dimanche 19 avril 2009

NaxiLand

16 mars

Nous nous sommes beaucoup promenes dans Lijiang. Rarement j'ai vu une vieille ville aussi grande - en tout cas, impossible de l'explorer de maniere exhaustive. Il s'agissait surtout de se perdre dans le meandre de ses ruelles. Rien a voir avec le froid decoupage des rues de Dali : ici tout est tortueux, en montee ou en descente, bref ca ressemble plus a la conception europeenne ou arabe de la vieille ville.

Mis a part qu'il ne fait pas chaud, nous sommes envoutes par cette ambiance, digne d'un bon vieux film chinois de cape et d'epee : lanternes rouges suspendues, maisons en bois, petits vieux qui coupent du bois. Ici ce sont les hommes qui portent les bebes sur leur dos, et les femmes qui marchent fierement devant eux en bombant le torse.

Nous avons ainsi decouvert, un peu par hasard, un marche tres anime, completement abrite des armees de touristes qui battaient le pave a meme pas dix metres. Entre super mendiants et super mamies souriantes, l'ambiance est tres photogenique.Partout aussi nous voyons des panneaux, des murs, des boutiques, sur lesquels nous apprenons à reconnaître cette écriture si caractéristique, celle des hiéroglyphes naxis.

La kermesse des minorités

Le meilleur côté de Lijiang, nous le trouvons donc en se perdant dans les petites rues. Il faut y marcher de lanterne chinoise en porte en bois, le long de venelles aux murs gris, blanc et rouges. Parce que si on reste dans les grandes rues... Disons que l'atmosphère parc d'attractions prédomine. Nous rions comme jamais, puisque nous avons décider très vite d'en rire, plutôt que de pleurer le défunt rapport authentique des Chinois avec leur culture. La seule chose vraiment triste est que, comme à Dali, pas une maison des grandes rues n'a pas été investie par une boutique ou un restaurant.

Ainsi il faut raconter la place centrale de la vieille ville. Devant une longue lignee d'agences de voyages installées dans les maisons en bois, il y a des Naxis en costumes traditionnels flambant neuf (deja, un costume traditionnel flambant neuf... bon), qui font des rondes en dansant et en chantant, autour de groupes de touristes. C'est aussi spontane et authentique que les nouilles instantanees qu'on trouve ici partout. Plus loin, des gens paient pour poser en habits de Mandchous ou de Mongols, je ne sais pas : on leur donne un fusil en plastique, une toque en fourrure, on les pose sur un cheval (peut-etre lui aussi en plastique), et hop, photo!

Pendant que nous regardons ca avec des yeux ronds comme des lanternes chinoises, tout ce petit monde a l'air de trouver ca genial. Authentiquement, personne ne fait la tete, personne ne pleure, personne ne trouve ca ridicule. Tout le monde veut participer a cet elan vers les minorites, qui semblent n'etre plus que des facades de cultures. Les minorites chinoises n'existent plus que par les vetements, les danses et les chants : apres tout, qu'est besoin que leur culture existe vraiment, puisque le touriste ne verra que ca ?

Nous sommes donc partages : s'agit-il d'un bon moyen de sauver ces cultures (en decouvrant leur potentiel touristique, on evite qu'elles se fondent dans la societe chinoise Han), ou s'agit-il de les appauvrir sans le vouloir ? L'attitude chinoise a ce point est vraiment ambigue, puisqu'on est passe de la sinisation a tout va a une ere ou les minorites peuvent echapper a la politique de l'enfant unique, beneficier de quotas, etc. Les Chinois de la rue sont d'ailleurs tres fiers de cette "diversite", mais elle semble toujours diversite de facade... Nous ne savons encore qu'en penser.

La longue mer ondulante de toits

Nous decidons de nous extirper un peu de cette atmosphere factice en grimpant vers un temple pas du tout ancien, qui a ete pose au sommet d'une colline de la vieille ville. Apres une enieme tentative de dessert chinois (la vendeuse ambulante appelait ca un cheesecake, mon Dieu c'etait horrible), nous nous prenons un milk-shake dans un bar, a l'entree du temple qui surplombe la vieille ville. Le paysage est absolument extraordinaire.

Vue de haut, Lijiang cache ses tortueuses venelles toutes singulieres sous un epais tapis de toits identiques. Veritable mer a peine agitee, petites vaguelettes qui indiquent la fin d'un toit et le debut d'un autre. Une demeure plus chic emerge parfois - souvent d'anciens palais bourgeois, mais dans l'ensemble c'est une fascinante surface en tuile qui se deploie devant notre milk-shake.
Apres avoir bien savoure la vue, nous gravissons les marches jusqu'au temple, sans autre interet que d'offrir une vue encore plus panoramique sur la ville. Arrive en haut du 4e etage de la pagode principale, nous entendons un "hey you again?" evidemment a notre intention (nous n'avons croise aucun autre Europeen dans la ville). Ce sont les deux Hollandais avec qui nous avions passe une nuit en train lors du trajet Hue-Hanoi ! Deux semaines apres, les revoila, toujours aussi sympathiques. C'est l'occasion d'un debriefing commun : nous leur racontons nos deboires de visas, ils nous precisent qu'ils n'ont pas pu obtenir leur permis pour visiter le Tibet.

