mardi 24 mars 2009

Pains de sucre, naturisme et bateaux vides - Ha Long

7 mars

Visiter le Vietnam sans passer par la Baie d'Along (en réalité Ha Long), c'est un peu comme ne pas jeter un coup d'oeil à la Tour Eiffel en passant par Paris, ou saluer le Manneken Pis en traversant Bruxelles. Pour certains, c'est même comme manger la croute du fromage sans toucher au coeur fondant - ou l'inverse. Bref ça ne se fait point.

La Baie d'Along kezako ? Plus d'infos ici, pour les nains cultes. En gros ce sont de petites et grosses îles dites "pains de sucre", plantées en plein dans le mer, certaines comportant de grandes grottes, etc.

Nous nous réjouissions donc d'y aller, avec raison. Nous étions prévenus que vu la froideur de la saison, il allait être impossible de pratiquer certaines des activités phares de cet endroit : se baigner, faire du kayak entre les grottes calcaires, zoner sur les plages de certaines des plus grosses îles... Nous avons donc décidé de faire l'impasse sur les tours organisés, qui tous comportaient ce genre d'activités, pas très marrantes quand l'eau avoisine les 5 degrés.

Nous faisons donc comme d'habitude, en optant pour la solution compliquée et galère, pour une fois pas uniquement motivés par des questions de budget. Réveil ultra-tôt. Nous nous infligeons d'abord de longues heures de mini-bus jusqu'à Ha Long City, qui n'est pas la porte à côté. Puis nous nous retrouvons sur le bord d'une quasi-autoroute, avec au loin, à notre droite, la forme de la ville d'Ha Long. Marche infernale à maudire les chauffeurs de mini-bus : nous marchons si longtemps que nous finissons par craquer pour une place à l'arrière d'une moto.

Le type nous demande un prix qui nous paraît correct... sauf qu'en réalité le point d'arrivée était à 50m !!! Nous devons nous offusquer, sans que le gars comprenne un millimètre de ce qu'on raconte. Heureusement une femme qui passe par là nous fait la traduction : nous jetons un petit billet à la tête du gars, comme le 1/20 donné par le prof pour féliciter ceux qui ont au moins mis leur nom sur la feuille.

I have a boat (X1000)
Nous sommes à côté du port d'Ha Long. Une bonne centaine de cars de tourisme stationne devant - et nous sommes en saison creuse. Notre but est, comme tout le monde, de faire un tour de bateau dans la baie. Nous partons à la recherche du Guichet Officiel de vente, installé il y a quelques années, afin de limiter les arnaques (vous savez, vous, instinctivement, combien coûte une croisière en bateau au Vietnam ?). C'est un peu compliqué de le trouver, mais il y a surtout un type, puis deux, puis trois, qui nous suivent en émettant un bourdonnement continu :

- Hello, man, I have a boat, this is here, I have a boat, I tell you, good price, I have a boat, I tell you, 70 000 dongs, I have a boat, buy your tickets for the park, and take my boat!

Ce qui peut paraître marrant sur le papier dépasse les pires harcèlements indiens. Nous essayons juste de décrypter un panneau de prix, et de comprendre la différence entre le droit d'entrée dans le parc, et la location d'un bateau. Mais c'est impossible, un peu quand comme vous essayez de compter et que quelqu'un vous dit d'autres chiffres. Rapidement un des deux gars disparaît, comprenant que nous n'avons rien à faire de ses offres, mais l'autre reste.

- I have a boat, I have a boat.
- Please, let us read.
- Okay okay, but first let me tell you, I have a boat, good price, 3 hours.
- PLEASE, be silent, we just want to read.
- Okay okay, I know, but I have a boat.
- PLEEEEEEAAAASE, ONE MINUTE, SHUT UP ONE MINUTE ! One MINUTE IN YOUR LIFE ! STOP

- Yeah I know, but let me tell you first...

Nous essayons toutes nos forces de garder notre calme, mais c'est impossible, le type est trop fort : il VEUT des baffes. D'un coup je me souviens de la solution "dignité-fierté" employée au Népal pour disperser les chauffeurs de taxi, et je deviens très méprisant :

- Okay, man, let me tell you. If you speak again, I will never, never take your boat !
- Okay, but let me tell you first...
- STOP, this is it, I WILL-NEVER-TAKE-YOUR-CRAPPY-BOAT. NEVER ! Finished, this is your fault.

Le type s'arrête. Pour la première fois il a un peu écouté ce que j'ai dit. Il s'exclame avec un air de mépris :
- This is good. I would never have let you come in my boat.

Je suis au bord d'éclater de rire - il avait quand même l'air d'avoir sacrément envie que je le prenne, son bateau, il y a deux minutes. Le type se barre, vexé, et nous sommes enfin en silence. Nous abordons la femme du bureau devant nous qui, silencieuse et calme, attendait qu'on vienne la voir : soulagement intense. Nous prenons un ticket vraiment quasi-gratuit, sommes guidés par une vieille dame, puis un jeune homme, à travers plusieurs bateaux. Nous traversons une foule de ponts, de pontons, nous marchons en équilibre sur le rebord de plusieurs bateaux, sautant de l'un à l'autre, s'accrochant là où on peut. Au moment où nous nous demandons quand ça va s'arrêter, nous atteignons notre navire.

Joncque food
Tous les bateaux qui nous environnent sont de petites joncques recouvertes de bois, très jolies, avec même des mats pour faire semblant d'être des voiliers. Nous sommes surpris qu'avec la prolifération de bateaux et de touristes, les autorités touristiques aient réussi à éviter la présence de gros navires moches.

Sur le pont du bateau, il y a à peine 5 personnes : 4 jeunes Vietnamiens et 1 Français de la quarantaine. Les jeunes Vietnamiens passeront la croisière à se prendre des photos avec des poses rigolotes, a nous faire manger des mandarines et à nous prendre en photo autour d'eux (vous imaginez leurs bonds quand je leur ai dit quelques expressions en viet) ; quand à David, le Français, il s'avère très vite être un personnage des plus sympathiques. Et un personnage tout court.

David, ce héros
Ce type est venu de Saigon, à mille kilomètres de là, en train ; il a donc passé 2 jours entiers dans le train, n'a pas beaucoup dormi, est arrivé a Hanoi comme nous à 4h30 du matin ; il a foncé dans la seule agence de voyage ouverte de Hanoi, a demandé un billet de bus pour Ha Long, et est venu directement dans ce bateau. Comme il ne parle pas bien anglais, il a payé un peu cher son billet de bateau, mais il est là, quelques heures à peine après son arrivée à Hanoi. Il a l'air monstrueusement fatigué, ne s'est pas lavé depuis longtemps, a son gros sac avec lui, qu'il transportera sur son dos pendant les visites des grottes. Sa bonne humeur est pourtant communicative.

Bon, bien entendu il rale : trop de bateaux, temps gris, etc. C'est vrai qu'il fait sacrement gris, mais PB nous avait prevenus : il fait gris tous les premiers mois de l'annee dans le Nord du pays.

Et Halong ?
Halong dans la brume est notamment splendide. Difficile de trouver d'autres mots, bien sur. Alors forcement splendide, mot tellement utilise qu'il en a perdu toute force et tout relief. C'est ballot, mais je n'arrive pas a trouver quelque chose d'original. Des expressions comme Mysterieux, Etrange, Captivant, sont comme des points de vue, des cliches aux visages connus, pour mieux voir l'invisible du Mot ideal, celui qui resumerait la chose Halong.

Racontons plutot.

Je ne sais pas comment ca fait quand il fait beau. La, on s'approche au milieu d'une grosse flottille de joncques, comme au sein d'une armee partie en guerre contre un bataillon de geants. Puis rapidement, des pans blancs de brume emergent des formes, dinosaures de gres, colosses d'argile a peine sechee, silhouettes monstrueuses. Ces rochers finissent par dechirer les derniers haillons de brume qui les couvraient, et montrent leurs poitrails. Puis le choc, armee de bateaux contre armee de pitons rocheux, voiles contre forets, eau contre roche.

Difficile de trouver les mots. Nous aurons fait le tour en trois heures a peine, un peu hebetes, un peu ecrases. Nous nous arreterons une heure pour visiter des grottes au sein des roches, le meme genre qu'au Laos (mais tres encadre), mais c'est surtout l'armada de pitons rochers, au milieu desquels nous passons l'apres-midi a naviguer, qui nous hantera encore longtemps.

Au bout de quelques temps, donc, nous sommes repartis, vaincus probablement : chaque jour les joncques font retraite et les rochers de la Baie d'Along restent, retrouvant la solitude et l'oubli de leur brume. Chaque matin les joncques reviendront chargees de touristes, mais personne ne semble pouvoir abattre ces rochers.

Quant aux Viets, ils ont, je crois, passe plus de temps a prendre des photos qu'a regarder le paysage.

Retour vers le quotidien
La balade est relativement courte, plus breve meme que le trajet pour venir depuis Hanoi, mais nous n'avons pas vraiment envie de prolonger l'experience : c'etait suffisamment beau, sans que nous voulions risquer de trouver ca ennuyeux et repetitif. Nous decidons donc de rentrer au lieu de passer la nuit a Ha Long comme prevu.

Nous guidons David jusqu'a la station de bus. Il semble assez reconnaissant dans la mesure ou il a du mal a se debrouiller en anglais, encore moins en viet. Pour trouver la station, nous prenons d'abord un bus urbain. Alors que nous hesitons a le prendre, et que nous ne savons pas ou il faudra descendre, nous entendons un coup de tonnerre : c'est un vieux Marseillais dechaine, qui nous apostrophe avec l'accent :
- Eh oui les ptiots, la, c'est par la la gare des bus, heing !

Le bus est bruyant et nous avons a peine le temps d'entamer une conversation. Il multiplie les blagues un peu salaces a l'egard de toutes les femmes qui l'entourent, mine de rien ca faisait longtemps qu'on n'avait pas vu un bon vieux Franchouillard un peu paillard (ceci dit Aglae avait raison, il etait un peu glauque aussi, ce gars, a nous dire qu'il venait voir des filles ici).

Nous trouvons notre bus, et rentrons vers la capitale vietnamienne. Pendant tout le trajet, David nous entretient de ses anecdotes incroyables. Ce chef de chantier nous raconte ses experiences diverses et sacrement variees : voyages a l'arrache au fin fond de l'Afrique, coups de gueule contre les clients des prostituees en Thailande, naturisme en Allemagne.

Eh oui, car David est naturiste. Cela vient dans la conversation, naturellement, avec franchise, douceur, sans fausse pudeur et sans sous-entendus vicelards. Il nous raconte son experience foireuses dans un camp naturiste qui se revelait etre un camp echangiste, sans qu'il le sache : toutes ses anecdotes sont pleines d'un franc-parler jamais vulgaire, d'une delicatesse simple, qui sont ces choses dont je raffolle. Cet homme, d'un milieu et d'une education en voie de disparition, celui de la classe ouvriere instruite, qui semble parfois tout droit sorti du Belleville d'un film de Carne, me rappelle certains amis. David nous considere comme des egaux, malgre notre jeune age et notre experience quasi-nulle dans tous les domaines qu'il evoque (en gros le travail, les chantiers, les voyages, le naturisme, la vie).

Nous arrivons a Hanoi, et trouvons une chambre pour David dans notre hotel. Nous faisons un rapide diner dans un restaurant proche, discutons encore longtemps tous les trois, puis nous endormons apres une journee sacrement remplie !

DESOLE A TOUS CEUX QUI ONT PU ATTENDRE CE MESSAGE PENDANT DES SEMAINES, NOTRE PASSAGE AU JAPON A ETE PLUS COURT QUE PREVU, ET NOUS AVONS DONC SPEEDE POUR VOIR TOUT CE QUE NOUS VOULIONS : DU COUP PAS TROP LE TEMPS DE METTRE A JOUR LE BLOG, ET UN BON MOIS DE RETARD. MEA CULPA !!!!

Reconstruction la suite

5-6 mars

Hanoi est une ville étonnante. Impossible de ne pas sentir la ressemblance avec une ville européenne : l'atmosphère froide, gris du ciel et poisse des rues mouillées évoque Paris ; les couleurs des bâtiments coloniaux, jaunes et oranges, entourés de petites cours carréees, et qu'on découvre au hasard d'un détour ; les grandes avenues autour des petites rues qui évoquent Haussman ; les regards mornes, un peu figés, les pulls, les habits noirs et gris ; les artisans courbés en deux sur leurs établis, en silence.

Et pourtant, pourtant, derrière toutes les couches européennes, qui tenaient aussi à l'atmosphère hivernale dans laquelle nous nous trouvions, il y a quelque chose d'indestructiblement asiatique dans Hanoi. Petites boutiques entassées les unes sur les autres, cris des marchands, engueulades permanentes, pullulement des motos et surtout l'infinie variété de bouis-bouis sales, offrant dès l'entrée leur mini-cuisine fumante - brioches chinoises à la vapeur, soupes de nouilles prises à même la rue sur des chaises d'enfants, bun bo et bun nem (nouilles aux boeuf ou aux nems).

