Si Rome est la ville des églises, Moscou la cité aux 2000 églises orthodoxes, Kyoto, ancienne cité impériale, est LE réservoir de temples shintos et bouddhiques. A tous les coins de rue, il semble y avoir un jardin zen à voir absolument, un sanctuaire shinto immanquable, etc. Difficile de faire son choix, à partir du moment où on ne peut pas passer deux semaines dans la ville. Qui plus est, les plus grandes "attractions" sont disséminées aux quatre coins de cette grande ville, qui hormis deux quartiers historiques, est d'une laideur et d'une banalité confondantes. Visiter Kyoto consiste donc à prendre sans arrêt des bus bondés de touristes japonais, des bus lents, toujours coincés dans les embouteillages, où on finit toujours par s'endormir.
Une fois ces obstacles passés, derrière la laideur de Kyoto on découvre aussi une ville plus simple que Tokyo. Tout, restaurants, rues, organisation urbaine, y est moins intimidant, moins compliqué, qu'à Tokyo. On aurait presque envie de vivre là, au milieu de ces rues impersonnelles et de ces bâtiments laids en béton. D'autant que les quartiers historiques, anciens quartiers des plaisirs du temps d'Edo, sont intimidants de beauté. Ruelles pleines de bars chics et discrets, voitures qui passent pleines de geishas (Kyoto est la dernière ville où il y en a beaucoup), cerisiers en fleurs partout, petits ruisseaux, lumières, toutes les femmes dans de délicats kimonos.
Les kimonos, d'ailleurs. De tout notre voyage, seules les Indiennes et les Japonaises semblaient avoir conservé leurs habits traditionnels. Dans tout le reste du monde, il semblerait que le jean, la chemise et la jupe soient passés par là, et aient forcé tout le monde à s'habiller comme des Occidentaux. Ce qui montre par contraste la puissance des cultures indiennes et japonaises, qui malgré l'influence des maîtres du monde européens ont réussi à conserver des modes de vie très particuliers.
Nous ne passerons qu'une seule nuit à Kyoto, la première. Nous sommes logés dans une auberge de jeunesse excentrée, un immeuble de 6 étages fin comme une aiguille (il occupait une surface de 10m2 maximum, la réception en faisait 2). Le patron, qui a l'air de gérer tout ça tout seul, nous prête son ordinateur lorsque nous voulons nous connecter à internet ; nous prendrons un thé le soir dans la cuisine commune, au milieu d'une famille hong-kongaise qui n'a pas l'air de toute première jeunesse - mais nous avons déjà remarqué qu'au Japon, les auberges de jeunesse ne logent qu'en partie des jeunes.
Poireaux et ours polaires
A notre grand malheur, tous les hôtels de Kyoto sont pleins depuis des mois, car nous sommes en ville pendant un week-end du Sakura (floraison des cerisiers). A moins de 500 euros la nuit par personne, point de salut. Nous sommes donc obligés, les autres soirs, de rentrer tous les soirs à Osaka, deuxième plus grosse ville du Japon, située à une grosse demi-heure de la gare de Kyoto.
Comme à Osaka il n'y à rien à voir, nous avons trouvé un gros business hotel à prix démesurément bas : des centaines de chambres individuelles sont alignées le long de couloirs glauques, il y a de grandes salles de bains aux éclairages livides, des douches peu accueillantes (mais un accès gratuit aux bains publics d'un hôtel de l'autre côté de la rue, ouvert à certaines heures pour les hommes, à d'autres pour les femmes). Ici vivent une petite armée de travailleurs japonais - certains y passent une nuit, d'autres un mois, tous semblent assez ahuris de la présence d'Occidentaux ici. Les patrons, quant à eux, nous ont accueillis avec une gentillesse rare, typique des Japonais.
Deux obstacles de taille nuiront cependant à la qualité de notre séjour dans cet hôtel un peu sinistre : le premier est l'odeur qui règne dans la chambre d'Aglaé, une odeur rapidement identifiée comme celle du poireau en décomposition, odeur qui flottera dans l'air à chaque fois que nous retournerons dans la chambre pour y récupérer quelques affaires. En effet, nous avons rapidement décidé de nous blottir tous deux dans ma chambre, dont l'odeur est plus neutre, et de laisser sécher notre lessive dans la Chambre aux Poireaux - d'où un léger fumet léguminé qui hantera certains de nos T-shirts pendant quelques jours.
Le second obstacle, impossible à contrer pour le coup, fut le froid. Nous étions déjà habitués à la température glaciale des cabinets de toilettes au Japon (jamais chauffés, à part la cuvette), mais nous n'étions pas préparés à la mode de cet hôtel, qui consistait à maintenir un froid polaire dans tout l'hôtel. Ainsi toutes les fenêtres étaient toujours grandes ouvertes, et ce malgré une température extérieure qui tenait encore de l'hiver : dans les salles de bains, dans les couloirs, et même dans les chambres à notre arrivée.Excusez moi j'ai le syndrome de tourette ecrit. Des minables chauffes-lits nous laissèrent croire qu'on pourrait lutter contre le froid ambiant, mais ils ne délivraient qu'une tiédeur moqueuse. Par esprit chevaleresque, j'ai donc tenté pendant trois nuits de fermer les fenêtres des couloirs et des salles de bains, qui rendaient toute sortie de la chambre carrément invivable. C'était sans compter sur la malignité d'une femme de ménage, dont la température corporelle devait être de 45°C, qui courait systématiquement ouvrir en grand les fenêtres que je venais de clore. Sont fous ces Japonais.
Tapas en el casa Osaka
Un dernier mot sur Osaka. Bien entendu, nous n'avons pas eu le temps de visiter la ville, qui promettait pourtant beaucoup, mais tout de même nettement moins que sa voisine Kyoto. Nous en avons pourtant exploré le quartier jeune et chic, bars et restaurants, lorsque nous avons retrouvé CB, LJ et VJ, trois amis à moi. CB étudie toute l'année à Osaka, quant à LJ et VJ, ils sont plus ou moins en voyages de noces. Nous retrouver entre amis de Paris, autour de tapas et grandes bières, fut un moment particulièrement hors du temps. Moults remarques sur les Japonais, nouvelles des amis français laissés derrière nous, récits de voyages...
A Osaka, nous avons aussi trouvé, un peu par hasard, un restaurant particulièrement charmant. Nous avions froid et faim, et la buée sur les vitres de ce minuscule restaurant nous a irrésistiblement attirés. C'était un restaurant de grillade, on choisit sa viande à une dame, on dit ce qu'on veut avec, et on peut la griller sur la grande plaque qui fait le tour de la pièce. Délicieux et modique, ce restaurant nous a permis d'observer les Japonais de la rue, les moins riches, ceux qui, débardeur sur le dos, avaient l'air de gros routiers. Personne ne semblait nous remarquer, tout le monde avait l'air d'être très heureux d'être là. Pendant un instant, nous n'étions plus des touristes, et presque des habitués. Bonheur.
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