[Les fins observateurs auront remarqué que les accents sont de retour sur les derniers messages : notre présence actuelle au Cambodge, oú les accents sont accessibles depuis les claviers, probablement à cause de la proximité géographique et culturelle du Vietnam, n'y est pas pour rien]
Namaste, sabaidee, johm rip sue !
S'il y a bien une chose qui ne semble guère intéresser Aglaé, et qui me fascine plus haut point dans ce voyage, c'est bien la linguistique.
Il m'aura fallu traverser la moitié de la Terre, une bonne partie de l'Inde et maintenant de l'Asie du sud-Est, pour réaliser à quel point les langues me passionnent. C'est d'ailleurs bien le seul sujet sur lequel mon enthousiasme ne semble pas atteindre Aglaé. On ne compte plus les moments où, attablés à une table pour manger, alors que nous attendons nos plats, je m'exclame à propos d'un trait étonnant de langage, d'une ressemblance entre deux langues, ne rencontrant face à moi qu'un visage interdit et un estomac affamé.
Aucun sarcasme là-dedans : c'est bien plutot moi dont la passion pour les langues apparait un peu ridicule.
Toujours est-il que, pour ceux que ces sujets intéressent, traverser aussi vite autant de pays donne un apercu passionnant des liaisons linguistiques entre les nations de la région, qui recouvrent systématiquement des relations culturelles.
L'Inde bien sur, est un sujet d'études sans fin, et le terreau favori des linguistes. En un mois, nous avons traversé 5 ou 6 langues officielles, dont chacune était dotée d'une écriture particulière, et chacune n'avait rien à voir avec la précédente. Sans parler de l'anglais qui faisait le liant, un anglais particulier, avec un accent... particulier. L'écriture des langues du Sud, notamment (tamoul, telougou...), ressemblait beaucoup plus aux écritures thaï ou khmers, voire au Coréen, qu'au sanskrit, écriture de l'Hindi et du Népalais.
Ecrit sur du vent
Pour finir sur les écritures, si j'ai eu peu d'informations sur les langues du Sud, le sanskrit est un alphabet dont la structure est la meme que l'hebreu, l'arabe et surtout les écritures d'Asie du Sud-Est (ces dernières en dérivent, ce me semble) : les voyelles s'ecrivent avant, apres, au-dessous, autour ou en-dessous des consonnes ! Un système un peu bordélique, de l'aveu meme de Razeena la Népalaise ou de Davy le Cambodgien, d'autant que les voyelles sont parfois de toutes petites annotations faciles à confondre. Je reste toutefois admiratif de la brillante idée du sanskrit : chaque mot est traversée de la fameuse barre qui donne un air si oriental, afin de le séparer des autres. Je trouve que ca donne une force aux mots par rapport aux autres.
A l'autre inverse, les sublimes et délicates écritures laos, khmers et thaïs présentent une difficulté notable : rien ne sépare les mots, qui sont tous écrits les uns collés aux autres ! Une phrase devient une longue suite de sons, et on doit en extraire les mots mentalement...
Tons et sons
Coté sonore, l'Inde, qui nous chahutait par ailleurs les oreilles à coups de klaxons, nous a enchanté les oreilles de voix toutes différentes. Les 18 langues officielles se mélangent plutot harmonieusement, et il est parfois impossible de savoir si l'interlocuteur s'exprime en anglais, en télougou ou en hindi, tant le célèbre accent indien mélange tout. Les langues du Sud ont cela de japonais qu'elles ressemblent, à qui ne les comprend pas, à une longue suite très rapide des memes trois sons : gou, lou, di, mélangés un peu au hasard. L'hindi était plus complexe, le népalais complétement protéiforme : les deux langues ressemblent parfois à du chinois, parfois à l'espagnol, à l'allemand... On y retrouve, pour des mots très simples, les fameuses racines indo-européennes : sept s'y dit sat, huit s'y dit aht, neuf noe et dix dos !
