Khajuraho - du sexe, des bombes et des trains (part 1)

Khajuraho... un nom qui fait rever bien des menageres solitaires en mal d'Inde. Coooomment vous ne connaissez pas ?

Regardez la, en cliquant sur ces mots. C'est un petit village qui contient des tres beaux temples, sur lesquels on peut trouver, si on regarde bien, de nombreuses sculptures erotiques d'une finesse rare. La preuve que c'est bon pour la culture, c'est au patrimoine mondial de l'UNESCO. Ah!
Forts de cette legitimite mondiale, nous nous sentions en confiance pour aborder cette etape compliquee. Oui compliquee parce qu'aucun train n'y va, car c'est vraiment un petit village, et que les bus sont TRES longs. Il nous a d'abord fallu faire une halte par Jhansi, petite ville sans interet autre que celui d'etre accessible en train depuis Agra.

Or, je vous avais laisse la derniere fois sur un cliffhanger comme on dit au cinema : on avait jete Clara dans son train, mais nous, nous n'avions pas de place reservee pour le notre, qui etait plein. Forts de nos experiences en wagons sans reservation, qui s'etaient plutot bien deroulees, nous nous jetons dans le premier train qui passe. C'est ca qui est genial avec le systeme de trains indiens : quoiqu'il arrive, vous pourrez toujours monter dans votre train, il ne sera jamais considere comme PLEIN. L'experience, de nuit, n'avait rien a voir du tout avec celle des trains non-couchettes. Elle etait tout simplement dantesque, et donnait surtout un nouveau sens au mot plein.

Imaginez-vous des bancs pour 3, sur lesquels il y a 6 personnes, plus un enfant. Imaginez-vous des paniers a bagages, au-dessus de vos tetes, dans lesquels dorment des vieillards. Imaginez-vous que vous frottez vos pieds par terre, pour decouvrir que sous les bancs, des enfants poussiereux essaient de dormir. Deux gentils hommes se sont pousses pour nous laisser un centimetre carre de siege, avant qu'un gros plein de soupe vienne poser ses enormes fesses presque sur un des genoux d'Aglae.

Epoustoufle par un concentre aussi intense d'humanite dormeuse, vous vous levez et essayez de rejoindre les toilettes. Bon, pour ca, il faut enjamber tout un tas de gens qui dorment assis, et des Sikhs qui mangent. Et puis, dans l'inter-wagon qui donne sur les toilettes, vous remarquez qu'il y a encore plein de gens qui dorment par terre, dont certains la tete contre la porte des WC (mais comment font-ils pour survivre a l'odeur acre de pipi?).

Notre trajet durait trois heures, donc c'etait surtout passionnant. Une nuit entiere est tout simplement impossible pour un occidental, mais la, les odeurs de bouffe, les trognes incroyables, la gentillesse de mon voisin qui bredouillait des mots d'anglais, les visages endormis, les gens qui nous fixaient en riant gentiment et en essayant de nous parler hindi (ou bien ils se foutaient de nous, allez savoir), tout concourrait a creer un sentiment d'humanite tres beau et tres enveloppant.

Outre le visage d'ange du voisin gentil d'Aglae qui n'arretait pas de dormir en souriant comme un Bouddha, nous retiendrons de ce voyage une scene assez edifiante. Bon, si j'ai bien decrit l'ambiance, vous vous imaginez que tout cela, outre que ca debordait de monde (et les vendeurs de the et de gateaux qui reussissaient a traverser tout ca...), ca debordait bien entendu des valises que tout ce petit monde charriait. Ca a d'ailleurs ete une horreur de caser nos gros sacs de voyageurs au long cours. Et pourtant, dans cette pagaille de sacs, on n'a jamais su comment, mais mon voisin anglophone a repere un petit sac rouge. Pourtant il ne payait pas de mine, ce petit sac rouge, mi-tissu, mi-plastique, avec ses chiffons qui le recouvraient, et son noeud fait a la va-vite.

Immediatement, mon voisin a montre le sac a la cantonnade, demandant a qui il appartenait. Personne ne repond. Et la, en cinq minutes, une tension incroyable s'est installe. Soixante visages se sont tournes vers le sac qui etait sous mes yeux, chacun murmurant, maugreant, speculant. Notre homme a fait le tour du wagon en le brandissant. Personne ne le reconnaissait.

Finalement, apres bien des hesitations, quelqu'un enleve le noeud, et fouille l'interieur. Ce ne sont que des biscuits. Mais tout le wagon voulait verifier, et des gens venaient de l'autre bout pour fouiller jusqu'au fond du sac. Finalement, il a fallu montrer l'enveloppe du sac pour que tout le monde soit rassure. Et immediatement nous avons compris que ce peuple indolent et bordelique etait en fait sature de l'angoisse de la Bombe, et qu'ils etaient tous extremement bien organises pour la contrer.

Mon voisin m'a ensuite explique que malgre le chaos apparent, tout le monde savait a qui appartenait quel sac.

Sont forts, ces Indiens.

Nous avons donc passe la nuit dans un petit hotel miteux, avant de repartir en bus direction les temples zerotiques.

La suite (c'est-a-dire le sexe) au prochain numero.