Enfin, quelque chose typiquement Vietnam du Nord émaillera sans arrêt notre visite : longues hésitations lorsqu'on demande les prix (non, 3 euros le café pris dans un bouge infâme, même à Paris c'est beaucoup), regards un peu méprisants : rien ne semble vraiment sauver les gens d'Hanoi par rapport aux Vietnamiens des autres villes que nous avons visités.

Parmi la liste des choses un peu absurdes du voyage, nous craquons pour une représentation de théâtre de marionnettes sur l'eau. Spécialité vietnamienne, il s'agit de marionnettes qui gesticulent à la surface d'un grand bassin. Elles sont animées par des gens qui, derrière des rideaux, les manient à l'aide de gros batons qui passent sous l'eau. Prouesse technique, résultant vraiment impressionnant. Quant au spectacle lui-même, il s'agit d'une suite de tableaux un peu naïfs, un peu champêtres (l'art des marionnettes sur l'eau a été initié par des paysans plongés dans des rizières), parfois drôles, parfois mignons, parfois soporifiques.

Enfin, nous visitons le Palais Présidentiel, gros bâtiment colonial plutôt charmant qui abritait les sommités du gouvernement colonial vietnamien, et la Pagode du Pilier Unique, reconstruite après la guerre du Vietnam, atroce petite pagode en béton, toute repeinte à neuf, entourée d'une horde de groupes organisée. Pour l'authencité et le cachet ancien, on préfèrera le Temple de la Littérature, * quasi-havre de paix au milieu du rugissement des motos de Hanoi (on les entends encore), très fin, aux proportions harmonieuses, qui semble comme un secret glissé dans les interstices d'un gros cri bruyant.

Stabilité enfin
Heureusement, nous nous sommes trouvés un QG pendant les 5 jours passés à Hanoi. Ou plutôt 2. Le premier est un adorable petit café-boulangerie, aux prix fixes et affichés - les mêmes pour les Viets et les Européens. On y prendra nos petits-déjeuners (petits cafés noirs, beignets aux graines de sésame), nos déjeuners (sublimes nouilles aux boeufs, dans une sauce bien huileuse, plus aventureux beignets aux oeufs de caille), et à peu près tous nos desserts. Les vendeuses sont drôles et sympathiques, et égrènent quelques rares mots anglais, qui font écho à mes progrès misérables en vietnamien.

Je n'oublierai jamais de mon existence le goût doux et épais de ce dessert si spécial, dont le nom vietnamien m'échappe : la vendeuse, celle avec ce sourire si doux, prend une espèce de nem de banane, le fait griller, le coupe en plusieurs morceaux, qu'elle jette dans un verre. Elle recouvre le tout d'une grande louche d'un sirop de coco chaud, dans lequel nagent des petits grains de tapioca et de gros morceaux de coco mous. Une caresse pour le palais, un défi pour l'estomac.

Deuxième QG, autre ambiance : le petit cybercafé à côté de notre hôtel. Ce cyber, dont j'avais brièvement parlé dans un message sur Phuket, est peut-être le cybercafé le plus délirant de tous ceux que nous avons fréquenté. Et nous en avons fréquenté, ce blog en est la preuve : il est d'ailleurs vrai que les épisodes de lessive à la main et les passages dans les cybercafés constituent les seuls véritables éléments de quotidien de notre voyage : alors que tout change sans cesse autour de nous, laver nos affaires sales et donner de nos nouvelles ici constitueront toujours les repères stables et rassurants.

Ce cybercafé, qui nous permettra de rattraper sensiblement le retard de notre blog (nous irons souvent, et longtemps, n'ayant pas non plus grand-chose à faire à Hanoi), est hanté par une horde hétéroclite de jeunes fous. Certains sont encore des enfants, d'autres sont quasiment des adultes - tous fument clopes sur clopes, et la plupart se fendent de coiffures ahurissantes et de teintures étonnantes (non, les Asiatiques n'ont pas les cheveux rouges naturellement). Leur point commun est de se retrouver dans ce cyber, pour passer de longues heures à jouer - jouer, mais aussi hurler, gesticuler, pleurer.

Pendant que leurs avatars informatiques s'entretuent à coups de couteaux et de mitraillettes sur les écrans, eux passent par des états de surexcitation qui font passer l'Angry German Kid de Youtube pour un enfant de choeur sous Xanax. Parfois, des êtres plus doux nous étonnent en jouant à des jeux de danse, mais en y mettant la même frénésie guerrière que s'il s'agissait de gagner une guerre. Notre souvenir le plus marquant sera celui du Vietnamien assez fou pour jeter avec fracas sa souris qui ne fonctionnait pas. Pendant ce temps, nos tympas souffrent en silence.

Plus étonnant que tout, la gérante de ce cybercafé est une gameuse encore plus hardcore que ses clients. C'est bien simple, elle semble plus gérer le cyber entre ses parties que jouer aux jeux en réseau entre ses moments de travail. Quand on rentre dans le cyber, il faut donc d'abord la trouver (nombre d'autres touristes étrangers nous ont demandé à qui s'adresser pour obtenir un poste), puis la distraire de son jeu, ce qui peut être TRES long. Invariablement, elle se retourne excédée, et nous envoie vers un poste libre, dégoûtée de devoir mettre sur pause pendant de longues secondes. Complètement autiste, cette gérante ne semble parler ni anglais, ni viet, ni rien. Elle communique par gestes énervés.

Un fonctionnaire bien sympathique
Peu avant de partir, mon ami NC m'avait indiqué que son parrain, PB, avait un poste de haut-fonctionnaire à Hanoi, et qu'il s'y embêtait à poings fermés. "Contacte-le, il se fera un plaisir de vous rencontrer là-bas, il est trop cool, ce mec". Ledit mec cool nous avait, deux jours avant notre départ, envoyé un mail d'une gentillesse exquise détaillant, avec détails et moults bons plans, une bonne partie des pays d'Asie du Sud-Est que nous allions traverser. Au-delà même de détails pratiques, PB nous avait confirmé dans l'idée que ce voyage allait être exceptionnel, et nous avait donné envie d'arriver encore plus vite au Laos, en Thailande et à Singapour.

Nous avions donc convenu, avec PB, de nous retrouver lors de notre passage à Hanoi. Etant donné nos déconvenues avec les visas chinois, je lui avais le jour de notre arrivée envoyé un mail assez désespéré, lui demandant s'il avait des informations. Il n'en avait pas vraiment, mais nous en avions profité pour nous retrouver le vendredi soir. Ce responsable de la Francophonie en Asie du Sud-Est, titre un peu ronflant et qui avait l'air de le passionner moyennement, nous donne donc rendez-vous au restaurant du Metropole de Hanoi, pour y boire un verre.

Autant dire que nous arrivons un peu honteux : le Metropole est peut-être l'endroit le plus colonialo-sublime de la ville, et à côté le Raffles de Singapour a l'air d'un McDonalds de Courbevoie ; quant à nous, nous sommes toujours habillés de nos éternelles guenilles, pantalons kakis à fermetures éclairs, pulls troués et T-shirts à la propreté douteuse. PB nous accueille en costume-cravate, nonchalant : son humour, la délicatesse et l'aisance de ses manières nous font rapidement oublier notre statut de gueux au milieu de l'élégance.

Le restaurant est une myriade de bougies, de lumières tamisées, de vieux ventilos coloniaux, de plantes pleines de style. Un piano rôde et projette sa stature classieuse, même si personne n'y joue. Les serveuses déambulent armées de longs gants noirs, ambiance Shanghai des années 30 - toute cette classe semble cracher sur nos vêtements poisseux.

PB est le condensé parfait du haut-fonctionnaire. Il est grandiose, d'une intelligence brillante, réparties ciselées, remarques passionnantes, culture aussi étendue que le territoire russe, il est drôle et nonchalant ; mais il est aussi blasé, ennuyé, peu passionné par les Vietnamiens au milieu desquels il vit, encore moins par son travail, un peu méprisant aussi parfois envers les Hanoiens (il faut l'admettre). Enfin il a la classe, et peut se permettre tous les travers qui vont avec.

Foin de descriptions : passer une soirée à discuter avec cet homme de goût nous plonge à nouveau dans une vie intellectuelle qui nous manquait. A part les discussions linguistiques avec Silvia au Laos, et les grandes échappées lyrico-culturelles d'Amar à Vizak en Inde, le niveau intellectuel des rencontres que nous avions pu faire était plutôt bas. Nous sommes donc ravis de cette soirée.

Last but not least
Enfin, il faut bien des bonnes nouvelles. Vendredi après-midi, la veille de notre départ prévu pour la Baie d'Along, nous croisons deux babas dans le hall de notre hôtel. Nous les entendons parler avec le sosie de Faye Wong (la gérante de l'hôtel) :
- Oh thank you so much ! But, you're a magician !

Ce concert de louanges me fait tourner la tête : tous deux tiennent et feuillettent deux passeports, et le sourire à leur visage me rappelle en négatif le désespoir sur le nôtre après l'ambassade de Chine : et s'ils étaient en train de récupérer leur visa chinois ?
Aglaé les poursuit alors qu'ils sortent dans la rue, et leur demande pourquoi ils étaient aussi heureux. Confirmation : ils sont passés par l'hôtel pour avoir leur visa chinois, refusé à l'Ambassade, et... ils l'ont eu !! Nous refusons de crier victoire, car on ne sait jamais, chaque cas est unique, mais nous reprenons enfin sacrément confiance !!!

jeudi 19 mars 2009

Reconstruction (Hanoi)

Pour ceux qui a tout hasard s'etonneraient du relatif silence de ces derniers jours, surprenant par rapport a l'abondance de messages de ces derniers temps, la raison est simple : a Hanoi, nous avons eu beaucoup de temps sur internet pour rattraper le blog, mais depuis notre arrivee en Chine nous enchainons les transports et les visites, sans un moment pour se connecter. J'ose esperer que la situation va s'ameliorer, au plus grand bonheur des milliers de fans qui nous lisent chaque jour.



4 mars - Suite de l'episode precedent
Pleurs, bien entendu. Rage, on s'en douterait. Impuissance, certainement. Deux semaines plus tard, je revois encore avec acuite ce moment ou, au milieu de ce petit parc qui jouxte l'ambassade, je tente vainement de calmer Aglae, n'etant pas moi-meme beaucoup plus zen.


Il s'agit de reflechir, d'etudier toutes les options. Facile a dire. Une chose a la fois, comme je dis toujours : nous rentrons d'abord vers l'hotel ou nous avons pose nos bagages. En entrant, ce n'est plus le vieillard endormi entrapercu a l'aube qui nous accueille, mais une charmante jeune femme. Pour les amateur des films Chungking Express ou 2046 de WKW, c'est sans doute possible le sosie de Faye Wong : cheveux courts, style vestimentaire original et tres juste. Ele est tres souriante et parle un bon anglais sans beaucoup d'accent.


En apercevant la tete d'Aglae, elle sent que quelque chose ne va pas. Elle nous propose une chambre disponible, une chambre pour 3 personnes, avec un petit rabais, plutot que d'attendre encore une heure qu'une chambre se libere. Le coeur lourd, je lui explique brievement le pourquoi du comment de notre etat.


- Oh it's not a problem, we can have the visa for you. Tell your friend that she doesn't have to worry at all. Tell her, don't worry. We will have the visa, sure.


Je suis un peu surpris : pourquoi eux m'obtiendraient un visa interdit par les autorites chinoises au Vietnam ? Je remets la question a plus tard, et accepte la chambre d'abord. Nous nous dechargeons de nos sacs, nous asseyons un moment, et commencons a reflechir a nos plans :


- verifier les derniers echos sur les forums de routards sur internet (ca ne donnera rien de nouveau : en decembre dernier on pouvait obtenir un visa a Hanoi)

- donner sa chance a notre pension-agence de voyage, mais d'abord verifier si les autres "agences de voyage" plus connues nous disent pouvoir faire ca elles aussi

- envisager tous les plans B possibles : aller a Hong-Kong demander un visa, retourner a Singapour demander un visa,

- envisager les plans C, D, E, etc : si pas de visa a HK, aller a Taiwan pour voir la Chine, ou directement au Japon, et sinon, aller prendre le Transsiberien non plus a Pekin mais a Vladivostok, en prenant un bateau ; si pas de visa a Singapour, visiter la Malaisie, l'Indonesie, aller voir mon frere en Australie, que sais-je ?



Bref, mille options possibles, transcrites le soir-meme sur une feuille de brouillon incomprehensible au commun des mortels. Rapidement, nous nous rendons compte que nous sommes toujours aussi perdus, mais que nous avons mille directions. Toutes, bien entendu, nous couteront beaucoup plus cher que prevu, puisqu'elles sont a base d'avions pris au dernier moment.


