29 avril
Malgré le train un peu pourri, nous dormons comme des loirs pendant les quelques heures de trajet qui séparent Pékin de Datong. Nous arrivons encore une fois aux alentours de 6h. A notre grande surprise, à la sortie de la gare nous attend un employé de CITC (l'Office de Tourisme Chinois, une société semi-privée qui prend aussi en charge la vente des billets de Transmongolien).
C'est un homme affable, parlant un anglais parfait, qui nous remet contre paiement nos chers billets de Transmongolien. Il essaie aussi de nous vendre une visite guidée des grottes bouddhiques de la ville ("non") et nous propose de mettre nos bagages dans un hôtel "partenaire" ("ah oui"). Nous le suivons donc jusqu'à un hôtel assez miteux de Datong, qui semble être une minuscule ville pas du tout moderne. Nous sommes bien contents de laisser nos bagages contre une somme modique.
Nous sommes dans une vraie ville chinoise, aussi il n'y a aucun endroit pour prendre un petit déjeuner décent. Nous trouvons une vague supérette, dans laquelle nous achetons des "milk tea" en poudre. Cela faisait un certain temps que nous hésitions à essayer ces préparations de thé au lait lyophilisé.
Nous en choisissons deux, un goût café, et l'autre goût chocolat (mais nous nous trompons de paquet, et le prenons goût pêche). Le problème, c'est que nous ne savions pas qu'en réalité, il s'agit de Bubble tea, c'est-à-dire de thé au lait avec des boules gélatineuses de tapioca. Le mélange est lourd et indigeste. Nous en réchappons difficilement.
Ville industrielle
Notre long trajet dans un bus local, depuis la ville de Datong jusqu'au complexe de grottes bouddhiques, nous permet d'apercevoir une ville en Chine. Bien évidemment, avec autant de produits Made in China, il faut bien les villes industrielles qui vont avec. Datong en est une. Dans le bus, que des visages burinés et des mains calleuses d'ouvriers illettrés chinois. La plupart sont trop épuisés ou trop abrutis par leur travail pour remarquer notre présence. Tous se rendent au travail, déjà fatigués de la journée qui les attend.
La ville de Datong semble être de couleur unie : tout y est fait de briques orange, type de paysage quasiment disparu aujourd'hui en France, à part peut-être dans le Nord ou dans les Ardennes.
Des grottes, des grottes et des grottes
Je me doute que la perspective d'aller visiter des "grottes bouddhiques" n'est pas forcément très glamour. Mais il y en a un paquet en Chine et nous n'en avions toujours pas vus. Il était hors de question, après tant de témoignages de la culture bouddhiste, de passer à côté de cette forme primitive de la religion.
En réalité, les grottes de Datong, qui datent du Ve siècle, ne sont pas à proprement parler des "grottes". Il s'agit plutôt de niches creusées dans une façade de pierre, côte à côté. Les plus grosses contiennent des statues gigantesques de Bouddha, un peu comme celles que les talibans avaient fait exploser en Afghanistan.
Les gigantesques Bouddhas de pierre, dont le visage émerge difficilement de la pénombre de leurs grottes, dégagent une mystérieuse beauté. Ils sont immenses sans pourtant être écrasants et posent sur l'humble touriste un regard bienveillant. On a l'impression qu'ils sont ici à méditer depuis une éternité.
Par ailleurs, la peinture sur beaucoup de bas-reliefs sculptés a miraculeusement tenu jusqu'à nos jours. Ce qui les rend plus vivantes, plus émouvantes que beaucoup de celles que nous avons jusqu'ici vues :
A noter aussi, une étrange et grande statue de Bouddha, qui ressemblait paraît-il au souverain de l'époque, lequel ne brillait sans doute pas par sa beauté :
Départ en Transmongolien
Une fois rentrés à Datong, dernier déjeuner dans un restaurant local, où les serveurs nous regardent pendant tout le repas avec de grands yeux ronds, rejoints par des clients policiers qui ne toucheront pas à leur assiette, hébétés par notre présence dans ce restaurant. Nous faisons un festin en utilisant la technique maintenant rodée du "donnez-moi ce qu'il y a dans l'assiette de ce client, monsieur".
Après une attente un peu mélancolique sur la grand-place devant la gare, tout en mangeant des glaces chinoises (valent une bouchée de pain, probablement faites à partir de lait Sanlü frelaté), nous nous décidons à récupérer nos bagages, et à prendre ce satané train direction la Mongolie.
Une fois dans la gare, surprise un peu flippante : notre train n'apparaît pas sur le panneau d'affichage ! Dans un coin de la gare, derrière une vitre, un policier chinois semble contrôler on-ne-sait-quoi. En l'absence d'un bureau de renseignements, Aglaé et moi, un peu stressés, montrons notre billet de train au monsieur, en demandant "Zai nali ?" ("où ?"). Il nous demande de faire le tour. Nous rentrons dans son bureau, il s'empare de nos billets, nous demande quelque chose.
Ah oui, nos passeports. Il s'en empare, et se plonge dans une lecture méditative, passionnée, légère, de nos précieux documents. Il semble faire une vérification, ou plutôt occuper son ennui. Les yeux d'Aglaé deviennent ronds : mais qu'est-ce qu'il fait ?
Nous lui répétons en choeur : "Zai Nali, zai nali ?", croyant qu'il n'a pas compris que notre train allait partir dans 5 minutes. Il ne nous écoute même pas. Nous paniquons littéralement. En choeur, en français : "mais qu'est-ce qu'il fout cet abruti de flic ?".
Heureusement, il ne parle ni anglais, ni français, ni rien. Finalement, un autre homme vient le rejoindre, et lit aussi le passeport. Sans échanger un mot, ils se lèvent, et nous font signe de les suivre. Ils croisent une dame de ménage, lui demandent quelque chose. Elle part en courant dans un sens. Les types assurent. Nous continuons à les suivre, jusqu'à une porte verrouillée par un cadenas, qu'ils ouvrent uniquement pour nous. Nous arrivons sur les quais et les suivons dans un sous-sol, jusqu'à aboutir à un autre quai. Ce dernier est vide, à part 7 ou 8 autres hommes en costume militaire (ou policier ?) (ou juste un costume du personnel de la gare ?), qui attendent, sans bouger un muscle.
Nous ne sommes pas sûrs de comprendre. Notre train va vraiment arriver là ? Nos guides nous demandent de rester à notre place et d'attendre. Au bout de quelques minutes, un magnifique train arrive. Une locomotive verte et rouge, surmontée d'une énorme étoile rouge, pénètre avec des craquements formidables dans l'enceinte de la gare. Accrochée à elle comme la traîne d'une étoile, un petit nombre de wagons d'un vert sombre, chacun portant en cyrillique et en chinois les indications "Pékin --> Oulan Bator". Le train s'arrête, nous montrons nos billets à l'homme qui sera notre chef de wagon jusqu'à Oulan Bator. Il nous fait signe de le suivre, et une minute après nous voilà partis.
Nous avons eu un cortège d'une douzaine de militaires (ou de policiers ?), en casquettes rondes et en costume, uniquement pour que nous, deux petits voyageurs français, puissions monter à bord du Transmongolien.
On appelle ça un départ en fanfare !
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