Apparemment, les Chinois ont besoin de reconnaissance internationale. On croirait même qu'ils ont attrapé un virus lorsqu'ils ont organisé les Jeux Olympiques de Pékin de 2008. Déjà parce que l'évènement a beau être passé, on voit encore partout des pubs, des stickers et des casquettes à l'effigie de l'évènement. Et ce même si on approche de la date anniversaire des JO de Beijing.
Il est probable qu'une minorité de gens ont remarqué le ridicule de la situation (vous vous imaginez, s'il y avait encore des pubs à la télévision pour France 98 ?), ou ont en tout cas compris qu'il n'allait pas être possible de surfer indéfiniment sur ces JOs. Toujours est-il qu'ils se sont trouvés une nouvelle marotte, ces Chinois futés : Shanghai a été choisie pour organiser l'Exposition Universelle de 2010.
Il faut l'avouer, partout ailleurs dans le monde l'Exposition Universelle ne produit pas plus de ferveur qu'une partie de pétanque organisée chez Valérie Giscard d'Estaing. Mais à Shanghai, c'était LA principale raison de vivre. A tous les coins de rue, des statues de la mascotte de Shanghai, une espèce de... chose... indescriptible. Je joins une photo pour que vous vous rendiez compte :
C'est une bonhomme bleu censé représenter l'Expo. Il est absolument partout, partout, partout. Petits dessins-animés sur les télés du métro ou du bus, en nounours, en dessins sur des bateaux, en carton sur des immeubles, sur les stylos, les magazines, les livres... Immanquable mais bien sûr insupportable, l'Exposition Universelle concentre tout le pouvoir de propagande du pouvoir central. On imagine bien l'idée derrière : c'est la crise, les Chinois commencent à avoir assez d'argent pour vouloir aussi la liberté qui va avec, envoyons-leur une mascotte bleue pour leur vider la tête ! Faisons de l'Expo Universelle une grande fête à laquelle tout le monde participera (participation = construire des nouveaux bâtiments pour accueillir les délégations de tous les pays), ça leur changera les idées.
Le slogan, répété partout, est particulièrement crétin : "Better city, better life". Contrairement à tout ce que vous avez pu croire, avoir de quoi manger, avoir de quoi se soigner, avoir le droit de se déplacer librement dans son pays et dans d'autres pays, avoir droit à une justice équitable, tout ça n'est pas du tout l'assurance d'avoir une meilleure vie que les autres. Non, il faut juste une meilleure ville de Shanghai !
Wouah Shanghai !!!
Blague à part, l'Expo Universelle était bien évidemment à l'honneur au Musée d'Urbanisme, notre pire expérience à Shanghai. J'y ai suivi Aglaé, qui avait très envie de le visiter, vu le métier qu'elle veut faire.
Une expérience horrible, oui. D'abord il y avait une salle insupportable censée représenter le Shanghai du temps des colons (pas bien ! mais joli hein, mais pas bien non plus!), assorti de mythiques vidéos ridicules, représentant sous les traits d'acteurs démoralisés des épisodes "hystoriques" Shanghai. On y voyait des pécheurs, des philosophes chinois, etc. Premier éclat de rire, le dernier probablement.
Suite du musée, donc, avec l'étage entier consacré à l'exposition universelle. Succession de salles avec des milliers de textes écrits en chinois. Comme pour tout le reste du musée, un texte sur vingt est traduit (je dirais plutôt résumé) en anglais. Et pourtant, ils réussissent la prouesse bien chinoise de se répéter. Sacrés muséographes chinois, toujours là pour se répéter.
Joyau de l'étage, la vidéo envoyée par Shanghai au comité qui devait décider de la prochaine ville qui accueillerait l'expo. Sommet de kitscherie à la chinoise : musique au violon, sourires, ethnies chinoises partout, et surtout, surtout, les enfants. Au début, nous remarquons une présence ahurissante de mignons enfants chinois souriants (le film débute même par une enfant "trop chou" qui chantonne une chanson chinoise "trop mignonne"). Au bout d'un moment, je comprends qu'il s'agit DU PRINCIPAL argument de vente de Shanghai : je compte qu'un enfant est présent en moyenne un plan sur trois.
C'est littéralement du terrorisme intellectuel : comment pouvez-vous refuser de donner l'organisation lorsque vous avez vu tant d'enfants mignons ? Hein ? Ce serait vraiment dégueulasse, non ?
Le reste du musée est navrant : outre le manque d'intérêt criant des choses exposées, et le côté creux des discours, partout des écrans tactiles, des machines incroyables, des senseurs, des écrans à réalité double, des micros, des casques et... quasiment rien ne marche. "Des réglages sont en cours" à tous les étages.
Typique des Chinois actuellement, qui veulent tout faire comme les Occidentaux, trop vite, trop fort, mais qui n'ont pas les moyens techniques et financiers de suivre. Alors ils font illusion pendant cinq secondes et quand le monde a regardé ailleurs, rien ne marche déjà plus. Un peu comme dans la scène de La vérité si je mens 2 (eh oui la référence), où les héros font visiter l'usine en Tunisie, où aucun ordinateur ne marche, et où tout le monde fait semblant de taper sur des écrans éteints.
Un peu comme les Soviétiques, oui, aussi.
Enfin, clou non plus de l'étage, mais de la visite, une salle-cinéma à 360° (la seule "attraction" qui n'était pas cassée), où se pressaient des lycéens chinois. Un film en images de synthèse montrait le Shanghai de demain, ou d'aujourd'hui, ou d'après-demain, le temps d'une journée (pas bien compris). On survolait la ville à toute vitesse, comme dans un hélicoptère, pendant que deux voix-off d'enfants s'enthousiasmaient à force cris sur la ville.
(mais pourquoi des voix d'enfants dans un musée d'urbanisme ? est-ce que tous les Chinois sont devenus idiots ?)
Comme ils parlaient en chinois, nous n'avons strictement rien compris, à part les réguliers "WAOUH" poussés par les enfants, faisant sembler de s'extasier sur Shanghai.
Une vidéo drôle mais un peu déprimante, qui montrait une fois encore ce que nous vous disions il y a trois messages : Shanghai est une ville jolie de loin, très bien conçue vue d'avion, mais absolument pas pensée à échelle humaine. Une ville qu'on aimerait parcourir en hélicoptère, si seulement on en avait un !
(allez une autre pour la route)
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