Les premiers jours à Beijing vont absolument à l'encontre de nos attentes. Les habitants, tout d'abord, nous suprennent : les Shanghaiens étaient globablement de gros rustres qui se croyaient tout permis, des types hargneux, vicieux et malpolis. Aucun habitant de Shanghai ne nous avait souri, ou avait tenté de quelque manière que ce soit de nous montrer qu'il n'y avait pas que des êtres vils dans cette ville.
A Pékin, c'est l'inverse : les Pékinois sont plus souriants et sympathiques que prévus, partout on les voit jouer, sourire, et ils semblent tous surpris et heureux de voir des touristes blancs - alors qu'on pourrait croire qu'ils en voient plus que partout ailleurs en Chine.
Mais surtout Pékin, passé le premier jour où il faisait assez mauvais, nous est apparu comme une ville vivable, à taille humaine, une ville très verte, très aérée, avec quelques véritables vieux quartiers (les fameux hutongs). Par ailleurs, nous avons eu une chance incroyable, dans la mesure où il a fait très beau temps tous les jours : dans une ville réputée pour son temps uniformément gris, les 6 jours de temps parfaitement ensoleillé furent un miracle dont nous étions pleinement conscients !
Enfin, last but not least, là où Shanghai n'était qu'avenues impersonnelles garnies de chaînes et de fast-food, Pékin est un fourmillement de vendeurs de rues, qui font rôtir ou bouillir à peu près tous les produits du monde, quand ce ne sont pas des fruits frais, des livres et des yahourts qu'on vous vend à tous les coins de placettes. Le grand gourmand que je suis en restera ravi à vie.
Une décision difficile à prendre
Ce dont nous ne vous avons jusque là pas parlé, c'est le fait que notre séjour raccourci au Japon nous a mis un peu avance sur notre planning. En effet, en restant 10 jours au lieu de 15 jours, nous nous retrouvons en Chine trop tôt. Or, notre avion Moscou-Paris étant déjà réservé, reste à savoir comment occuper ces 5 jours supplémentaires, question qui avec des erreurs d'estimation (nous pensions que le Transsibérien durait plus de temps que ça), et des contraintes un peu énervantes (il n'y a que deux Transmongoliens par semaine au départ de Pékin), nous plonge dans un casse-tête difficilement soluble.
Pour faire court, nous devons choisir entre trois options :
1) rester en Chine 5 jours de plus, en visitant donc des endroits imprévus autour de Pékin, et faire un passage assez court en Mongolie et autour du lac Baïkal
2) rester en Mongolie quinze jours
3) rester en Russie deux semaines
Nous découvrons vite que notre passage en Mongolie et en Russie n'est pas particulièrement bien adapté : c'est la saison des tempêtes de sable en Mongolie (!), et le temps peut changer très vite du très froid au très chaud ; quant à la Russie, impossible de savoir si le dégel est fini depuis longtemps (arriver après le dégel signifie patauger dans la boue en permanence).
Après de longues hésitations et atermoiements, nous décidons de partir de Chine plus tard, en rajoutant à notre programme Chengde, ancienne résidence d'été des empereurs chinois, et Datong, où se trouveraient de splendides grottes bouddhiques. Ca tombe bien, Datong est sur le chemin du Transsibérien, et nous pourrons peut-être le prendre en route !
Nous nous rendons au bureau des réservations du Transsibérien, situé dans un hôtel de luxe non loin de la gare de Pékin (allez comprendre). Nous y croisons des Canadiens, déjà rencontrés à Xi'an, qui ont réussi à prendre un ticket de transsibérien pour le surlendemain. Nous sommes assez rassurés, car notre plus grande angoisse était que tous les trains soient complets, et que nous ne puissions plus partir de Pékin : lors des mois d'été les trains sont réservés plusieurs mois à l'avance, alors qu'à cette époque les trains sont juste vides. Ouf ! Nous avions un peu peur d'avoir fait les radins sur ce coup : on aurait pu prendre un ticket très à l'avance via une agence de voyage, mais 1) nous n'aurions pas pu changer notre programme au dernier moment comme ici 2) les frais d'agence étaient généralement délirants.
Nous demandons s'il est possible de prendre le train sur le chemin, à Datong. La dame du Bureau des Réservations Internationales, de très mauvaise humeur, nous livre des informations au compte-goutte, en faisant la tête. Aglaé est au bord de l'engueuler. Il nous faut appeler le bureau à Datong, qui nous fait la réservation et nous apprend par le même coup que le train vaut 2 fois moins cher que prévu, si on le prend de Datong ! On ne comprendra par quelle bizarrerie nous faisons ces économies, mais ça nous arrange bien...