Visite en solitaire de Hanoi
Notre belle equipe se separe en deux groupes, chacun constitue de 1 chef d'equipe et de zero equipiers : Aglae a pour mission de consulter les forums, d'obtenir des prix precis sur les billets d'avions, et surtout d'ecrire a ses contacts a Singapour et Hong-Kong afin de savoir si les visas chinois peuvent etre obtenus sur place, ou si ca va encore etre la meme galere.


Quant a moi, je dois aller faire le tour des agences de voyage celebres de la vieille ville, afin de tester si ce que propose notre guest-house est courant et possible. Je me lance dans ces rues boueuses et tristes sous le ciel gris. Hanoi, passe l'aube, est remarquablement animee : presque autant de motos qu'a Saigon, et surtout une accumulation de boutiques, d'artisans et de bruits qui fait presque peur.


Je me rends vite compte que ma tache est assez absurde : des "agences de voyage", il y en a absolument partout. Dans certaines rues, une boutique sur deux est une travel agency : toutes proposent des bus, des excursions dans la baie d'Halong, des billets d'avions, des visa services pour la Chine ou le Laos. Je ne peux decemment pas demander a toutes, d'autant que la plupart sont plutot louches.


Louches ? Pour donner un exemple, il faut savoir qu'une agence nomme Sinh Cafe a lance depuis une bonne dizaine d'annees maintenant un service de bus Open Tour, pas tres cher, qui permet de sillonner le pays, en descendant et en montant quand on veut dans les bus Sinh Cafe. D'autres cafes ont lance leurs propres Open Tour, mais surtout une immense quantite d'agences de voyages a decide d'attirer facilement des voyageurs... en s'appelant tout simplement "Sinh Cafe Travel Agency". En une demi-heure, je croise donc 16 faux Sinh Cafe, dont tous ont un logo officiel photocopie sur leur devanture. L'un d'eux vend meme des bijoux...


Un peu deborde par ce fourmillement d'agences, j'en essaie deux ou trois "vraies". Toutes me disent la meme chose : "oui nous pouvons vous obtenir un visa chinois. Ah l'ambassade vous a dit non ? ah ben nous ne pouvons rien faire".

Un (vrai) drame
Dans le veritable Sinh Cafe, je fais la connaissance deux femmes etonnantes. La premiere, la cinquantaine, est une Marseillaise de bagout, qui a fait la rencontre de la seconde, une francophone d'origine Thai, mariee a un Francais. Toutes deux ont la cinquantaine. Elles ne se connaissaient pas, mais se sont rapprochees a l'occasion d'une balade dans la baie d'Ha Long, au cours de laquelle le mari de la Thai (veritable francais, lui) a subi une violente attaque cardiaque.

La Marseillaise, le coeur gros, me raconte tout d'un coup, sans que je lui aie specialement demande quoi que ce soit. Le rapatriement sur une ile de la baie, le transfert par helicoptere vers l'hopital francais de Hanoi, l'annonce de la mort clinique du mari, l'hesitation a le debrancher au plus vite, les formalites compliquees d'assurance, les complications pour aller disperser ses cendres en Thailande, comme il l'avait souhaite... Bref, toute une serie d'horreur qui me fait realiser soudainement a quel point cette histoire de visa est derisoire. L'air perdu de la Thaie, un peu souriante, mais completement larguee, me restera longtemps en memoire.

Entre leurs mains

Nous decidons finalement de confier nos passeports a notre hotel. Les refus des autres agences, au lieu de me faire manquer de confiance envers les gens de notre hotel (ils sont fous, ils ont trop de confiance en eux), me fait au contraire comprendre que, s'ils sont aussi surs d'eux, c'est qu'il y a un truc. J'essaie de leur demander quel est ce truc, mais la fille a du mal a m'expliquer : visiblement ca passe par une entreprise qui s'occupe de ces trucs de visas, et elle ne sait pas trop ce qui se passe. En gros elle n'en sait rien, mais elle est sure d'elle. Comme nous ne payons qu'a reception du visa, nous n'avons rien a perdre, et nous avons jusqu'a l'expiration de notre visa viet pour prendre un avion en catastrophe et quitter le pays. Nous demandons le service express, le seul qui peut nous sauver (nous sommes jeudi, et le week-end nous enleve deux jours ouvrables).

Toujours aussi epuises par notre demi-nuit et les vexations du matin, Aglae et moi nous ecroulons sur notre lit : nous ne pouvons rien faire de plus. Nous passons toute la fin d'apres-midi a roupiller et a nous faire du souci, reprenons des forces, et decidons de visiter la ville le lendemain. Que pouvons-nous faire d'autre ?

mercredi 18 mars 2009

Train train pas quotidien

3 - 4 mars
Nous partons de Hue le vague a l'ame : derriere nous il y a le Vietnam du Sud et du Centre, sa douceur de vivre, sa chaleur, sa bouffe a pleurer de bonheur ; devant nous il y a le Vietnam du Nord, son froid, sa brume du printemps, son ambassade de Chine et sa reputation de mauvaise humeur.

Tant pis, nous montons dans notre train : il part a 16h et doit arriver en pleine nuit a Hanoi, a 4h30. Nous decouvrons les tres jolis compartiments-couchette du train, quatre banquettes seulement, de la place et de l'espace. Il y fait deja un froid de loup, a cause de la clim, et deux viets de mauvaise humeur ne semblent pas ravis de notre arrivee. Nous nous faisons rapidement ejecter de notre compartiment par les controleurs : en effet, ils semblent vouloir nous parquer entre Blancs, et nous changent pour un compartiment habite par un couple de Hollandais.

Quand nous entrons, nous sommes immediatement contents de voir des gens souriants qui parlent anglais, mais Aglae se demande interieurement pourquoi il fait moins froid dans ce compartiment. Moi je ne remarque rien, et nous engageons la conversation avec ces Bataves. Ils sont charmants, droles, optimistes, faciles a vivre et pas stresses du tout : ils voyagent 6 mois, mais ne savent pas encore s'ils vont aller au Tibet ou au Japon apres leur entree en Chine ("on verra bien"). Gentiment, ils rechauffent notre angoisse de l'ambassade chinoise - je rappelle qu'Hanoi est le dernier endroit possible pour obtenir notre visa chinois, d'ou le stress.

Nous discutons ainsi de longues heures. J'achete un nem avec du riz a une des marchandes ambulantes, ne fait pas attention au prix qu'elle demande, puis doit retraverser le train en entier afin de me faire rembourser le montant de l'arnaque (elle m'avait facture le riz le quadruple des nems, dans un pays ou le riz est quasi-gratuit). En riant, la vendeuse me rembourse ! Sacres viets.

En revenant, nous fermons enfin la porte du compartiment. Nous remarquons vite qu'il ne fait pas tres froid. Tres rapidement, il fait meme carrement chaud, voire etouffant : maintenant que nous avons coupe l'arrivee de la clim du couloir, nous nous rendons compte que notre clim ne fonctionne pas. J'avise un genre de steward, qui fait semblant de ne pas parler anglais, et ne veut meme pas savoir ce que je lui demande, puis disparait.

Les Hollandais n'ont visiblement pas envie de se battre, et sont prets a supporter la fournaise. Pas nous. Nous tentons d'abord de tourner un bouton, avec une pince empruntee au Hollandais - il s'averera apres reflexion qu'il s'agit du volume du haut-parleur des annonces.

Je ressors pour trouver de l'aide : il fait nuit, tout le monde dort, et le steward est introuvable. Au bout d'un moment, je comprend qu'il dort dans sa cabine. Apres de longues hesitations, je decide de le reveiller, mais il a tellement fait la fete avec les gens du wagon d'a cote qu'il ronfle comme un nouveau ne. Coups a la porte, cri, bruits de metal : impossible de le reveiller.


Je reviens un peu enerve, d'autant que dans notre compartiment Aglae et les Hollandais sont rouges comme des tomates.

Je remarque une espece de roulette, le long de la bouche d'aeration de la clim. Il est impossible de la faire tourner manuellement, mais avec des ciseaux, penche au-dessus du vide entre les couchettes du haut, je reussis a la faire tourner. C'est dur car rouille, et la chaleur n'arrange rien. Les Hollandais se foutent un peu de moi, d'autant que je ne suis pas sur du sens dans lequel il faut tourner le truc pour faire rentrer plus d'air.

La situation est insupportable, je repars a la recherche d'un autre steward. Dans un wagon voisin, de jeunes Francais ronds comme des outres a vin me convient a boire avec eux, mais je suis trop fatigue. Je trouve la stewardesse de ce wagon, et la reveille. Elle qui n'a rien bu est au garde-a-vous immediatement, et n'est visiblement pas tres contente d'etre reveille. Elle me regarde avec un air un peu enerve, avec des traits qui s'aggravent encore plus quand elle realise que je ne suis pas de son wagon.

Elle me dit de reveiller le gars de mon wagon. Je lui explique que c'est impossible. Je lui montre. Elle ouvre la porte, secoue le type : impossible. De mauvaise grace, elle rentre donc dans notre compartiment. Elle comprend vite la chaleur insupportable qu'il y regne. Elle fait signe que c'est bon, nous ne savons pas si elle va revenir ou si elle va chercher quelqu'un. Nous ne la reverrons jamais, et nous finissons par nous coucher, a bout d'idees.

Toujours est-il que la temperature descend. Nous ne saurons jamais si c'est la fille qui a repare quelque chose de loin (en appuyant sur un bouton, ou quelque chose comme ca, peut-etre meme en grimpant sur le train, et en forant un trou au-dessus de notre cabine), ou si c'est moi qui ait ouvert l'aeration avec mes singeries. Persuade que je suis un heros, je m'endors le sourire aux levres.

Hanoi n'est pas Hawai
L'arrivee dans la capitale du Vietnam est brutale : il est 4h30 et j'ai beau avoir bien dormi, ce n'etait pas assez. Aglae, quant a elle, se lance dans une imitation de zombie tres reussie. Nous marmonnons un "au revoir" a nos Hollandais, jetons nos sacs sur nos dos d'un air las, et prenons la route vers la vieille-ville. Nous avons en effet repere une rue ou se tiennent plusieurs hotels a notre gout.

Hanoi est particulierement inhospitaliere, en cette fin de nuit : il fait froid et une sale bruine nous fouette le visage - quand le jour se levera, il fera bien entendu gris comme un ciel parisien ! Nous sommes enchantes d'avoir quitte le Sud du pays.

Apres une longue marche dans la ville endormie (clochards a moitie morts, ordure, boue : c'est presque l'Inde !), nous arrivons jusqu'a notre rue, qui se trouve plutot etre une petite ruelle sombre. Heureusement, la ville est tellement morte qu'elle n'est pas tres angoissante !

Bien entendu, les guesthouses que nous avions reperees sur notre guide sont fermees a cette heure. Rapidement, nous entrapercevons d'autres formes dans la nuit, munies de sacs a dos : nous ne sommes donc pas les seuls routards a attendre ainsi l'ouverture des hotels ! Nous sommes meme rapidement rejoints par une sympathique Suisse (comme quoi), germanophone de son etat, avec qui nous taperons la causette le temps que la ville se reveille.

6 heures sonnent, et les grilles des premieres pensions s'ouvrent : comme on pouvait s'y attendre, la plupart n'ont que leurs chambres pour 5 de libres, a des prix assez audacieux. Il va nous falloir attendre 11h pour que les chambres se liberent ! Soupir... Heureusement, l'une des pensions nous promet des chambres peu cheres dans quelques temps, et nous permet surtout de laisser nos gros sacs.

Couleur cafe
Nous nous dechargeons de cet insupportable poids, et decidons avec la Suissette de prendre un cafe ensemble. Hanoi est en effet riche en petit Ca Fe Giat, influence francaise oblige, ou on peut prendre des bons cafes bien serres comme au Laos. Horreur, nous remarquons vite que les cafes se sont absolument tous accordes pour un double systeme de prix, et qu'une tasse au Vietnam vaut quasiment le meme prix qu'en France.... Alors oui, payer un peu plus cher que les autres parce que les autres n'ont pas le meme pouvoir d'achat, ok - se faire infliger une petite surtaxe de "Blancs" pour eviter l'inflation generalisee, ok. Mais payer plus de trois fois le prix habituel du cafe...

Commence une longue errance - nous allons de cafe en cafe, et a chaque fois c'est la meme reponse. Qui plus est, la reponse est souvent donnee avec un mepris et un visage de porte de prison- meme les clients nous racontent, hilares, qu'ils ont paye ca. Nous sommes certains qu'il s'agit de faux prix : quand on le leur demande, en vietnamien, les tenanciers prennent toujours un bon moment pour reflechir avant de dire le prix, alors qu'ils vendent des cafes toute la journee. La Suisse, qui s'est deja faite arnaquer par le taxi qui l'a amenee dans le quartier (il a fait le tour d'un lac, soit 5 km au lieu de 1, pour faire tourner le compteur), additionne la pluie et le cafe, et a deja envie de repartir de Hanoi le plus vite possible. Nous-memes, creves et enerves, ne sommes pas non plus au comble de la joie.