Il était très étonnant de voir d'ailleurs comment l'hindi, que les Indiens du Nord tentent d'imposer comme langue officielle unique du pays, influence, via Bollywood, tous les pays avoisinants : ainsi, Razeena nous expliquait que la quasi-totalité des Népalais savent parler hindi, sans jamais avoir pris de cours, tant ils sont tous gavés des films de Bombay !
Dès notre arrivée au Laos, plus rien à voir du tout. Vientiane se prononce en fait Wieng Chang, et notre rencontre avec le lao est l'occasion de notre premier contact avec ces gros salauds de TONS qui, on le sait déjà, vont pourrir toutes nos tentatives de communication avec les Chinois et les Vietnamiens.
Le lao, comme le thai, comporte en effet non pas 4 tons comme en mandarin, mais bien 6 tons (le pire étant le cantonais, qui en comporte 9 je crois) : grave, aigu, median, ascendant, grand ascendant et descendant... Contrairement aux croyances, nous pratiquons deja ces accents dans la langue francaise, mais plutot pour indiquer la fin d'une phrase, un point d'interrogation, une exclamation, un doute, etc. Sauf que là, il faut parfois indiquer 23 interrogations et 14 exclamations dans la meme phrase !
Autant vous dire tout de suite que cela a freiné les vélleités déjà faibles d'Aglaé de se faire comprendre en lao...
Des consonnes plein les poches
Et depuis notre arrivée au Cambodge, c'est encore pire : si les tons ont disparu, la prononciation khmère est tellement complexe qu'il est impossible de vraiment la transcrire, et qu'on est très rarement compris par les gens du coin : 33 consonnes et 24 diphtongues se combinent de facon toujours plus délirante. "Je m'appelle" se dira donc kh'nyom tch'muah, une succession de consonnes qui fait palir d'envie les Hollandais !
Mais pourtant, de petits efforts sont tout de suite récompensés : pouvoir demander les prix en lao ou en népalais, comprendre la réponse et marchander, toujours dans la langue, font partie des petites victoires personnelles du voyageur, mais surtout fait toujours naitre un petit sourire chez l'interlocuteur, et peut-etre l'idée qu'après tout, ces touristes font quand meme un geste.
Fin provisoire de ces réflexions idiotes et superficielles sur les langues.
Derniers plans, une invitation
Il y a 7 ans
reflexions idiotes et superficielles, j'espère que c'est une figure de style supposée déclenchée l'ire de tes lecteurs, vu que c'est sans doute ton poste le plus intéressant et le plus original hors du simple blog de touriste 'on prend la moto et on s'amuse comme des fous'...je rappelle que ce sont deux cervelles de premier ordre qui sont en vadrouille, pas monsieur et madame bidochon en quete de dépaysement...
RépondreSupprimernon mais...
PS: cela me sidère d'avoir été le seul à commenter ce post...bande de rustres !
RépondreSupprimerindeed, ce que tu racontes du flou linguistique doit être assez fou à vivre en un temps aussi rapproché.
RépondreSupprimermoi j'ai kiffé l'épisode moto personnellement, je vous imaginais trop bien !!! charly et aglaé à cheval sur un énorme éléphant, ça me rappelle la couverture de je ne sais plus quel tintin...
bon info inutile, anecdotique, mais c'est venu comme ça.
donc en somme,un post totalement inutile juste comme ça, pour le plaisir de dire qu'en vous lisant, on vous entend, see what i mean ?
bon, allez, chantal va aller se coucher, parce que "des fois chuis vraiment une truffe à dire des conneries plus grosses que moi, laver mes cheveux avec du détergent, non mais je rÊve, nan mais là je crois que je rÊve..."
(cf mirlaine shampoing)
allez, good night and good luck darlings, rendez vous à la prochaine aventure :)
Il y a erreur, les successions de consonnes ne feront pâlir aucun hollandais, mais plutôt les Polonais et, surtout, les Tchèques. Bon courage au Viêt Nam avec leurs 6 tons tous pareils (sauf pour les Vietnamiens).
RépondreSupprimer