Nous sommes super motivés pour notre excursion de trois jours dans la steppe. Nous avons bien compris toutes les règles de circulation dans une yourte, les gestes à ne pas faire pour ne pas attirer le mauvais oeil et nous nous sommes appliqués à essayer de prononcer la langue mongole - ce qui n'est pas une mince affaire. Pour ces trois jours qui sont le seul tour organisé que nous nous permettons du voyage, nous avons mis beaucoup plus de sous que d'habitude.
A Ulan Bator, nous avons même été entraînés (de force) à supporter le manque de confort qui nous attend : par un soir glacial et alors que je prenais tranquillement une douche déjà juste tiède, tout à coup la lumière s'éteint. Alors que je suis couverte de la tête aux pieds de savon et de shampoing, l'eau devient instantanément glaciale. Je suis bien obligée de me rincer mais j'ai si froid et je tremble tellement que j'ai du mal à contrôler mes gestes. Charly, alerté par mes cris mais plongé dans l'obscurité complète, mettra un certain temps à venir me chercher avec une lampe de poche.
Nous nous sentons donc fin prêts et sommes très impatients !
Nous préparons nos sacs en veillant à prendre des Snickers et des Mars - pour palier à la nourriture mongole réputée pas très bonne- et à ne pas oublier nos sacs de couchages pour ne pas mourir de froid la nuit.
Nous partons à l'aube. Un peu endormis nous faisons l'expérience des taxis en Mongolie. En fait il n'y en a pas, chaque voiture qui passe est potentiellement un taxi qu'on peut héler. Une grande confiance règne et des gens en voiture en déposent d'autres contre une somme modique. Nous attendons deux secondes immobiles sur le trottoir de la grande rue de la ville et la première voiture qui arrive s'arrête. Le chauffeur n'a pas l'air d'un psychopathe. Nous lui montrons le lieu d'où part le bus (écrit en mongol) et lui proposons le prix que nous a conseillé l'agence. Il accepte.
Il conduit à toute vitesse et sa voiture est tellement vieille qu'on a l'impression qu'une roue ou une porte va se décrocher à chaque nid-de-poule. Nous arrivons heureusement sans problèmes devant une station-service qui sert aussi de gare routière. L'agence a pris les billets de bus pour nous, c'est plus simple que d'habitude!
Le bus sort rapidement d'Ulan-Bator. Il est rempli de Mongols étonnés de nous voir mais trop timides pour nous regarder avec insistance (ça change des Chinois!). La route est au début goudronnée, ce qui génère chez nous un espoir naïf. Espoir déçu au bout d'une vingtaine de kilomètres, quand la route se transforme en un tas de graviers laissant penser qu'il y a des travaux et qu'un jour elle continuera. En attendant ce jour heureux, les bus empruntent des pistes défoncées et presque invisibles dans la steppe, routes qui longent la route en travaux. Ca secoue dans tous les sens, le tout agrémenté de clip diffusés à la télévision. Le rap mongol, style "Ouais, gros, viens dans ma yourte!" nous fait bien rire. Par contre la pop mongole interprétée par des chanteuses au look de poufs russes nous saoule rapidement.
Par la fenêtre, c'est la steppe jaune-verte à perte de vue. Au pied des collines on voit de temps à autre des yourtes. On traverse même des espèces de villages avec maisons en bois le long de l'unique rue, style Far-West.
La pause-pipi est une familiarisation brutale avec l'impudeur mongole. Pourtant, après la Chine on pensait être blindés. Dans la steppe, il n'y a pas de buissons pour se cacher, soit. Mais les gens ne prennent même pas la peine de s'éloigner et s'accroupissent non loin du bus, vaguement cachés par leurs grands vêtements amples. Le pire, c'est que nul ne semble connaître l'existence du papier toilettes. Nous réévaluons alors l'hygiène des Chinois qui au moins en avaient toujours sur eux.
Après 6 heures de trajet, nous arrivons au lieu indiqué par l'agence, et sommes récupérés par un homme en jeep qui nous dépose dans notre première famille d'accueil. La voiture file à travers la steppe sur une piste parfois invisible. Nous sommes au milieu de nulle part et pourtant, nous finissons par déboucher sur deux yourtes jouxtant un enclos pour les animaux : c'est notre maison pour la nuit !