Comble du comble, le seul cafe raisonnable que nous trouverons sera pris a la machine d'une superette (et contre toute attente, il etait tres bon). Tout le monde nous avait prevenus, mais nous sommes surpris par les Vietnamiens du Nord : ils font la gueule en permanence, ou au mieux restent toujours serieux, ils ne marchandent pas, ca leur semble tout a fait normal de nous arnaquer (au moins dans le Sud ca les faisait rire d'essayer), enfin bref des mentalites adorables.

Comme je l'ai dit, la pluie n'arrange rien.

Les receptions de l'ambassadeur
Nous quittons notre Suisse pour nous rendre a l'Ambassade de Chine. Vous vous rappelez surement de notre malchance a Singapour, question visa chinois. Nous avons donc mis tous les atouts de notre cote, en nous pointant a Hanoi plus tot que prevu, afin de se laisser de la marge pour reagir en cas de probleme, et en arrivant a l'ambassade des l'ouverture.

Ou plutot avant l'ouverture. Il faut patienter trois bons quarts d'heure sous la fine pluie, avant de rentrer. Il y a du monde, je lie conversation avec un Japonais au visage assez burlesque, qui vient la demander des visas a la place de riches hommes d'affaire nippons. Finalement, l'ambassade ouvre, nous remplissons les formulaires en accelere, je cours faire une photocopie de visa viet qui manquait, je reviens : Aglae et moi courons jusqu'a la guerite, donnons a une dame nos papiers dument remplis et nos passeports, et...

- Why are you in Vietnam ?
- Euh... For tourism, we are visiting !
- We only deliver visas to people working in Vietnam, or to Vietnamese people. Goodbye. Next ?

QUOI ? Nous refusons de partir, et demandons des explications. La fille joue la tactique habituelle (I don't know etc), et ne nous apprend qu'une seule chose : cette nouvelle regle a ete instauree trois semaines plus tot. Je savais, par le biais des forums, que cette regle idiote, visiblement destinee a empecher les voyageurs independants de rejoindre la Chine apres le Vietnam, avait ete instauree pendant les JO, puis retiree ; nous sommes petrifies d'apprendre qu'elle a ete instauree a nouveau, et sans raison apparente.

Nous restons en place - la fille a beau faire signe a d'autres personnes, nous ne bougeons pas. Nous ralons, menacons de ne pas bouger. La fille s'en fout, ne nous repond quasiment plus. Degoutes, nous finissons par partir, nos passeports encore a la main. Nous n'avons pas d'hotel, nous ne savons pas comment nous rejoindrons la Chine, nous n'aurons pas notre visa, il pleut, les gens autour de nous sont insupportables et notre visa vietnamien expire dans 6 jours...

CATASTROPHE !

Hue - cite imperiale et petite reine

2 - 3 mars

Tres motive par la merveilleuse journee de la veille, nous nous levons tot, avalons un delicieux cafe glace et enfourchons des velos de location. Destination : les tombeaux des empereurs vietnamiens, dissemines dans la campagne autour d'Hue. Le ciel est un peu menacant, mais nous pedalons joyeusement, aides par un petit arret viennoiseries.


Tombeaux et trombes d'eau

Nous traversons la banlieue de Hue, calme et etonamment parsemee de jolies maisons de style colonial, entourees de jardins luxuriants. La route monte, descend, remonte, redescend... Les maisons disparaissent et nous nous retrouvons dans une verdoyante campagne. Nous atteignons le premier tombeau: celui de l'empereur Tu Duc. Les cars de touristes etant plus rapides que deux cyclistes, le site, pourtant tres visite, est maintenant presque desert.

C'est un ensemble consitue de plusieurs tombeaux de pierre (de la famille de l'empereur), de temples de bois, de statues de lion, de mandarins ou de chevaux. Certaines parties ont ete bien restaurees, d'autres sont en ruines. Des dragons en mosaiques bleues (faites a partir de vaiselles en porcelaine brisee) veillent sur les lieux. Ces monuments sont sis dans un grand parc: hauts arbres d'essences multiples, grands bassins ou flottent quelques lotus et premieres fleurs printanieres. De ce lieu se degage une incroyable poesie. On ne peut y errer sans ressentir a la fois un sentiment d'harmonie et une violente nostalgie.

Les nuages gris qui nous menacaient finissent par crever : a pluie nous fait sortir de nos reveries et accelerer la fin de la visite. Nous repartons vaillament sous la pluie, mais elle ne dure pas. Nous commencons a secher quand nous atteignons un second tombeau, perdu au milieu d'une succession de champs. Le temple principal est en restauration, nous sommes donc seuls. Le reste du site est dans un etat de ruine avance, ce qui fait tout le charme du lieu. Sous la bruine, nous traversons un vieux pont, surplombant un bassin en forme de demi-lune, pour nous avancer vers le tombeau de l'empereur. C'est un monticule de terre recouvert d'arbres immenses et encercle par un mur de pierre, qui n'a qu'une grande porte qui reste toujours fermee. Ce tombeau vegetal, une foret luxuriante ceinte par la pierre, nous parait un choix vraiment merveilleux pour une derniere demeure.

Nous pedalons le long de la Riviere des Parfums quand la bruine se transforme en veritable deluge. Nous sommes rapidement trempes jusqu'aux os. Nous finissons par nous refugier dans une sorte de cabane-resto en taule le long de la route. Une dame nous cuisine un dejeuner simple mais tres bon, pendant que le reste de la famille nous devisage avec une certaine surprise, et que des voisins viennent - semble-t-il - specialement pour voir les etrangers detrempes .

Il pleut toujours, mais moins fort, et il faut bien repartir ! Le troisieme tombeau que nous visitons a ete massivement restaure ; les temples ont l'air un peu trop fraichement repeints a notre gout mais cela donne une bonne idee de ce a quoi ce lieu pouvait ressembler a l'epoque de sa construction.

Le retour vers Hue se fait sous un soleil timide, mais bienvenu apres toute cette pluie. Nous traversons la belle campagne avec grand plaisir. Nous nous arreterons brievement dans un lieu sacre tres etrange, l'autel du ciel : c'est juste une immense esplanade de pierre, carree, surmontee d'une esplanade circulaire au milieu d'une foret. Tres depouille! Brisant la serenite et la sacralite du lieu, un gardien tentera de nous faire croire que l'entree du site est payante!

Nous traversons ensuite toute la ville pour aller visiter la charmante pagode Thien Mu en haut d'une colline. Elle est tres elegante, il ne pleut plus et des moines sont en pleine ceremonie. Nos mollets fatiguent sur le retour...

Nous retournons diner chez notre restaurateur sourd-muet. Il nous accueille avec un grand sourire, mais nous manquons nous aussi de devenir sourds. En effet, un marmot de 3 ans sort soudain d'un carton qu'on croyait abandonne dans un coin, se saisit de baguettes en fer et se met a taper de toutes ses forces sur notre table... en fer. Nous tentons de l'arreter. Il se jette par terre et se met alors a hurler comme s'il souffrait le martyr. Sa maman emporte heureusement loin de nous le terrible gamin.

Le repas est toujours aussi bon, et au moment de payer l'addition, le restaurateur nous offre un decapsuleur avec un sourire dessus!

Sur les traces de la cite imperiale

Le lendemain, nous nous reveillons dans notre petite chambre humide (nous l'avions choisie en connaissance de cause mais avec la lessive qui seche, on s'attend a voir les murs suinter) et nous precipitons dehors. Il fait gris mais pas de pluie, hourra!

Nous traversons une nouvelle fois la Riviere des Parfums pour nous rendre dans la cite imperiale de la ville. Entouree de multiples remparts, elle a ete en grande partie detruite (saccage des Frncais, offensive du Tet par les Viet-Congs, bombardements americains... la totale !). Mais une tres belle porte et la salle des audiences ont ete tres bien restaurees: rouge et or, gracieuses colonnes laquees, decoration a la fois sobre et sophistiquee, bonzais fleuris... C'est tres impressionnant.


La Cite Pourpre interdite, ou vivait l'empereur, offre un curieux spectacle. De l'herbe rase parsemee de ruines de fondation, et soudain des batiments en construction aux couleurs criardes. Il a en effet ete decide de reconstruire certaines parties du palais a l'identique. Le contraste est assez derangeant, esperont que le temps patine la peinture!

Mais cachee dans un angle de la cite, nous trouvons un veritable tresor : la salle de lecture de l'Empereur, qui a miraculeusement echappe aux destructions successives. C'est un tout petit batiment un peu croulant, avec de merveilleuses sculptures aux coins de ses toits, des mosaiques bleues un peu passees et un merveilleux petit jardin. Pourvu que les Vietnamiens ne decident pas de le repeindre dans leur folie de la restauration a neuf!

Nous errons ensuite dans la citadelle a la recherche de divers temples. Certains sont restaures, mais beaucoup d'autres sont entoures d'herbes folles ; tous sont deserts. Nous nous sentons l'ame d'explorateurs et apprecions cette longue balade, meme si finalement il ne reste que peu de choses de l'immense cite imperiale.


Le boui-boui des collegiennes

Apres avoir erre a la recherche d'un petit resto, constate que celui recommande par notre guide avait une carte en vietnamien et une carte en anglais - avec des prix differents, nous atterrissons dans le boui-boui des collegiennes. C'est un petit restaurant aux couleurs pastel, garni de personnages Disney accroches partout et beaucoup de sucreries au menu. Nous dechiffrons la carte en vietnamien grace a notre guide (enfin a peu pres...). Charly mange des escargots pour un prix ridicule, je me regale aussi. La restauratrice nous dira en souriant "it's cheap!" et nous ne pourrons qu'acquiescer, reconnaissant d'avoir pu manger de la bonne cuisine toute simple sans avoir a negocier.

Heureux de si bien manger depuis le debut de notre sejour au Vietnam et d'avoir eu la chance de tomber sur des gens souriants et sympatiques (compensant largement les quelques rencontres desagreables), nous nous elancons vers la gare, ou nous attend notre trajet de 12h vers Hanoi. En route pour le Nord!

Le train des nuages - La journee de la chance

1er mars

Il est temps de quitter la charmante Hoi An pour continuer notre route vers le Nord. Sur le chemin se trouve le fameux col des nuages, "un paysage fabuleux" certifie par Bon-Pap'. Nous realisons a temps que les bus touristiques, moyen le plus simple et le moins cher de rejoindre Hue, la capitale imperiale, passent tous traitreusement par un tunnel pour gagner du temps et font ainsi manquer a leurs passagers cette merveille. Deja peu emballes a l'idee de se retrouver au milieu de touristes, dans un bus s'arretant devant les restaurants et guesthouses versant des commissions, nous decidons de prendre le train. Apparemment, le trajet Danang-Hue est le plus beau du Vietnam.

La chance pointe son nez...
Oui mais pour ca, il faut d'abord aller a la gare de Danang, et donc reprendre le bus local tendance escroc. Nous savons a quoi nous attendre et montons donc directement dans le bus, sans demander le prix des billets. Ce prix, obligatoirement peint sur le bus, a meme ete recouvert d'un maladroit bout de scotch jaune, mais on voit toujours: 10 000 dongs en transparance! A peine assis, un type nous saute dessus en disant "Yo, money, money!" d'un air autoritaire. Nous ne savons meme pas si c'est le vrai controleur et je lui demande donc de me montrer sa carte. Il me montre une carte ecrite en vietnamien, me voila bien avancee!

Je descends du bus et finit par trouver un guichet officiel, je me penche, c'est vide! Mais une pancarte au fond me confirme le tarif de 10 000 dongs pour Danang. Je remonte dans le bus et informe le type qui nous harcele (par mimes car il ne connait apparemment qu'un seul mot en anglais) que je paierai en meme temps que les autres passagers.

Le bus s'ebranle, son controleur continue a nous demander de l'argent. Au bout d'un moment, alors que les gens autour de nous lui paient leur trajet, Charly sort un billet de 20 000 dongs. Je lui tends, il refuse d'un air enerve en disant que c'est 40 000 dongs. Nous repondons que non, c'est 20 000 et l'ignorons. Nous faisons alors connaissance avec une charmante dame vietnamienne qui a un joli bebe de 3 mois sur les genoux. Elle parle un peu anglais, nous pose des questions et me demande si moi aussi je veux un bebe bientot !

Pendant ce temps-la, le type du bus revient a la charge : "YO MONEY". Patiemment et bien decidee a ne pas m'enerver, je lui precise sur un papier les tarifs officiels:
Moins de 7 km: 3000 dongs
Entre 7 et 25 km: 7000 dongs
Danang: 10 000 dongs

Il est un peu decontenance par ma connaissance aigue des tarifs, mais persiste. Je ressors le billet de 20 000 dongs, lui agite sous le nez en souriant et en repetant encore et encore: "Do you want it? No? Ok, I keep it!" Le tintement de mon bracelet (merci Adelinou!) accompagne gracieusement ce manege un peu lassant. Mais autour de nous, les gens du bus commencent a sourire et a se moquer du type borne. C'est alors qu'une petite voix surgit des trefonds du bus. C'est la dame au bebe qui me demande en anglais ou je vais et combien je veux payer. Je lui reponds et elle me dit gentiment que c'est le bon prix. Elle apostrophe le sale type en vietnamien et lui ordonne de cesser son harcelement. Et enfin, apres 45mn de trajet, il la ferme!

