vendredi 26 juin 2009

Votre mission si vous l'acceptez: atteindre Pékin


18 - 19 avril

16:08
Alors que nous examinons les tickets de bus avec plus d'attention, notre sang se glace dans nos veines. En-dessous du signe "heure" est indiqué 11:00. La veille, Charly a pensé prendre un bus-couchette partant à 11h du soir car il n'y avait plus de places pas chères dans le train de nuit. Mais les Chinois écrivent 23:00 pour 11h du soir...
Charly est atterré et furieux car il avait demandé à la guichetière un bus-couchette et qu'elle avait semblé comprendre. Je lui en veux de ne pas avoir vérifié le ticket comme nous le faisons minutieusement à chaque fois. Mais d'un autre côté, elle parlait bien anglais et tout semblait clair...
Catastrophés, nous sautons dans le premier bus pour la gare routière.

Mais le bus peine dans les embouteillages, il pleut : on craque. On se dit que si la SNCF ne rembourse plus une heure après le départ, pourquoi une obscure compagnie de bus chinois le ferait-elle ? Presque 50 euros de perdus, c'est beaucoup en Chine. C'est un gros trou dans notre budget en perspective et une raison de plus de s'énerver.

16:44
Quand nous arrivons enfin, nous nous précipitons sous la pluie battante et courons au guichet. Nous tentons d'expliquer notre situation à la guichetière, qui évidemment n'est pas la même que celle qui a vendu les tickets à Charly. Nous insistons patiemment, expliquons qu'il y a eu une incompréhension... Je suppose que mon air catastrophé nous aide un peu. Très gentiment, la guichetière nous propose de nous échanger notre billet pour partir le lendemain à 11h. Nous refusons en nous disant que tant pis, nous prendrons le train de ce soir en 1ere classe. Elle appelle alors la sous-chef qui nous emmène voir la grande chef : cette dernière autorise que l'intégralité du prix nous soit remboursé.

Nous sommes surpris et ravis d'une telle compréhension. C'est un des traits des Chinois : tellement malpolis mais au fond tellement gentils !

Il ne reste plus qu'à prendre un billet de train.

17:15
Nous ressortons sous la pluie. Déjà trempés par la visite de la Pagode de l'Oie sauvage, nous ressemblons à de vraies serpillères. Slalomant dans la foule, nous dénichons le guichet pour les étrangers et faisons la queue. Quand nous atteignons le guichet, le verdict tombe, implacable:

-C'est plein!
-Même en "couchettes molles"? (la 1ere classe par opposition aux "couchettes dures")
-Oui.
-Et en "sièges mous" ou "sièges durs"?
-Il ne reste rien. Rien du tout.

Hébétés, nous ressortons de la gare sous la pluie. Il semblerait que nous soyons forcés de passer une nuit de plus à Xi'An...

17:37
Nous retournons, honteux d'embêter encore la gentille gichetière, à la gare routière (heureusement en face de la gare ferroviaire). Nous refaisons la queue.
La malédiction continue : il n'y a en fait pas de bus le lendemain matin à 11h, puisque c'est un dimanche !

Nous sommes à cours d'idées, le désespoir guette.

18:00
Nous sommes de retour dans la cacophonie de la gare ferroviaire, trempés jusqu'aux os et le moral en dessous de zéro. Nous refaisons la queue au guichet pour les étrangers. Nous nous retrouvons face au même guichetier pressé. Nous demandons deux billets pour le train de nuit du lendemain, ou pour n'importe quel train allant à Pékin.

Tous les trains du lendemain sont pleins à craquer. Tous.

18:26
Nous sommes à nouveau sous la pluie, désespérés, à bout de nerfs.
Que faire? Nous n'allons pas rester éternellement à Xi'An où le temps est dégueulasse et où nous avons fait le tour des attractions touristiques!
Nous retournons dans la gare à la recherche d'une solution. Je nous vois déjà prendre un billet pour le surlendemain.

Et là, c'est le miracle.

18:34
Une femme a repéré notre air égaré et s'avance vers nous. Elle nous apostrophe: "Beijing?" Nous lui répondons: "Yes" d'un air perplexe. Elle sort alors de son porte-feuille deux tickets. Ils sont pour le train du soir même, en "couchette molle", soit la première classe.

Nous lui demandons le prix, nous attendons à une proposition astronomique. Elle nous propose un prix légèrment inférieur à celui indiqué sur les billets. Nous n'en croyons pas nos oreilles mais ne perdons pas non plus le Nord et négocions un rabais supplémentaire.

Nous acceptons la transaction avec une crainte. C'est trop beau pour être vrai! Et si c'étaient de faux billets? Nous sommes quand même au royaume de la contre-façon! La dame sent notre réticence et nous donne la carte de son agence de voyage en guise de bonne foi. Je me souviens avoir lu qu'il existait un marché noir des billets de train et me dis que ça devrait marcher.

