mardi 23 juin 2009

Une première journée à Shanghai vraiment nulle (1/2)

10 avril

Mais qu'est-ce que c'est que ce titre, Charly ?
Comment peux-tu qualifier de "nulle" une journée dans une ville que tout le monde rêverait de visiter ?

C'est-à-dire que ça n'était pas entièrement dû à la ville, mais il s'agissait d'une journée nulle quand même.

Je vous avais laissé à notre arrivée en pleine nuit dans un quartier misérable de la ville. Nous demandons au personnel du bus-couchette, avant qu'ils ne partent, où se situe la gare de Shanghai, dont nous sommes censés être proches. Ils indiquent une vague direction, comme souvent avec les Chinois. N'ayant pas d'autre choix, nous jetons nos sacs sur notre dos, et partons à l'aventure. Les rues sont vraiment sales, miteuses, boueuses, à mille lieues de l'étincelante cité moderne que nous avait décrite une amie. Nous finissons par tomber sur une venelle un peu plus large, avec un nom de rue. Après s'être escrimés les yeux sur notre plan, nous découvrons que nous sommes bel et bien à Shanghaï, et bel et bien aux abords de la gare. Le chauffeur ne nous a pas menti !

Le paysage évolue rapidement, de ce quartier miteux vers des terrains vagues en chantier. C'est à notre grande surprise le trait principal de la ville de Shanghai, que d'être autant composée d'immeubles construits que d'immeubles en construction. Nous atteignons le dos de la gare, au sens propre comme au sens figuré : alors que la façade avant de la gare sera moderne, entourée de grands immeubles, et représente l'idéal rêvé de Shanghai, la façade arrière de la gare, immense chantier abritant des clochards partout, représente le refoulé des villes chinoises : la pauvreté et la crasse d'un pays en transition. Nous sommes choqués car notre premier contact avec la ville se fait par cette porte arrière.

Nous avons trois objectifs : premièrement nous débarrasser de nos bagages encombrants et sacrément lourds, deuxièmement retirer de l'argent chinois dans une banque HSBC, troisièmement contacter notre ami JS qui doit nous accueillir chez lui ce soir.

Le premier objectif est un rapide échec : après s'être fait refouler du métro (pourquoi ?), nous trouvons l'avant de la gare, mais les consignes sont gérées par des opérateurs privés, qui pratiquent des prix délirants, que de toute façon nous ne pouvons pas nous permettre de payer, avec la faible réserve de liquide qu'il nous reste. Nous nous rappelons des tarifs dérisoires pratiqués dans le Yunnan, et enrageons. Aglaé est trop énervée pour me laisser marchander avec les escrocs de la gare (qui n'affichent aucun tarif officiel, et semblent réfléchir un long moment avant d'annoncer leurs prix). Le Japon nous manque déjà.

Une banque fantôme
Nous utilisons nos derniers yuans pour prendre le métro jusqu'au centre-ville, puis pour acheter un café au McDonald's, qui nous donnera le droit de poser Aglaé, accompagnée de ses bagages dans un endroit plutôt calme. Partout dans le restaurant, il y a des clochards endormis sur les tables : ce McDo est ouvert 24h/24.



Je dois pour ma part m'occuper de la deuxième mission : chercher la banque HSBC, qui sur le guide en notre possession, de la dernière édition d'ailleurs, se trouve sur le Bund. Cette avenue, qui longe la rivière de Shanghai, est un endroit historique : s'y alignent les plus grandes banques du monde, dans de magnifiques bâtiments du 19e siècle. En face, les gratte-ciels de Pudong, le centre d'affaires d'une des villes les plus dynamiques du monde. J'arrive là alors que le soleil vient de se lever derrière les grands immeubles modernes. Il n'y a pas encore trop de touristes, et l'ambiance est magique.