Cette intervention nous fait vraiment chaud au coeur, car d'habitude, les locaux observent le touriste se debattre sans jamais intervenir. La gentillesse de cette dame compense immediatement l'agacement ressenti face au controleur malhonnete. Nous sommes d'une humeur eclatante.

Nous avons fait le voyage avec une moto et un velo d'enfant dans le bus, puis a un arret, nous avons recupere les cartons d'un demenagement et meme du foin! Le controleur essaie de nous faire descendre des km avant la gare, mais heureusement, Charly suit notre trajet dans la ville de Danang, grace a la carte de notre guide. Nous sautons juste au bon endroit!

Train magique
Le temps d'avaler de la cuisine de rue savoureuse, et le train vert s'ebranle. Commence alors un des trajets les plus merveilleux depuis le debut de voyage. La ville de Danang disparait rapidement de l'horizon, et le train se met a longer la cote, entre la mer et les montagnes. Les vietnamiens de notre wagon semblent assez peu touches par le paysage et se mettent implacablement, un a un, a fermer les rideaux.

Je me precipite alors entre deux wagons et, sur la pointe des pieds, la tete penchee a travers une etroite fenetre, je peux savourer le spectacle qui s'offre a moi: d'un cote, la mer se brise avec fracas sur des rochers, puis vient doucement lecher de petites plages de sable immacule, desertes ; de l'autre cote, des montagnes couvertes de forets d'un vert profond s'elevent a pic et disparaissent dans les nuages. Les montagnes au sein desquelles se trouve le fameux col des nuages sont en effet celebres : elles marquent la limite entre Vietnam du Nord et Vietnam du Sud car tres souvent, du cote Sud il fait beau, et du cote Nord il pleut!

La mer scintille sous les rayons du soleil, mais les nuages y dessinent aussi de grandes ombres bleu roi. Ce contraste se retrouve dans les nuances de vert des flancs des montangnes, de plus en plus abrupts et rocheux. Les nuages blancs et gris s'ammoncelent sur les sommets. Des torrents devalent les pentes et passent sous la voie ferree; des hommes emitoufles agitent des drapeaux jaune et rouge au passage du train. Soudain, la pluie se met a balayer mon visage, me ramenant a la realite et a la douleur qui commence a emaner de mon cou.

Une eclaircie suit de peu l'averse, et j'amene Charly a la precieuse petite fenetre. Nous gardons tous les deux un souvenir emmerveille de cette premiere 1h30 de trajet. La deuxieme moitie rejoint la route, il n'y a plus de montagnes mais juste la mer, nous regagnons nos sieges.

La chance continue...

A notre arrivee a la gare de Hue, nous essayons d'appeler une guesthouse que les deux fameux Israeliens nous avaient recommandee a Hoi An. Mais nous realisons vite que tous les numeros de telephone que nous composons ne marchent pas. Nous avisons une vietnamienne a cote de nous, elle prend notre telephone, ecoute l'operatrice disant que le numero n'est pas attribue, nous demande la carte de la guesthouse et recompose le numero, avec un 3 entre l'indicatif regional et le numero. Elle nous sauve, car comment aurions-nous pu deviner?

A peine cette dame aimable a-t-elle disparue, qu'une seconde surgit: elle propose a Charly qui peine a acheter notre prochain billet de train de le faire a sa place. Pourquoi Charly est-il en difficulte? A cause de la barriere de la langue? Non, a cause de cette habitude toute vietnamienne (et chinoise) de ne pas faire la queue, mais plutot de s'agglutiner devant le guichet, de pousser tout le monde, de tendre des billets a la guichetiere par-dessus l'epaule de la personne pourtant devant, etc. La dame se jette dans la melee (alors qu'elle a deja ses propres billets), joue des coudes avec art, et revient avec les precieux billets. Charly a a peine le temps de la remercier qu'elle disparait, sans rien demander.

Nous appelons la guesthouse qui nous annonce qu'on vient nous chercher gratuitement a la gare en taxi alors que nous reservons la chambre la moins chere! L'accueil est tres chaleureux.

La chance nous submerge!

Nous partons en quete d'un diner quand nous nous rememorons un probleme persistant et douloureux: l'appareil photo ne marche pas, nous n'avons d'ailleurs aucune photo d'Hoi An. Nous tombons sur un premier magasin ou on nous dit de repasser le lendemain. Nous en tentons, a tout hasard, un second. Et la, c'est le miracle! Un jeune homme a l'air hyper-nerveux se saisit de notre appareil, parcourt le menu d'un air expert, se precipite sur son ordinateur, nous annonce qu'il y a un virus sur nos cartes memoires, se met a copier/coller/effacer dans tous les sens et nous rend notre appareil, qui marche parfaitement! Il disparait aussitot dans le fond du magasin, sans rien nous demander, d'autant qu'il ne connait pas un mot d'anglais.

Nous demandons a la patronne combien nous lui devons, elle semble etonnee, et nous demande 5 euros! Alors que nous nous trainions ce probleme depuis le Cambodge, en 20mn et pour une somme derisoire, l'appareil marche enfin! Nous bondissons litteralement de joie!

Nous ne sentons meme pas la pluie qui s'abat sur nous et traversons la Riviere des Parfums, pour s'eloigner du ghetto touristique. Nous arrivons alors dans un petit resto, ou un sourd muet nous fait signe que sa cuisine est "pouce en l'air". Trempes, nous nous precipitons a l'interieur. Un coup d'oeil sur la carte et nous nous apercevons que les prix sont deux fois moins eleves que partout. Et en plus, c'est un vrai delice! Nous roulons nous-memes de la viande finement grillee et des legumes frais dans du papier de riz, le tout agremente d'une savoureuse sauce cacahuetes. Des bananes frites recouvertes de chocolat couronnent le tout. Nous repartons l'estomac plein, les papilles enchantees, et faisons signe au restaurateur que nous reviendrons.

Nous rentrons sous la pluie, abasourdis: quelle journee!

Hoi An second jour - Brassens au Vietnam

28 fevrier
Nous nous reveillons bien disposes a mieux profiter de Hoi An, et a passer l'eponge sur ses cotes les plus touristico-irritants.

La visite de Hoi An est particulierement bien organisee : plutot que de donner un acces a tous les batiments anciens, ou bien de faire payer l'entree de chaque, le ticket d'entree permet de faire son choix parmi : une des trois maisons chinoises, un des quatre musees, un des trois temples, etc. La visite d'une vieille maison coloniale chinoise, avec un guide parlant francais siouplait, est assez delicieuse (passons sur le comique arret dans la boutique a l'arriere de la maison). La decoration a l'interieur est un savant melange d'art chinois, vietnamien et japonais. Le petit pont japonais, symbole de la ville, et les belles facades font de Hoi An un lieu vraiment charmant.

Nous passons aussi pas mal de temps a flaner dans ces rues sympathiques et a boire de la biere pression (oups faute de frappe, je voulais dire "manger des fiers poissons") en contemplant la riviere. Sympathique !

Au passage, je renvoie les amateurs au tres drole et tres bien ecrit message d'Etienne sur sa visite de Hoi An, il y a quelques annees.

Glisser dans la piscine
Le soir, nous avons le plaisir de rentrer dans notre nouvel hotel. Apres avoir choisi au hasard un bouge ou l'humidite trainait en volutes, nous decidons pour notre seconde nuit de demenager dans un hotel. Ce sont deux Israeliens, voisins de table le temps d'un dejeuner, qui nous l'ont conseille. Il s'agit de la meilleure affaire du monde : un hotel tres propre, aux chambres tres mignonnes, tout confort, avec internet gratuit et une piscine interieure.... pour 10 dollars. Non il ne manque pas un zero, c'est juste que les standards de l'hotellerie viet sont incroyablement hauts. Tourisme gigantesque oblige.

Vous avez dit touriste ?
Oui, le Vietnam, tourisme gigantesque. Nous n'avions pas mesure a quel point ce pays pouvait etre visite. J'etais persuade que la Thailande etait plus un nid a touristes que le Vietnam, mais au vu du nombre de voyageurs, j'avais tort. A Saigon, 5 rues entieres transformees en quartier occidental, car elles ne contiennent que des guesthouses et des bars. A Hanoi, des guesthouses partout. A Hoi An, dans la baie d'Along, a Hue, des centaines de groupes, des visites organisees, des bus en veux-tu en voila.

Pourquoi donc tant de monde ? Si le Vietnam est moins connue pour ses plages que la Thailande (a tort, parait-il), ce pays attire, par son histoire, un paquet de retraites : combien d'Americains, veterans ou fils de vets, combien de Francais, encore fascines par le parfum de l'Indochine, a-t-on croise, navigant par groupes dans les rues de Hoi An ? Impossible de savoir precisement.

J'avais dit que les bouibouis s'etaient adaptes a la presence des etrangers, par un systeme de doubles prix ; mais tous les dix metres on croise une agence de voyage, qui peut vous amener partout au Vietnam en bus, partout dans la region en tour organise, vous reserve des billets d'avion, de train, des taxis, des motos. Une concurrence incommensurable qui donne souvent le tournis.

Nous passons donc une heure a nous baigner dans la piscine de cet hotel pour voyageurs a petits budgets : sentiment etrange et delectable, l'impression d'etre un peu de trop !

Avalanche de nourriture et George B.
A cause notamment de nos maladies respectives, nous sommes un peu passes a cote de la grande cuisine du Cambodge et de la Thailande : nous nous sommes concentres sur des plats simples, de la cuisine de rue ou des restaurants de nourriture occidentale. Pas le temps, pas l'envie ou pas la motivation : en tout cas on le regrette deja un peu.

Nous avons donc pris la decision, a Hoi An, de ne pas nous laisser abattre : pas question, dans ce pays ou jusqu'ici l'on mange si bien, de ne pas reiterer les experiences indiennes (restaurant gastronomique de Noel) et nepalaises (restaurant du pere de l'amie de Razz). Nous decidons donc de nous orienter vers un etablissement de specialites locales de Hoi An, cense procurer des plats incroyables. Nous avons d'abord un peu de mal a croire que le Cafe des Amis conseille par notre guide est un restaurant de nourriture viet. Mais le patron est un vrai vietnamien, et nous enjoint a entrer, dans un francais quasi-parfait. Un menu ? ah non pas de menu, le menu est fixe, et on ne peut pas savoir a l'avance ce qu'on mangera !

Je suis un peu angoisse pour Aglae, qui a parfois des gouts culinaires... precis, mais elle prend son courage a deux mains, et dit "Entrons". La gigantesque photo de Georges Brassens, a l'entree, lui a peut-etre permis de sauter le pas. Qui sait.

Le patron du restaurant est tout simplement fou de la France, d'autant que vu son age, il a du vivre Indochinois avant d'etre Vietnamien. Nous entendrons donc pendant notre repas un CD entier de Brassens, puis un best-of de Brel. Voir des serveurs vietnamiens passer en chantant a tue-tete "le port d'Amsterdam" par-dessus la chanson, avec l'accent vietnamien, est une experience tout a fait memorable.

(bien entendu, le restaurant est rempli a ras-bord de fap, ie de Francais, aussi charmes que nous)

Charmes ? En effet, l'avalanche de nourriture (6 plats) qui se deverse sur notre table est bouleversante. Insolents raviolis de crevette parfumes, fins nems, poissons en sauce au sourire desarmant, nouilles ravissantes, soupes de poissons tumultueuses, seduisantes cremes caramel (specialite du Vietnam, sans rire), mysterieuses fritures et calamar rigolard. Aglae ne regrette pas son saut dans le vide ! D'autant que le patron la ressert en creme caramel, vraissemblablement au courant que ladite demoiselle se regale du sucre. Je reste vigilant face a cette tentative vicieuse pour charmer Aglae.

Nous rentrons a la maison plies en deux, tant nos ventres sont pleins et crient a la reddition. Le Vietnam nous ravit les yeux, et la langue.

Revons ensemble

Avant de continuer sur le Vietnam, je veux vous faire partager un moment de grace, ce commentaire laisse sur notre blog. Je ne sais pas qui est ce Lenaic, dont la naivete rivalise difficilement avec la pauvrete de la langue et la science du cliche, mais je VEUX devenir son ami. Cette absence de sens critique, c'est si beau...

Ce qui est etrange, c'est que ce message d'un parfait inconnu intervient sur un post qui a nos yeux ne donnait pas du tout une mauvaise image de Singapour (ville detestee par tant de voyageurs). Sur un message du temps de l'Inde, ou du Cambodge, j'aurais compris. La, j'ai du mal.