Nous faisons la connaissance de la famille: le père, la mère, leur fille et son mari, et leur plus jeune fils, qui va encore à l'école. Leurs deux autres fils font leurs études loin d'ici. Nous réussissons à articuler "bonjour!" en mongol et veillons à entrer dans la yourte dans le bon ordre, puis à aller vers la gauche et surtout pas vers la droite, à ne pas nous assoir dos à l'autel, à laisser Charly près du maître de maison, etc. Nous sommes un peu intimidés.
Au début, la famille fait beaucoup d'efforts. On nous offre le traditionnel thé au lait salé de bienvenue. Il faut absolument tout boire d'un trait avant de reposer sa tasse. Certains connaissent mon amour démesuré pour les laitages... mais je passe l'épreuve. Nous utilisons les quelques mots de mongol que nous savons, montrons des photos de nos familles. Ils nous montrent les leurs.
Le repas est à notre grande surprise bon : des pâtes sautées au mouton et aux légumes, cuisinées sur le grand foyer au centre de la yourte. La seule chose horrible ce sont les laitages : des "choses" ressemblent à des biscuits avec un trou au milieu mais s'avèrent être des fromages qui sèchent sur une ficelle accrochée aux poutres de la yourte, ou pire une espèce de bouillie mi-molle, mi-dure faite avec du lait et qui ressemble à du vomi. Heureusement, nous ne sommes pas obligés d'en manger ! Charles, comme d'habitude, semble s'en satisfaire.
A le repas, tout le monde disparaît très vite pour vaquer à ses occupations. Nous ne savons pas trop quoi faire, restons dans la yourte puis nous promenons un peu aux alentours. Finalement, le mari de la fille vient nous chercher afin que l'on fasse une promenade en chameau, comme prévu sur notre programme.
Les chameaux sont spectaculaires avec leur grosse fourrure. Ils sont en train de la perdre car l'été approche. Il faut s'accrocher car ça tangue beaucoup. Nous sommes contents comme des gamins !
Notre guide monte un tout petit cheval et sifflote, autour de nous les steppes se déroulent à l'infini. C'est magnifique ! Au bout d'un quart d'heure, nous arrivons à un point d'eau où sont rassemblés les animaux de la famille : une foule de moutons et de chèvres, mais aussi de jolis chevaux. Nous sommes au printemps et il y a beaucoup de bébés. Nous mettons pied à terre.
Après cette pause qui repose nos genoux endoloris, nous repartons. Il faut savoir que les Mongols montent chevaux et chameaux avec des étriers très courts, ce qui est très dur pour nos genoux non habitués. Nous regagnons notre campement au rythme chaloupé du pas des chameaux.
Je suis un peu étonnée car d'après le programme, nous devions aller jusqu'à un lieu de culte et la promenade devait être beaucoup plus longue. Charly, une fois descendu du chameau qui l'amusait beaucoup, commence à s'énerver. Toujours aucune trace du reste de la famille. Nous sommes posés là, près des yourtes avec l'impression de déranger. Le beau-fils nous fait signe que nous pouvons dormir si nous voulons ! Il est 16h.
Nous allons faire un grand tour pour nous changer les idées. La beauté du paysage me permet de garder ma bonne humeur, mais ça marche moins bien pour Charly. Nous finissons par nous assoir sur un rocher et par écrire. Nous sommes tristes que ça ne se passe pas comme nous l'imaginions.
Le soir tombe. Nous rentrons dans la yourte principale et faisons des dessins sur notre carnet pour pouvoir expliquer notre voyage à la famille qui nous accueille. Une chatte enceinte ronronne sur nos genoux. Nous nous disons que nous allons faire des efforts. C'est alors que la fille déboule avec des assiettes : c'est notre dîner que nous mangerons seuls. La famille mange dans l'autre yourte. Nous nous demandons si nous avons fait quelque chose qui les aurait vexé sans le vouloir. Mais non, nous avons bien respecté toutes les règles de politesse. D'ailleurs ils avaient l'air de s'en ficher.
La fille et son mari ne reviendront dans notre yourte que pour se coucher, sans un mot. Nous faisons de même, énervés pas leur indifférence pour des hôtes qu'ils ont acceptés d'accueillir afin d'obtenir un (très bon) revenu supplémentaire.
Nous nous endormons en espérant que demain, la deuxième famille s'occupera un peu de nous.
et le bébé chameau ?
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