L'enchantement est de courte durée, car je ne trouve pas la banque. Je longe le Bund pendant un long moment, comprenant au passage que Shanghaï n'est pas faite pour les piétons : partout des chantiers qu'il faut contourner, partout des passages souterrains à prendre pour traverser d'immenses avenues, partout du bruit, partout des voitures qui veulent vous écraser. A cela on doit ajouter les distances extraordinaires à franchir pour se rendre d'un point A à un point B.

Quant à ma quête, elle devient vite d'une ironie à pleurer : il s'agit du quartier des banques, et je trouve absolument toutes les banques de Chine, sauf la mienne : ICBC, Bank of China, Bank of Shanghai, etc. Nulle part je ne vois le sigle de la Hong-Kong Shanghai Banking Company (HSBC), alors que nous sommes à Shanghai ! Visiblement, la banque a disparu, ce qui ne m'étonne pas vu le nombre de chantiers m'entourant.

Démoralisé je vais retrouver Aglaé dans son McDo. Sur le chemin, j'aperçois toute la Chine qui s'éveille, miracle renouvellé chaque jour, et qui vaut le détour. De toutes les rues jaillissent des petits vieux, des petites vieilles, des cadres, des enfants, qui se rassemblent pour faire de la gym, du footing, du tennis-football. Dans la grande rue piétonne qui mène au restaurant d'Aglaé, il y a au moins 5 groupes qui font du tango, de la salsa, ou des danses traditionnelles chinoises. Quatre personnes ont installé un filet devant un magasin encore fermé et jouent au badminton.

Juste avant de retrouver ma partenaire de voyage, j'aperçois le pompon : une quinzaine de cuisiniers, en file indienne, trottent au rythme de deux chefs-cuistots (reconnaissables à leur toque), sortes de kapos autoritaires. Toute la Chine est là : absence de honte, omniprésence du collectif, dictature acceptée. Je retiens à peine un rire pour éviter un incident diplomatique.







Privé de métro !

Aglaé est aussi effondrée que moi devant la disparition du HSBC. Nous en trouvons un autre mentionné sur le plan de notre guide. Le problème c'est qu'il se trouve à deux kilomètres, juste à côté d'un arrêt de métro, et que nous n'avons même plus les 3 yuans nécessaires pour prendre le métro (30 cents d'euros, oui). Je décide donc d'y aller à pied, vu qu'il fait beau (c'est déjà ça), laissant toujours Aglaé dans son McDonald's. Cette dernière est au bord du craquage nerveux, car elle a fini par remarquer que c'est toujours la même musique qui passe dans le restaurant, en boucle. Une seule chanson de trois minutes, une espèce de nullité américaine, vaguement hip-hop...

Quant à moi je découvre un peu plus les quartiers "brillants" de Shanghai : comme à Singapour, comme à Hong-Kong, c'est la même succession de centres commerciaux, de malls, censée indiquer que les gens sont devenus riches (alors qu'environ 5% des habitants de Shanghai peuvent acheter quelque chose dans ces magasins). Puis partout les avenues à 6 voies, intraversables, les escaliers à prendre pour traverser les routes, l'impression que le piéton, que le marcheur, que celui qui prend son temps, est un indésirable dans un monde dédié à la voiture.

Dans un centre commercial encore plus chic que les autres (il abrite aussi un grand hôtel), je déniche le HSBC tant recherché. Je fais des petits bonds ridicules, et me jette dans les bras chauds du distributeur automatique. Je reviens au McDonalds, cette fois-ci en métro : le luxe !

Il ne nous restait plus qu'à joindre JS pour se trouver un toit et commencer à explorer la ville. Chose facile, non ?

2 commentaires:

  1. Je n'ai personnellement jamais trouvé cette fameuse banque HSBC à Shanghai. Ni moi ni mes (nombreux) amis chinois qui n'en avaient jamais entendu parler.

    RépondreSupprimer
  2. Sacrément flippant cette arrrivée à Shangai!

    RépondreSupprimer