Enfin, un petit message perso pour toi, Lenaic : "moi aussi, je n'ai garde QUE des bons souvenirs de mon voyage au Japon. Visite un peu des pays moins riches que le Japon, ou les gens n'ont rien d'autre que toi pour survivre, et tu verras la difference."

Fin de la parenthese, mais sachez que maintenant, a chaque fois que quelqu'un nous enerve, je tente de me rappeler qu'un voyage c'est la decouverte de l'autre, et que ce ne sont QUE des bonnes experiences.

mardi 10 mars 2009

Hoi An, Day 1 - vestiges d'une ambiance

27 fevrier

Hoi An nous avait ete recommande par tout le monde - absolument tout le monde. Situee au centre du Vietnam, toute proche de Hue, plus connue, la ville d'Hoi An est une bourgade miraculeusement preservee des bombes qui ont ratisse toute la region pendant les deux guerres au Vietnam. Quand on y ajoute la haute reputation de la cuisine locale, on comprend que deux affames comme nous aient eu tres envie de la visiter.

De la tenue et de l'insistance

Pour aller de Danang, ou nous avait gentiment depose notre avion, jusqu'a Hoi An, il nous fallait d'abord prendre un bus. Nous rejoignons la gare routiere en taxi, un taxi dont le compteur affole nous fait emettre quelques suspicions - lorsque le chauffeur tente en plus de nous faire payer le parking de l'aeroport, nous refusons poliment. L'escroc repondra dignement : "les Francais, vous faites toujours des problemes !".

Nous savions qu'il fallait eviter a tout prix de prendre un bus local au Vietnam : tous les touristes se font avoir. Mais la, c'etait la seule solution. Nous tentons d'acheter un ticket a un comptoir, la seule solution regulee, mais c'est impossible : nous devrons payer DANS le bus, ou les controleurs ont la facheuse reputation d'inventer des prix pour nous. Armes d'une information capitale (le prix du ticket il y a deux ans : 8000 dongs, la monnaie locale, encore plus faible que le kip lao), nous allons voir la controleuse, une petite femme seche.

- Hello, how much is it ?

- (apres mure reflexion) 40 000 dongs for two!

Sauves par le dong

Une negociation absurde commence, ou tout du moins un embryon de negociation. La femme baisse vite a 30 000 dongs, mais reste inflexible. Motif : nous avons des bagages, ca prend de la place, donc on paiera plus cher. Nous insistons, tres vite la femme s'en fout. Le bus commence a partir doucement. Nous sommes demoralises : on ne laissera pas cette insupportable femme se foutre de nous ! Nous nous rapprochons a nouveau du bus, car nous n'avons vraiment pas envie d'en attendre un nouveau qui nous arnaquera tout autant. Et la c'est la revelation : en gros sur le cote du bus il y a marque : 10.000 dongs / luot, luot voulant dire "personne". Enfin nous avons notre legitimite : nous retournons vers la femme et lui annoncons notre ferme intention de payer 10.000. Elle refuse encore, montre nos sacs.

Nous connaissons depuis le Laos les habitudes des Asiatiques en matiere de bagages : si ma poule ou ma moto rentre dans le bus, c'est tant mieux. Et surtout, il n'y aura jamais de surtaxe.

Nous montons donc de force dans le bus, avec la chienne de garde qui pousse des cris. Nous rangeons nos sacs sous les sieges, ils ne prennent aucune place supplementaire. Nous payons 20.000. La femme demande plus, nous refusons, elle s'en va. Elle reviendra une bonne dizaine de fois nous redemander l'argent supplementaire, mais lorsque nous lui montrons une petite vieille qui voyage avec sa tele (veridique) et une bonne dizaine de paysans qui ont charge des sacs de riz, elle finit par se lasser. Ambiance ambiance...

Hoi An, tes degres supplementaires

Nous atteignons enfin la ville de Hoi An. En chemin vers le centre-ville, je tente ma premiere negociation en vietnamien, pour acheter une bouteille d'eau. Lorsque j'annonce le prix normal d'une bouteille d'eau au Vietnam a la vieille femme qui tient sa boutique, elle se met a miauler le prix en discontinu "muoi nghinnnnnnn, ohhhhh muoi nghiiinnnnnnnn", comme si elle venait de perdre son fils, puis finit par me la ceder. Trente metres plus loin, je fais demi-tour pour obtenir reparation : la vieille m'a refile une bouteille qui fuit, vaguement consolidee avec du scotch. Roublards roublards...

Nous avons eu beau mettre les voiles vers le Nord, a Hoi An il fait encore plus chaud qu'a Saigon. Pour ne pas changer, nous arrivons donc tout cuits a notre hotel, et entamerons apres un repos bien merite une visite express de la charmante Hoi An, nous laissant les principaux sites pour le lendemain. Vieilles maisons rouges, jaunes, le long d'une riviere, ambiance assoupie : c'est vraiment enchanteur. Un petit vieux francophone organise des visites dans sa maison : ancien prof de maths, c'est un phenomene qui parle vite et fort, court dans tous les sens, et nous procure une masse d'informations qui donne le tournis. Il concluera sa visite par une verite inebranlable: "Que ca soit sous le regime colonialiste, communiste, ou maintenant touristique, les maths, ca ne change pas!". Mais Hoi An, c'est surtout une ambiance : flaner dans les rues, visiter un marche local ou, au milieu des poissons, Aglae se trouvera quand meme un T-shirt vert d'un kitsch assume.

Quand les billets s'envolent

Alors que tout va bien depuis notre arrivee au Vietnam, bien mieux que dans tous les pays precedents (nous ne sommes pas malades, nous faisons des rencontres extraordinaires), nous tombe dessus une tuile. Assis dans un petit cafe tranquille (ah l'influence de la France, ah le bon cafe fort), Aglae et moi faisons nos comptes, car nous trouvons notre portefeuille bien vide. Au bout de tres longues reflexions ("attends, on a achete quoi deja la ? c'etait combien ?"), il faut se rendre a l'evidence : d'une maniere ou d'une autre, nous avons perdu le plus gros billet possible de la monnaie locale, ce qui represente quand meme un bon resto en France.

J'ai vraissemblablement confondu, a un moment donne ou a un autre, deux billets : il y a trop de zeros, et j'ai surement donne un billet de 500.000 au lieu d'un billet de 50.000. A ce moment-la, la personne a qui j'avais affaire n'a ecoute que sa malhonnetete, et a fait comme si de rien n'etait.

C'est une broutille mais nous sommes effondres : nous nous battons pour tout, les bus, les avions, les restos, afin de garder de quoi finir le voyage comme prevu, nous faisons attention a tout afin de pouvoir s'offrir quelques petits plaisirs (necessaires sur 6 mois), et cela ne suffit pas, puisque la malhonnetete d'un seul suffit a ruiner tous ces efforts.

Nombre d'entre vous auront d'ailleurs remarque que malgre nous, nous parlons souvent d'argent sur ce blog. C'est a notre corps defendant : voyager en independant est majoritairement une affaire de dollars. La ou un membre d'un voyage organise ne paie que ses souvenirs, puisqu'il a tout regle par avance, les routards comme nous mettent la main au porte-monnaie 50 fois par jour. Les restos, l'eau, les boissons, les transports, les musees : il y a tellement d'achats a faire qu'il est tout le temps necessaire de faire le bon achat, au vrai cout - et ce alors que les couts de la vie, differents a chaque nouveau pays, nous sont souvent inconnus au moment de notre arrivee sur le territoire.

L'argent est donc pour nous, mille fois plus qu'en France, une affaire de tous les instants : il met en jeu la continuation de notre voyage, bien sur, mais aussi une fierte qu'on pourra trouver deplacee, mais qui est un principe pour nous : il s'agit de ne pas se faire avoir partout, ne serait-ce que pour ne pas avoir l'impression de depenser en une journee ce que les gens sur place gagnent en trois mois - un fosse qui cree le genre de comportements dont on a pu parler, le Blanc finissant par etre vu comme un porte-monnaie sur pattes. Le quotidien de notre voyage est donc souvent une affaire d'argent : ai-je bien sur moi ma ceinture avec mes billets ? Aglae a-t-elle sa pochette avec les passeports et quelques dollars ? Combien me reste-t-il ? nous faudra-t-il changer ? retirer ? et combien ? Nous reste-t-il des Dollars, des kips, des bahts, des dongs ?

Ca ne nous fait pas pour autant rire : nous reverions de nous preoccuper un peu moins de ces histoires, et un peu plus de ce qui se passe autour de nous. Les moments comptabilite autour du dessert ou avant de se coucher ne font pas partie des moments les plus detendus et marrants du voyage. Mais de maniere generale, notre rigueur nous a ete extremement profitable, en temoignent les petits plaisirs que nous avons pu nous offrir a Noel en Inde, ou a Singapour !

Bouibouis de luxe

La deprime est un peu violente, mais elle est vite passee, car elle etait surtout symbolique : c'est la malhonnetete de notre escroc qui nous gene plus que la somme perdue. La deprime ne s'en va pas toutefois a la vitesse de la lumiere : en effet, alors que nous cherchons un restaurant de notre guide, nous nous perdons, puis finissons par echouer dans des bouibouis. Et la, surprise ! Ces restaurants pour Vietnamiens, peuples de Vietnamiens, sont tous pourvus d'une vieille carte en anglais, avec des prix... pour touristes ! Eh oui, quel bonheur de constater que dans ces petits trucs pas tres propres perdus au fond de rien du tout, les locaux les plus miserables viennent manger pour 2 fois plus cher que dans les restos touristiques du centre-ville !

Et alors que nous pensons tout de meme a commander, la patronne du restaurant nous annonce que ce sont des old prices et que les vrais sont plus hauts, mais que ca reste cheap. Elle nous assure qu'il s'agit des memes prix que pour les Viets, ce qui est evidemment louche vu que nous ne lui avons rien demande. Nous partons excedes, et finirons par manger de la bouillie de riz dans la rue, un peu saoules par tant de malhonnetete : le bouiboui etant le refuge habituel du routard, si nous en sommes chasses, que nous reste-t-il ? Manger avec les grabataires des tours organises ?

(surtout qu'on y mange generalement si bien, dans ces petits trucs sales.... c'est mon truc favori !)

Ho Chi Minh Ville - Une visite eclair

26 fevrier

Apres un long retour en bus vers Ho Chi Minh Ville, nous nous separons des deux cousins Linh et Cao. Les adieux sont emouvants et d'une concision etonnante. Nous notons tout de meme leurs adresses internet. Le bus nous depose devant notre guest-house, et le temps de decouvrir notre nouvelle chambre d'hotel (le ventilateur ne fait cette fois pas le bruit d'un Concorde au decollage), nous nous rendons compte que nous n'avons que quelques heures a peine devant nous pour decouvrir la ville de Saigon.


En effet le lendemain, notre avion decolle a 6h45 vers le centre du Vietnam, pas interet a se coucher tres tard! (ce qui a un peu vexe Linh et Cao, qui voulaient faire la nouba avec nous a Saigon)

Saigon est une ville tres agreable. Une fois qu'on ne voit plus les nuees de motos, et qu'on ne fait plus attention a la pollution, on s'apercoit que ces grandes arteres font un contrepoint aere a la chaleur moite, que les maisons sont charmantes, qu'il y a de nombreux parcs, notamment devant notre hotel, ou de petits vieux font leur footing et des moins vieux jouent a une espece de foot-badmington. Ce dernier sport est particulierement etrange mais fait fureur au Vietnam : il s'agit d'une variante du tennis-ballon deja en vogue en Thailande et au Laos, ou la balle de foot est remplacee par un gros volant de badmington. Sont fous ces Viets!


Langueur, douceur de vivre : tout comme dans le delta, partout ce ne sont que sourires et rires. Les Viets du Sud sont sans cesse en train de se poiler, de se sourire, de se lancer des vannes : a mille lieux de la froideur des visages de Hanoi. Et si certains tentent un peu de nous entuber, en general un peu de negociation montre qu'ils ont le sens de l'humour, et sont sans cesse pret a admettre qu'ils avaient peut-etre un peu abuse.


Nous egrenons en accelere les monuments de Saigon, sans les visiter bien sur vu qu'il est 5h de l'apres-midi (heure de fermeture) : Hotel de Ville, Grand Theatre, Ancienne Poste, Palais Presidentiel, etc. Tous ces batiments nous enchantent, et nous ressentons a peine le regret de n'etre pas reste plus longtemps sur place, vu qu'apres tout ils ne sont pas nombreux.