Je précise bien que ce fut une décision difficile à prendre, car elle impliquait de passer un temps minime en Mongolie et en Russie. Nous avons bien mis 4 jours à nous mettre d'accord, et le fait que nous nous plaisions beaucoup à Pékin a beaucoup pesé dans la balance.
Ambiance coloc'
Quant à l'ambiance de la colocation de N, nous commençons à nous y faire. Comme nous logeons sur le canapé du salon, nous sentons que nous gênons un peu, et il nous faut attendre que tout le monde soit couché pour pouvoir dormir. Mais N nous a créé dans un coin de la pièce, qui peut être caché par des rideaux, un vrai petit nid douillet, dans lequel nous poussons le canapé pour pouvoir dormir.
N, avec qui nous dînons plusieurs fois, nous parle de cette vie si riche et si inattendue qui est celle des étudiants internationaux de Pékin. Nous sommes rapidement au courant de tous les ragots de son université !
J, le coloc d'Hong Kong, nous fait rire aux larmes malgré lui. Tous les soirs, nous sommes les témoins auditifs de son rituel de beauté. Après avoir pris une douche ponctuée de force raclements de gorge et crachats sonores, il passe systématiquement dix minutes sous le vent de son sèche-cheveux. Il ressort, le torse gonflé d'amour-propre : nous nous cachons pour rire dans le canapé. Moins drôle, il téléphone pendant de longues heures à ses amis à Hong-Kong. Longues conversations en cantonais, entre deux et trois heures du matin...
Promenade estivale au Palais d'Eté
Le lendemain de notre arrivée, un Soleil éclatant nous rappelle ce conseil de N : "s'il fait beau, précipitez-vous au Palais d'Eté, c'est la plus belle chose de Pékin, c'est un grand parc qui vous paraîtra bien gris s'il ne fait pas soleil".
Nous sautons donc dans un bus urbain, et arrivons au milieu d'un flot de touristes devant le Palais d'Eté. Après l'entrée, nous débouchons sur une série de petites cours classiques, très aérées, sympathiques, comme dans un jardin chinois habituel.
Puis, au détour d'un mur, nous voilà devant le Lac Kunming, immense lac artificiel posé au pied d'une colline artificielle (construite avec la terre arachée pour créer le lac), sur laquelle repose de délicats bâtiments. Le tout est un immense parc de saules pleureurs, ponctué de pêchers en fleurs, de ponts aux formes bizarroïdes enjambant des petits cours d'eau, et de pavillons délirants.
Les vues sont extraordinaires, nous avons du mal à y croire. Nous montons sur cette colline, traversons des bâtiments chinois à l'architecture d'un goût rare, apprécions la science du détail des toits et des sculptures, admirons la vue sur Pékin et ses environs verdoyants (surprise, moi qui m'attendais à voir des usines partout, qui ont sûrement dû être déplacées pour les JO).
La foule en délire
Comme dans tous les parcs-monuments de Pékin, un nombre insensé de petits vieux est venu ici pour pique-niquer, bavasser, faire du sport ou danser. Dans ce Versailles pékinois, on les trouve principalement le long d'une galerie couverte apparemment infinie, garnie de fines peintures tout le long. A nouveau, le monument semble vivre indépendamment du flux de touristes qui le visitent.
Dans le registre délirant, l'impératrice Cixi, régente un peu folle de l'Empire Chinois à la fin du XIXe siècle, avait fait construire dans le palais le Bateau de Marbre, faux bâteau de pierre, très fin mais aussi complètement inutile.
Nous rions bien, jusqu'à ce que deux Chinois nous demandent s'ils peuvent nous prendre en photo. Nous acceptons, parce que ça fait longtemps, mais une autre mamie chinoise vient nous prendre en photo, en réclame une autre, nous demande de prendre des poses. Rapidement, une petite foule se crée autour de nous, tout le monde réclamant une photo du couple parfait.
Nous fuyons le shooting de stars en riant, préférant faire le tour du lac : bizarrement, quand on s'éloigne de l'entrée, il n'y a plus beaucoup de touristes... Ceux-ci sont remplacés par de vénérables vieillards chinois, en veste et casquettes maos bleus, devisant gaiment les mains derrière le dos. Un vent féroce agite les saules et les eaux bleu marine du lac. La lassitude culturelle de la Pagode de l'Oie Sauvage de Xi'an est loin, bien loin derrière nous !
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