dimanche 28 juin 2009

La queue entre les pattes - retour à UB

Une vue du centre-ville d'Ulan Bataar

5 - 6 mai

Nous débarquons du bus, un soleil éclatant nous tape au coin de la figure. Nous tirons une tronche pas possible. Après être rentrés à l'hôtel, nous déposons nos sacs, prenons une douche amplement méritée (pas de vraie douche depuis 3 jours !) et partons illico en direction de l'agence de voyage, encore ouverte à cette heure-ci.

Nous avions tout à redouter de l'agence : s'ils ne se montraient pas coopératifs, s'ils étaient des arnaqueurs habitués à ce genre de retours, ils auraient eu vite fait de nous demander de déguerpir. Nous avions deux objectifs, un majeur (leur faire savoir que c'était un scandale la façon dont nous avions été traités) et un mineur (récupérer un peu d'argent, histoire de récupérer un peu de dignité) .

Pour faire vite sur un sujet encore un peu sensible, l'agence Ger to ger s'est montrée très coopérative. La responsable semblait surprise de notre récit, a pris note de notre plainte pour la vérifier auprès des deux familles, puis nous sommes partis. Le lendemain, après quelques atermoiements et contre-rappels aux familles, nous avons obtenu une certaine reconnaissance de l'anormalité de la situation.

Et des explications : 1) la femme de notre première hôte est tombée malade. Au lieu de nous en informer (ce qui était possible avec les mots de notre lexique mongol-anglais qu'ils avaient lu), ils ont préféré nous "léguer" à leur beau-fils, qui n'avait pas été formé à prendre soin des étrangers. Le mari a dû s'occuper de sa femme, et nous a complètement oubliés.
2) le cheval blessé que j'avais aidé à secourir a été la cause de notre abandon total de la part du chef de la seconde famille ; le soir et le lendemain matin il a dû l'amener chez le vétérinaire. Il ne s'est pas rendu compte que nous aurions adoré aller chez le véto plutôt que de ne rien faire en attendant une activité prévue.

Passons. Cet épisode nous a beaucoup énervés, et pas mal déçus : si le tour en chameaux et en chevaux était inoubliable, notre séjour en Mongolie nous laissera un goût amer: nous avions seulement 3 jours pour vraiment découvrir le pays et nous en avons passé 2 à attendre. Maintenant, il est trop tard, nous partons bientôt, ne reviendrons pas de sitôt. Ce constat confèrera à notre dernier jour à Ulan Bator une atmosphère un peu molle : nous étions déprimés, à la fois par cet épisode et par la fin du voyage, et assez épuisés aussi.

Freaky Koreans
Nous retournons dans notre auberge sur les toits, l'occasion d'ailleurs de faire une lessive à la main en plein air. Nous croisons deux couples : le premier est un couple de Français qui se rendent le lendemain à une expédition Ger to ger ! Nous leur expliquons qu'il ne faut pas forcément s'attendre à une grande interaction avec les familles - notre but est qu'ils ne soient pas aussi déçus que nous l'avons été. Nous discutons un peu avec la fille : intermittents du spectacle, ils ont fait une pause de 15 mois dans leur vie, pour faire un tour de l'Asie. Ils ont traversé deux fois moins de pays que nous, mais ont passé minimum deux mois dans chaque. Nous avons adoré le Laos, la Thaïlande, le Vietnam et le Cambodge, mais imaginer y passer 10 mois consécutifs nous dépasse complètement ! Question de rythme, évidemment...

Le second couple, qui loge dans notre chambre, est le couple le plus bizarre du monde. Composé d'un Coréen et d'une Japonaise, tous deux ont exactement le même look : la queue de cheval, les lunettes, les habits... Impossible de les distinguer l'un de l'autre. La femme ne dit rien, et semble complètement aux ordres de son petit ami coréen. Ce dernier, par contre, nous parle sans arrêt, avec un accent du Sud des Etats-Unis très traînant, un peu insupportable. Il mange ses mots, fait des réflexions bizarres sur tout. Sans vraiment pouvoir expliquer pourquoi, ce couple morbide nous met très mal à l'aise !!!

Vive la nourriture mongole
Juste avant notre départ pour l'expédition semi-ratée, j'avais forcé Aglaé à rentrer dans un restaurant au hasard. Nous avions avisé le premier restaurant trouvé devant notre auberge, ça s'appelait le Green House, en néons verts devant un établissement qui semblait plongé dans la pénombre.

