passionnant. Charles se révèle être un personnage tout bonnement incroyable, une météorite dans le paysage des étudiants de Science-Po (et des étudiants tout court), capable de monter quinze projets à la fois. Il fait ce tour du monde, sur un programme confectionné par des personnalités voyageuses, à qui il a demandé de lui donner des idées de reportages à faire. Ainsi, un tel, cosmonaute, lui a recommandé d'aller là, un autre lui a proposé de faire un reportage sur les catholiques chinois du Yunnan, un dernier lui proposera de rencontrer les sorcières maputch du Chili.

Sans beaucoup de sous au départ, il est allé sonner comme un forcené à toutes les portes possibles, pour obtenir des financements. Le voilà donc obligé de faire des reportages sur les Postes des différents pays où il va, de filmer des usines pour un groupe minier, le tout pendant qu'il doit confectionner et enregistrer ses émissions, parfois intervenir à la radio en direct, par téléphone, le tout entrecoupé des périodes où il téléphone à des jeunes malades d'une association, afin de leur raconter où il passe et de leur redonner le sourire.

Homme de mille projets, sociopathe acharné, cynique naïf et plein d'humour, rêveur ambulant (il a réussi à réquisitionner un vieux biplan pour le départ de son tour du monde, puis à traverser le Pacifique sur un paquebot), Charles est intarissable, mais de la race des bavards qu'on veut écouter toute la nuit.

Nous découvrons aussi un homme seul, qui a tout tenté pour se faire accompagner par des collègues sur son projet, mais qui a été abandonné : il doit être très difficile de travailler avec un être aussi exigeant et compliqué.

Vous pouvez découvrir le site de son projet : http://www.partance-monde.org/. Un très beau site mais... le webmaster a abandonné Charles et le site est incomplet, et surtout pas à jour.

Nous prenons rendez-vous pour le lendemain soir, ravis de rencontrer un garçon aussi passionné et passionnant. Lui aussi semble heureux de notre compagnie : il a beaucoup voyagé seul, et n'apprécie pas énormément les jeunes un peu écervelés de sa pension (des Australiens un peu crétins et la roots un peu décalée).

Nous rentrons nous coucher sous notre yourte. Le lendemain nous faisons connaissance avec notre yourte-mate, un Américain qui parle un très bon français.

Surtout, au petit-déjéuner, pris dans la cuisine familiale, nous nous faisons une nouvelle et grande amie : le bébé chèvre adopté par la famille qui gère la pension. La chèvre, qui a une semaine à peine, passera le repas à tenter de téter les lacets de nos chaussures. Bien évidemment, nous sommmes à deux doigts de l'adopter !

1 commentaire:

  1. Le dernier gars aux petites chaussures bateau que j'ai rencontré, était vraiment trop Chou. Y avait pas de raison.

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