2000 bacteries

Nous mangeons le soir dans un curieux restaurant : Pho 2000 est une cantine celebre pour ses soupes Pho (soupes de nouilles au boeuf, specialite viet), mais aussi pour avoir accueilli le temps d'un repas l'illustre Bill Clinton. La devanture indique donc en lettres d'or : PHO 2000, Pho for the President ! A l'interieur du restaurant, une grande photo du Bill entoure des cuisiniers et des serveurs. En realite, ce qui devait etre a l'origine un vrai repere a viets est devenu une usine a touristes. Le bon gout de leur plat nous a cependant laisse un souvenir moins imperissable que les microbes qu'ils contenaient : nous nous sommes relayes toute la nuit dans les toilettes de notre chambre. On se demande encore si Bill et Hillary ont, comme nous, fait la course-relais toute la nuit, apres etre alles a "Pho 2000"....

Key Boxing

A propos de chambre d'hotel, une petite anecdote pour illustrer le cote decontracte et un peu sans-gene de nos amis les Viets. Alors que nous reintegrons notre chambre apres cette belle experience culinaire, Aglae sort de la salle de bains et claque la porte. Ce que nous ne savions pas, c'est que la serrure-bouton, systeme tres repandu en Asie et aux Etats-Unis, qui permet de bloquer la porte quand on est a l'interieur, etait ici extremement rouillee. La porte se retrouve donc bloquee !

Apres un petit moment d'incomprehension, c'est un peu la panique : nos trousses de toilettes sont a l'interieur, nous avons un avion tres tot le lendemain... s'ils font venir un serrurier, pourra-t-il liberer nos brosses a dents a temps ? Dit comme ca, je sais que c'est un peu drole, mais nous ne faisions pas les fiers - surtout qu'une heure avant, nous nous etions deja enfermes DANS la chambre, puisque la clef de la porte de la chambre ne fonctionnait pas bien non plus, et nous avions du appeler a l'aide jusqu'a ce qu'ils trouvent une autre cle. Decidement ils avaient un probleme avec les serrures dans cet hotel.


Apres avoir minablement essaye d'ouvrir la porte nous-memes (avec une vieille carte bleue, avec des epingles a nourrice), nous nous resignons a appeler quelqu'un de l'hotel. Je trouve dans les escaliers une espece de gringalet tendance mollusque, qui ne parle pas trop anglais, mais daigne me suivre jusqu'a la serrure. Immediatement il se precipite sur des cles a nous qui trainent (celles cruciales pour ouvrir les cadenas de nos sacs), et entreprend de les detruire methodiquement afin d'ouvrir la porte. Je l'arrete a temps, en lui expliquant l'importance de ces cles. Il s'excuse :

- Do you have a KKKnife ?


Nous nions ; il disparait, puis revient avec un couteau. Nous nous eloignons du mollusque, qui s'excite sur la serrure avec une certaine violence. Puis il s'eloigne, souleve un pied vers la porte, se tourne vers nous, le pied nu encore en l'air :

- Can I ?

- It's your hotel, man !

Et la, pieds nus, le jeune type se met a defoncer la poignee-bouton en fer. Nous sommes effares, mais le gars garde un calme olympien pendant qu'il defonce son hotel. En quelques coups de pieds, et un coup de poing, l'adepte du kick-boking a fait un gigantesque trou dans la porte. Il arrache les derniers lambeaux de metal, et parvient a ouvrir la porte, nous assurant que ce sera repare demain ! Nous nous assurons que le carnage serrurier ne sera pas a nos frais, le type s'exclame, quelque chose comme "mais bien sur que non", et disparait dans la nuit, la moitie de la porte a la main.

Nous mettons un bout de temps a nous endormir, tout de meme...

L'avion qui venait du froid

Le lendemain, on se jette dans un taxi, defonces de fatigue, puis on grimpe dans un avion dont la climatisation depasse les bornes les plus folles. Les passagers frigorifies se roulent dans des plaids et des couettes pour eviter l'hypothermie. De grands nuages de vapeur glacee rodent vers le plafond, et on s'attend presque a voir des stalactites aux commissures de nos levres. Les hotesses, probablement croisees avec des pingouins, ne semblent pas remarquer le rapport avec la Siberie, et continuent d'evoluer aussi legerement que d'habitude. Merci Jetstar. A l'arrivee, nous poussons un hurlement de soulagement devant la chaleur de Danang !

Accueillis a bras ouverts dans le delta du Mekong!

24 - 26 fevrier

Ho Chi Minh City / Saigon : pour la premiere fois depuis le debut de notre voyage, nous arrivons dans un nouveau pays de jour. Et ca change tout! Nous trouvons rapidement un bus pour aller de l'aeroport au centre-ville et pouvons chercher une guesthouse presque en toute tranquillite. Presque? Oui, car il y a evidemment une foule de rabatteurs qui essaient a tout prix de nous mettre des cartes d'hotel dans la main. La palme reviendra a une vieille dame reveche, qui nous declare ehontement que bien sur que non elle ne touche pas de commission! Elle est payee par le gouvernement! On passe notre chemin en souriant d'un air dubitatif, ce qui la met hors d'elle. Nous la reverrons plus tard, assise sur le pas de la porte de notre hotel. En nous voyant elle se met a cracher comme un chat enerve. Une vraie sorciere!


Ce qui caracterise HCMC est le nombre incroyable de motos qui y circulent. Des essaims de motos attendent en vombrissant aux feux rouges, puis se croisent dans le plus grand desordre, mais sans se toucher. Pour une voiture, il y a 50 motos, et on pourrait rester des heures immobile sur le trottoir, juste a contempler ce flot ininterrompu. Mais il faut bien traverser la rue ! C'est une experience un peu angoissante mais digne d'un jeu vidieo: il faut marcher lentement, a vitesse constante : chaque moto vous evite, de preference au dernier moment, mais elles ne s'arretent jamais. Et ca marche!


Who is Chouchou?
Quand j'etais petite, nous avions un charmant voisin vietnamien, surnomme pour d'obscures raisons "Chouchou". Il avait quitte le Vietnam a 20 ans, pour venir en France dans les troupes coloniales, et il etait reste. Il n'a pu retourner dans son pays et y retrouver les descendants de sa famille qu'aux debuts des annees 1990, a la reouverture du pays. Il s'y est depuis rendu plusieurs fois pour rendre visite a ses innombrables petits neveux et nieces. Par hasard, il se trouvait au Vietnam en meme temps que nous, un coup de chance qui s'est joue a quelques jours pres.


J'ai le numero d'une de ses petites nieces: Linh. Je l'appelle a tout hasard : elle m'apprend que Chouchou n'est pas a Saigon, mais me propose de nous retrouver le lendemain pour le dejeuner.


En route pour le delta, tant pis pour Saigon!

Le petit-dej est inclus dans le prix de la chambre. Nous nous attendons a deux tartines de pain sec. Eh bien non! De la delicieuse baguette, des toasts grilles, des oeufs et de la confiture maison nous attendent sur la table. La journee commence bien!

Apres avoir traverse un marche immense ou il etait difficile de se frayer un chemin entre les faux jeans Diesel et les vendeurs s'aggripant (litteralement) a vous pour tenter de vous arreter, nous apercevons une silhouette vetue de rose nous attendant sous l'absurde statue du premier vietnamien a avoir utiliser des pigeons voyageurs.

Linh nous salue brievement puis nous ordonne autoritairement de ne pas bouger, puis repart en courant. Soudain, elle emerge a moto du flot incessant de vehicules, accompagnee d'un de ses cousins, Cao, lui aussi a moto. Ils nous tendent un casque et nous montons derriere eux, ne sachant pas ou ils vont nous emmener. Nous nous retrouvons entoures de centaines de motos, l'impression est incroyable. Tout le monde grille les feux rouges mais inexplicablement, on se sent plutot en securite.

Autour d'un delicieux repas de specialites vietnamiennes qu'ils tiendront absolument a nous offrir, nous faisons connaissance avec les 2 cousins. Linh cherche du travail comme manucure et Cao fait des etudes de finances pour travailler dans une banque. Ils parlent tous les 2 plutot bien anglais, mais l'accent etrange de Cao qui nous complique un peu la tache ("dangery" pour "dangerous", "frel" pour "french" et pour "friend")...

Ils nous demandent alors si on desire voir Chouchou qui est dans leur famille, dans un village du delta du Mekong a 3 heures de Saigon. Nous repondons par l'affirmative et alors tout s'enchaine: retour en catastrophe a l'hotel pour attraper au vol une brosse a dent, y laisser nos gros sacs et reserver une chambre pour le lendemain soir, nouveau slalom a moto dans la ville, depos des 2 motos chez des amis, taxi jusqu'a une gare de minibus et nous voila en route pour l'extreme sud du Vietnam!

Tout au long du trajet, nous sommes assaillis par la gentillesse de nos guides improvises: est-ce que le minibus n'est pas trop inconfortable? Est-ce qu'on a faim? Est-ce qu'on a soif? ... Le paysage change et nous passons sur des ponts toutes les 5mn: l'eau est partout! Apres 3h30 de route nous prennons un ferry pour traverser le fleuve, d'une largeur incroyable et couvert d'embarcations diverses: freles petits bateaux, peniches, plateforme avec des grues pour draguer le fleuve...


A la descente du ferry nous attend le pere de Cao, qui est tres intimide et nous regarde a peine. Une fois habitue a notre presence, il affichera toujours un sourire bienveillant. Il nous conduit en voiture jusqu'a sa maison ou nous attend le but de cette equipee: Chouchou! Je suis tres heureuse de le voir au Vietnam, c'est "estraordinaire" et emouvant.

Nous avons a peine le temps de nous asseoir qu'on nous apporte deja du jus de noix de coco fraiche. Nous partons ensuite a moto vers la maison de la famille de Linh ou nous allons diner. Agreable trajet a la nuit tombante, ou nous croisons toutes sortes d'etudiants et d'etudiantes a velo.

Toutes les generations sont reunies pour ce repas de fete, depuis les enfants faisant du karaoke devant la television jusqu'a Chouchou, le doyen de la famille (et donc la personne la plus respectee par tous). Le diner est un enchantement culinaire: poissons tout juste peches dans le Mekong, legumes finement assaisonnes, rouleaux de printemps, fruits parfumes venus des vergers voisins et parfois inconnus (certains n'ont meme pas de traduction en francais). On nous donne les meilleurs morceaux, la seule mangue est juste pour nous... Les femmes de la famille ont du cuisiner toute la journee pour preparer tant de choses a manger (nous sommes une vingtaine et il y a a manger pour quarante). Je suis particulierement couverte d'attentions, car c'est moi qui est "de la famille (de coeur)" de Chouchou. Tout le monde me trouve belle, adorable, etc. Charly me confessera par la suite qu'il se sentait un peu pot de fleurs!

Nous sommes tres touches et enchantes par un tel accueil. C'est vraiment le reve pour commencer notre aventure au Vietnam !

Nous rentrons dans la maison de la famille de Cao pour y dormir: tout le monde se serre pour nous laisser une chambre, dans laquelle on nous installe rien de moins que 2 ventilateurs et un paquet de sucreries au cas ou on aurait faim la nuit!

Le lendemain matin, nous allons faire le marche avec la maman de Cao. Le petit-dejeuner est un nouveau delice: oeufs, baguette, delicieux porridge sucre au lait de coco et au mais. Heureusement que Linh et Cao parlent anglais et font la traduction au reste de la famille ! Nous repetons a tour de bras les deux mots de vietnamiens que nous avons apris: "delicieux" et "merci".

Une amie de la famille et de Chouchou vient nous rendre visite et nous invite a visiter son jardin. Il s'agit en fait d'un immense verger, traverse d'une multitude de canaux et couverts de pamplemoussiers. Les pamplemousses font d'ailleurs environ 5 fois la taille d'un pamplemousse francais ! Elle en ramasse, va demander des oranges a sa voisine et nous concocte le meilleur jus d'agrumes de tous les temps dans un vieux shaker en plastique. Elle veut absolument etre prise en photo avec nous au milieu de ses (magnifiques) fleurs et nous offre meme deux enormes pamplemousse en partant!

A notre retour, c'est deja l'heure de dejeuner (11h15) et le repas est a nouveau delicieux. Il n'y a pas mois de 3 sortes de poisson differentes! Ce fut d'ailleurs un serieux probleme pour enlever les aretes avec des baguettes. Heureusement, Chouchou me donne un coup de main; Charly s'en sort remarquablement bien et est felicite par la maitresse de maison ! Encore de la mangue (je n'en ai jamais mange d'aussi bonnes) pour le dessert, huuum.... !

Je dis au revoir a Chouchou, et nous repartons pour HCMC avec Cao et Linh, qui nous offrent a nouveau des noix de coco fraiches pendant le voyage (nous en avons ete abreuves pendant 2 jours, huum!).

3 jours a Singapour - Luxe, calme et proprete

20-24 fevrier

Nous nous reveillons en ce samedi matin a Singapour, propres et requinques - ou presque. Aglae n'est enfin plus du tout malade, et surtout nous sommes dans un grand appartement propre, avec acces internet et tout et tout.