Je propose à Aglaé d'y aller, elle me répond : "Non, malheureux, je suis sûre que c'est un endroit louche, regarde il y a marqué XXX !!!!
Je me retiens péniblement de rire, puis j'éclate. Au-dessus de la porte qui menait au restaurant, il y avait effectivement un écriteau avec trois grosses lettres : "XXK". Sauf qu'il s'agissait de cyrillique, et que c'était donc un panneau avec écrit "RRK".

Nous avions découvert un restaurant incroyable : à des prix bien inférieurs à ceux pratiqués dans les restaurants internationaux pour touristes et expatriés, ce restaurant très design proposait une nourriture mongole simple mais très bonne et bien présentée. Steaks avec du riz, soupes de raviolis de viande, escalopes : rien que du classique. L'ambiance du restaurant est particulièrement bonne : des télévisions sont accrochées au mur, nous sommes installés dans de profonds canapés moelleux, buvons dans de grands verres élégants. Vous l'avez compris, nous avions trouvé un restaurant chic, à des prix chics !

Pour mieux mesurer l'étendue de notre plaisir, il faut s'imaginer que ce restaurant chic était la première occurence, au moins depuis notre départ du Japon, d'un établissement à la décoration réfléchie et travaillée. Cinq semaines de cantines glauques en Chine nous avaient fait oublier à quel point un restaurant pouvait être un endroit agréable !

Nous y retournons plusieurs fois à notre retour, afin de noyer notre déprime dans des Martinis à 1 euro, engoncés dans des canapés bien plus mous que les selles des chevaux mongols. Et bizarrement, ça marche !

Bye bye Mongolia
Notre dernière après-midi, c'est encore la tournée habituelle des supermarchés et des cybercafés, avant de reprendre le train. Les supermarchés mongols proposent d'ailleurs une variété et une quantité de vodkas assez rare dans nos contrées !

Ca me rappelle une anecdote que j'ai oublié de vous raconter. Lors de notre premier passage à UB, un soir que nous traînions avec Charles M., le globe-trotteur en chaussures Bateau, nous passions près du lit asséché de la rivière. Cette longue tranchée sépare la partie soviétique de la ville du camp de yourtes. D'un côté, le béton et les rues carossables, de l'autre, des pistes en terre absolument impraticables. Entre les deux, cette longue cicatrice, au fond de laquelle coule un mince filet d'eau, recueille toutes les ordures du quartier. Dès qu'il fait un peu chaud, une odeur nauséabonde s'en élève, et lorsque nous la traversons sur les fragiles ponts en bois, nous nous bouchons systématiquement le nez.

Ce soir là, alors que nous traversons le pont, dans l'obscurité à peine allégée par les réverbères du côté clean de la ville, j'aperçois une forme imposante qui gesticule sur la pente abrupte de la tranchée. C'est un gros ivrogne qui est au fond des ordures ; il tente de remonter et glisse sans arrêt sur la terre mélangée de sable. Il émet de pénibles grognements.

Je m'élance vers lui, rapidement suivi par Charles M.. Je veux lui tendre la main, mais pour ça il me faut descendre le long de la pente glissante et pentue. Je m'exécute, pas très rassuré, et allonge mon bras. L'ivrogne l'attrape, et tire de toutes ses forces pour remonter. Je manque de tomber avec lui, mais m'accroche à la pente, puis remonte. L'ivrogne semble un peu paniqué, mais comprend ce que je veux de lui. Il est très lourd. Je rassemble mes forces et me jette en haut de la pente, remontant l'homme d'un coup. Celui-ci s'effondre par terre, à bout de souffle.

Il commence à nous dire quelques mots en mongol. Il a l'air sorti d'affaire et j'imagine qu'il vaut mieux pour lui être secouru par nous que subir la honte d'être sorti du gouffre par des gens qu'il connaît. Nous partons.

Départ en train
Nous revenons à la gare d'Ulan Bataar, pour nos dernières heures en Mongolie. C'est un train différent qui nous attend, dont seulement un wagon passera la frontière russe ! Un gros paquet de Blancs attend donc devant ce wagon, qui est bien sûr le nôtre. C'est une provodnitsa russe (responsable de wagon), bien caractéristique de l'image qu'on peut se faire du Transsibérien, qui nous accueille avec un visage de porte de prison. Adieu la Mongolie !

Le quartier des gers

Des immeubles typiques du style soviétique

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