18:45
Nous voilà à nouveau au pas de course sous la pluie : il nous faut rentrer à l'hôtel récupérer nos bagages et revenir avant le départ du train ! Nous attendons le bus au milieu d'une foule de mauvaise humeur. Quand il arrive, un mouvement de foule d'une grande violence se déchaine. Nous sommes séparés, compressés par des Chinois hostiles. Un monsieur avec un enfant dans ses bras manque de tomber et écume de rage. Une fois dans le bus, tout le monde tient sans problème... Nous fustigeons la stupidité des Chinois et regrettons la discipline des Japonais.

Nouvelle course sour la pluie pour récupérer nos gros sacs à l'auberge de jeunesse. Nouveau bus blindé sentant le chien mouillé pour retourner à la gare.

20:00
Nous sommes enfin dans le train, nos billets sont bien des vrais, les deux petits vieux Chinois partageant notre compartiment ont l'air placide, les couchettes sont plus moelleuses que d'habitude. Ouf!

Nous nous écroulons et essayons de sécher alors que le train s'ébranle.

22:00
Alors que nous songions à prendre un repos bien mérité, une Américaine passe la tête par la porte et nous propose une bière. Nous rejoignons son groupe dans le wagon voisin. Ce sont des profs américains de Boston visitant la Chine pour mieux connaître la culture de beaucoup de leurs élèves. Ils sont sympas et un peu émêchés, certains connaissent la France. L'un d'eux a même trouvé les Français agréables. Etonnés, je pousse un peu plus loin l'investigation et découvre qu'il n'a pas seulement visité Paris, mais aussi Lyon et aussi Annecy. Tout s'explique!

Le lendemain
04:30 (du matin)
Alors que nous dormons d'un sommeil paisible et bien mérité, je suis éveillé par une discussion en chinois. Non ce n'est pas possible, ce ne sont quand même pas nos voisins du dessous qui discutent à voix haute en pleine nuit? Et bien si! Leur air paisible nous a trompé sur leur vraie nature de Chinois bien malpolis.

Exaspérée, je lance un "shuuuttttt" retentissant. Rien n'y fait. Je recommence. Ils me tendent une chaussette que j'ai dû faire tomber par terre dans mon sommeil : ils ne comprennent vraimoent rien ! Je me penche de ma couchette et leur demande de se taire d'un ton énervé et mimant quelqu'un qui dort. Il s'arrêtent deux minutes et recommencent. Je commence à avoir des envies de meurtre.

Charly se réveille aussi. Il est presque aussi scandalisé que moi. A force de protestations de plus en plus fortes et du ton le plus désagréable possible, ils finiront par un peu baisser la voix, et nous par nous rendormir.

07:00
Nous arrivons dans une des nombreuses gares de Pékin. Nous pensons être gare de l'Ouest car Charly a reconnue le caractère chinois "Ouest" sur le billet de train. Ca tombe à pique car cette gare est sur la même ligne de métro que l'arrêt le plus proche de l'appart' de N. Mais qui est N?
C'est un ami de Sciences-Po apprenant le chinois à Pékin : il a super gentiment proposé de nous héberger.

Mais la loose nous poursuit: nous faisons trois fois le tour de l'immense gare toute en sous-sols sans pouvoir dénicher le métro. Nous demandons où est la ligne 13 et on nous répond qu'elle ne passe pas ici. Nous commençons à en avoir ras-le-bol.

07:30
Nous finissons par tomber sur une jeune chinoise du bureau de tourisme, ravie de pratiquer son anglais hésitant. Elle nous indique une direction. Nous marchons, marchons, marchons dans une immense avenue sans fin. Il fait gris, les sacs pèsent lourds sur nos épaules. Le premier contact avec Pékin est rude.

Nous finissons par trouver le métro après 15mn de marche. En voyant le nom de la station, nous réalisons que nous étions bien gare de l'Ouest mais que la station de métro que nous cherchions était celle de la gare du Nord-Ouest ! Nuance cruciale, car aucun métro ne passe à la gare de l'Ouest ! Il nous faut faire deux changements pour atteindre la bonne ligne : N habite en fait à l'autre bout de la ville par rapport à notre point d'arrivée.

09:00
Nous finissons par émerger du métro. Nous appelons N pour qu'il nous explique comment rejoindre sa maison. Mais c'est trop loin et trop compliqué. Il faut donc qu'il vienne nous chercher, je me sens mal de déjà le déranger.

Nous nous asseyons dans un lieu accueillant pour l'attendre: "Tous les jours" une boulangerie qui propose des croissants. Et en plus ils sont bons!

A la première bouchée, je sais que notre mission est accomplie. Nous avons atteint Pékin et malgré la fatigue, nous serons d'attaque pour découvrir la ville grâce à ces vrais croissants... et peut-être aussi une petite sieste...


Nous vous laissons admirer le magnifique style architectural de la gare...
Haaa le mélange béton-stalinien/kitsch-chinois!

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