Detail chinois
Petite desillusion : nous nous rendons tres vite compte que, etant le week-end, nous ne pouvons demander un visa chinois a Singapour avant lundi. Or nous partons mardi apres-midi. Lorsque nous nous rendrons a l'ambassade chinoise pour demander un visa express en 1 jour, nous apprendrons que cette demarche est desormais impossible, et que nous n'avons pas le temps d'en demander un "normal". Mesaventure un peu irritante, puisque cela veut dire qu'il nous faudra le demander a Hanoi, juste avant de rentrer en Chine, et que si nous ne l'avons pas la ce sera une catastrophe. Je rassure Aglae : pourquoi aurions-nous des problemes a Hanoi ? (affaire a suivre)

Premiers jours a Singapour
Nous partons nous promener a Orchard Road, l'equivalent des Champs-Elysees du coin : meme luxe, memes voitures, meme foule. Les centres commerciaux luxueux sont les uns sur les autres.
Nous nous prenons sur le coin de la figure une sacree pluie, qui sera la caracteristique de Singapour : il y fait beau a peu pres une fois par mois, et il y pleut a peu pres toutes les deux heures. Si la temperature est elle plutot haute, cette pluie plus ou moins ininterrompue n'aide pas les habitants a garder le sourire !

Encore plus qu'a Bangkok, nous sommes dans une ville europenne, ou plutot une ville americaine : proprete des rues, grands immeubles, centres commerciaux partout, avenues a 8 voies. Ici la voiture est toute-puissante, meme si l'Etat fait payer tres cher des permis de posseder une voiture, afin d'endiguer la pollution. Il est plus facile de traverser la rue en passant par les passages sous-terrains ou aeriens des centres commerciaux, qu'en cherchant des passages cloutes, assez rares. Les voitures vont d'ailleurs a des vitesses ahurissantes, et on ne compte plus le nombre d'expats pris dans des accidents alors qu'ils essayaient de traverser la rue.

Controle - fric
J'imagine que vous brulez tous de me poser des questions sur le legendaire controle totalitaire exerce a Singapour : oui, c'est vrai qu'on ne peut pas macher de chewing-gum (et encore moins en acheter) ; oui c'est vrai qu'on risque une amende de 100 euros si on traverse a moins de 50 metres d'un passage cloute ; oui c'est vrai que si vous mangez ou si vous buvez dans le metro, vous devez payer une amende de 250 euros (Aglae m'a d'ailleurs souvent arrete a temps). Si vous crachez ou si vous urinez dans la rue, je n'ose meme pas imaginer ce qu'il se passe, je pense que vous recevez des coups de fouet en public, quelque chose comme ca.

Des que vous remplissez les formulaires de douane, de toute facon, s'installe une ambiance particulierement joyeuse. Y est ecrite la phrase suivante, en caracteres d'un rouge vif : "la possession ou le trafic de drogue est passible de la peine de mort".

Cependant, mis a part ces panneaux et ces annonces grandiloquentes, nous n'avons pas non plus ressenti quoi que ce soit de vraiment oppressant. Il parait aussi que le controle s'est un peu detendu : il est maintenant permis aux couples de se tenir par la main, peu de policiers sillonnent les rues, on voit des jeunes trainer dans la rue et ecouter de la musique, il n'y a pas de couvre-feu. L'ambiance etait nettement plus oppressante a Kathmandou, ou il n'y avait pourtant pas autant d'interdictions, mais juste un couvre-feu, des coupures d'electricite et des militaires partout.

Le seul roi de Singapour, vous l'aurez devine, c'est le dollar singapourien. Si Patrick Sebastien a son plus grand cabaret du monde, les Asiatiques ont a Singapour le plus grand centre commercial du monde - je veux dire que Singapour n'est qu'un seul grand mall. Dans cette ile, 10 millions de personne ne font qu'une chose de leur temps : faire du shopping. Comme a Las Vegas ou tout se trouve dans des casinos, ici tout se trouve dans des centres commerciaux. Vous voulez manger ? Allez dans un mall. Vous voulez voir une fontaine spectaculaire et celebre ? Allez dans un mall. Vous voulez faire du karaoke, aller au cinema ou dans un bar ? Vous avez besoin de voir un docteur, d'acheter des medicaments, de faire reparer un appareil photo ? Mais allez dans un mall ! Les seuls sites qui n'etaient pas dans des malls etaient Little India, Chinatown et le Merlion. Et si vous etes fatigues des malls, il y a des marches partout, ce qui revient au meme, la climatisation en moins.

En parlant de climatisation, les Singapouriens ne sont pas plus doues que le reste du monde pour la regler. Adeline nous explique rapidement qu'il faut toujours se deplacer avec un parapluie et un pull-over dans son sac, afin de contrer les agressions de la pluie et de la clim. En effet, les Singapouriens semblent associer avec plaisir les mots "interieur" et "congelateur".

Ces congelateurs, les Singapouriens les aiment a la folie : on trouve assez peu de gens se deplacant dans la rue, mais si vous rentrez dans un mall (il y a en a un tous les cent metres), vous trouvez une foule dense et affairee, qui rentre et sort de centaines de magasins plus ou moins chics. Les malls sont donc les veritables rues de Singapour, et nombre d'entre eux sont decores comme s'ils etaient des rues (exactement comme a Vegas, oui). Nous retrouvons avec tristesse toutes les marques francaises de vetements : mais pourquoi sommes-nous alles si loin, au fait ?

Je n'ose imaginer les gardes-robes des Singapouriens, qui doivent s'acheter des vetements tous les deux jours. Je me demande s'ils se changent plusieurs fois par jour, d'ailleurs, histoire de mettre tous leurs vetements au moins une fois par an.

Mais a Singapour, il y a aussi...
Le nombre infini de mall, qui tous se ressemblent comme deux gouttes d'eau, a beau etre la caracteristique la plus frappante, la plus fascinante et la plus triste aussi, Singapour ce n'est pas que ca. Des le premier jour, au detour d'une rue qui serpentait entre trois malls, nous sommes tombes sur une petite rue de charme, ou se trouvaient les maisons peranakan, vieilles batisses d'une ethnie chinoise installee depuis des siecles a Singapour. Un petit parfum colonial, mais d'un colonialisme chinois, se degageait de ces charmantes constructions en bois, perdues au milieu des gratte-ciel.

Autre decouverte de charme : les jardins botaniques de Singapour sont parmi les plus beaux et luxuriants du monde, climat tropical et humide oblige. Quel plaisir de se promener au milieu d'arbres d'une hauteur delirante, en plein milieu de la ville, et d'enchainer sur le Jardin des Orchidees, qui en contenait une bonne centaine de varietes differentes ! Douceur de vivre et kitsch bien singapourien - il fallait voir les plus beaux endroits du jardin botanique, affuble d'une grande pancarte "PHOTO SPOT !" nous obligeant a prendre des photos - il fallait voir les mariages qui avaient lieu la.

Fontaines a gogo
S'il y a d'ailleurs quelque chose de vraiment drole, question kitsch, c'est l'obsession des Singapouriens pour les fontaines. Celles-ci sont generalement releguees dans les centres commerciaux. Jamais je n'avais vu autant de fontaines de ma vie, et chacune se doit d'etre follement originale. Entre la fontaine des perles, ou un mecanisme transformait l'eau en grosses perles qui semblaient tomber au ralenti, et le Merlion, lion-sirene symbole de Singapour, dont la laideur est tout bonnement insurpassable, nous ne savons ou donner de la tete.

Le pire du pire, ou le mieux du mieux, est bien evidemment la Fountain of Wealth. Sise au beau milieu d'un centre commercial, il faut bien dix minutes de marche au milieu des Zara et des H&M pour atteindre la plus grande fontaine du monde. La, sous une musique rock dechainee, des centaines de Singapouriens de toutes origines (Malais, Chinois, thais, Indiens) font la queue pour aller faire le tour de la fontaine pendant 6 secondes, et faire des voeux de prosperite. Une armee d'agents de securite veille a ce que tout soit fait dans le bon ordre, avec le sourire. Le tout, en beton, est absolument disgracieux, mais tres drole. Il parait qu'a certaines heures, on peut y faire envoyer par laser des messages d'amour. Nous sommes visiblement passes a la mauvaise heure... diantre.

Non mais Singapour c'est aussi...
Singapour aura aussi marque nos retrouvailles avec les Indiens. Comme je l'expliquais deja dans mon message sur les langues, une tres large communaute d'Indiens du Sud (les tamouls) est presente sur l'ile. Une bonne partie est constituee d'immigres sans aucun droits, exploites pour les travaux les plus penibles, que les Singapouriens ne veulent plus faire (construction, nettoyage, etc); une autre est constituee d'anciens marchants plutot prosperes. Quel plaisir de retrouver ces saris colores, ces moustaches, cette langue !

Cote proprete, le mystere demeure : comment les Indiens, si sales (je vous renvoie a tous nos recits d'Inde), arrivent a s'empecher de cracher et d'uriner partout a Singapour ? Le mystere devint encore plus epais lorsque nous visitames Little India, au centre de Singapour : les rues sont propres et nettes, les restaurants reluisants, et il n'y a aucun enfant mendiant ! Nous trouverons cependant une vieille peau a piercing qui nous poursuivra en reclamant de l'argent, petit rappel des moments les plus repugnants de l'Inde. A part ca, nous devons nous reprimer de prendre les Indiens dans nos bras, mouvement instinctif qui nous fait realiser a quel point, malgre les degouts et les fatigues, l'Inde nous a marques a jamais.

Nous nous jetons dans un restaurant de cuisine d'Inde du Sud. O les dosas croustillants, les epices, la creme, les oignons ! O les sucreries a mille calories la bouchee ! Quel plaisir !

Food court toujours
Culinairement parlant, Singapour est un petit paradis dont nous aurons a peine le temps de profiter. On peut en effet y gouter de la nourriture malaise, indienne, chinoise ou occidentale. Les locaux prennent tous leurs repas dans des food courts, qu'Adeline s'empressera de nous montrer, pour notre plus grand bonheur. Il s'agit de grandes esplanades, parfois a ciel ouvert, parfois dans des malls, ou, autour d'un grand nombre de tables, sont repartis des restaurants, chacun proposant ses specialites. Cela permet a tous ceux qui mangent ensemble de choisir la nourriture qui leur plait. Les serveurs et ceux qui nettoient les tables sont payes par l'ensemble des restaurants.

Si le concept existe en France (notamment au Louvre), il n'y est jamais aussi systematique et interessant qu'a Singapour. Il fallait me voir me delectant d'un poulet laque au soja, pendant qu'Adeline et Aglae prenaient des soupes completement differentes : tres convivial, vraiment.

Attends Singapour c'est aussi...
A part la visite comique d'un musee d'art moderne tres nul, Singapour a surtout ete l'occasion pour nous de boire des verres a repetition. Apres avoir bu des verres avec des collegues de l'ecole d'Adeline dans un bar trendy, nous avons reitere l'experience seuls, en allant boire un Singapour Sling dans le mythique bar de l'hotel Raffles. C'est en effet dans ce bar, pour les incultes, que ce cocktail celebre a ete invente. (la recette de ce cocktail si doux pour ceux que ca interesse).

Boire un "Sling" au Raffles est bien entendu l'etape obligatoire pour les touristes, mais elle a son charme : serveurs tires a 8 epingles, ventilateurs de style colonial, decor furieusement colon. Surtout, les cocktails etaient de-li-cieux, et chaque client a a sa disposition un enorme pot de cacahuetes, dont il peut jeter les epluchures... par terre ! Cet endroit un peu chic, d'ailleurs surtout peuple de gros Allemands a casquettes, voit donc son sol jonche de pelures de cahouettes : quel plaisir regressif, dans une ville si obsedee par la proprete !

Dernier verre chic : le soir avant notre depart, Adeline nous emmenera, surprise pour Aglae (anniversaire oblige), en haut d'une des plus grandes tours de Singapour : un bar "panoramique" permet en effet d'admirer la silhouette nocturne de la ville, en sirottant de delicieux cocktails. Magique, car au 70e etage, nous sommes encore assez bas pour vraiment apercevoir les contours de la ville. Nous sommes en plein milieu du CBD, le centre des affaires, et la vue est epoustouflante. Nous restons de longues minutes, avant que l'arrivee d'un contingent de jeunes expats BCBG nous pousse a prendre la poudre d'escampette.

(merci encore Adeline pour ce super plan, et ce souvenir magique !)

Adeline nous promenera d'ailleurs pas mal dans les rues de Chinatown, dans des temples hindous ou bouddhiques - nous irons meme la voir dans son ecole, situee dans un immeuble de 30 etages, au-dessus de la Bibliotheque Nationale de Singapour. Bref, Singapour fut charmant, et nous requinqua pour nous attaquer a un gros morceau : le Vietnam !

Quant aux adieux avec Adeline, ils furent dechirants, mais neanmoins marques par l'absence de nouveaux passeports perdus : ouf !

(pour un rappel des equipements du terminal "low-cost" de l'aeroport de Singapour, je vous renvoie au message suivant)