Nous discutons cinq minutes, et partons en pensant qu'a force de hasards, peut-etre les retrouverons-nous au Japon (ca ne sera pas le cas).

Balade en velo

La vieille ville bien exploree, nous en sortons pour une balade a velo. Il est certes tard, mais nous esperons pouvoir atteindre un petit village, ou il n'y a certes pas grand-chose a voir, mais nous avons envie de faire une petite balade en cette fin d'apres-midi. D'autant que la soupe de raviolis chinois, qui nous a coute un euro a deux (sans blague) dans un mini-restaurant, nous a donne des forces. Nous louons un velo sur la place Mao, reconnaissable a sa gigantesque statue du Grand Timonier, Petit Pere du peuple chinois. Puis nous essayons de sortir de la ville.

Car Lijiang n'est pas qu'une vieille ville. Au Nord s'est developpe une ville chinoise comme il y en a des milliers : un bon million d'habitants, ce qui fait d'elle l'equivalent d'une petite bourgade, des avenues immenses et larges, ou les voitures se partagent au moins deux voies. Impossible de savoir si l'on est a Kunming, Lijiang, Pekin ou Shanghai, a part au loin la gigantesque Montagne du Dragon de Jade qui semble deployer ses ailes minerales.

Sur le schema en papier que nous a distribue le monsieur de la place Mao, les distances semblent toutes egales. Pourtant, nous nous retrouvons rapidement a pedaler, pedaler, pedaler, sur une route droite qui semble infinie. Quelques bus nous depassent, des tracteurs, mais sinon nous sommes sur une plaine absolument desolee, vide, a la vegetation rare et fatiguee. Au loin, la Montagne du Dragon de Jade ne semble pas vouloir se rapprocher, mais surtout on se demande franchement si on est paume. Regulierement, des panneaux integralement inscrits en chinois semblent indiquer des directions que nous ne comprenons pas.

Nous finissons par depasser un supermarche de souvenirs. Non, je ne rigole pas, au milieu de nulle part, un supermarche de souvenirs. Il y en a un paquet dans la region, ce sont de gigantesques hangars ou les bus de tourismes deposent des centaines de touristes chinois consentants, pour se retrouver dans des supermarches de vieilleries, de cochonneries en faux-jade, en faux-ivoire et en faux-tissu. Nous n'entrons pas, un chauffeur de bus me renseignant aimablement sur la direction a prendre. Apres avoir encore pedale, nous obliquons pour traverser des champs a la terre retournee, demandons notre chemin a des idiots du village, traversons des villages ou nous sommes accueillis par de grands cris de joie, puis finissons par trouver le notre.

Petit oasis

Peu avant le village, nous demandons notre chemin a un miraculeux touriste blanc, a velo comme nous. C'est un Anglais qui nous fait une pub enthousiaste pour un petit cafe-restaurant du coin, ou on lui a donne du gateau gratuit (quoi ? un cafe dans ce village ? quoi ? quelque chose de gratuit en Chine ?). Nous rentrons dans le village, effectivement tres joli, et decidons de suivre le conseil du type. Bien nous en prend :

1) la gerante parle le meilleur anglais entendu en Chine,

2) elle nous offre effectivement un bon gateau (un bon gateau en Chine... ceux qui y sont alles comprendront le delire)

3) il y a des graines de tournesol a disposition

4) le cafe est ok

5) la gerante nous donne une carte assez precise (elle s'averera etre la plus precise possible) de la Randonnee du Saut du Tigre, une balade de deux jours que nous prevoyons de commencer le lendemain.

Une avalanche de gentillesse a peine croyable, dans un pays ou la gentillesse est toujours absente des rapports economiques. Elle est possible par des esprits desinteresses, c'est evident, mais des qu'il y a achat, il arrive souvent d'avoir affaire a des gens un peu frustes. Quant a la gratuite, c'est un concept absolument absentde la mentalite chinoise, a part cette exception. Autant ils n'hesitent pas a vous offrir des trucs s'ils ont decide de vous aider, mais sinon, il est IMPOSSIBLE de trouver quoi que ce soit de gratuit.

En effet, vous vous en rendrez compte en lisant nos futurs messages chinois, que ce soient les parcs, les ballades, les chemins, les toilettes, tout est toujours payant en Chine. Pas grand-chose, certes, mais il est frustrant de savoir qu'il y a toujours une atteinte minime a la liberte puisque tout est possiblement privatisable. Tres etrange, etant donne la generosite de certains chinois que nous avons croise. Il faut ainsi lire le Guide du Routard "Shanghai gratuit : absolument rien n'est gratuit dans cette ville".

Bref c'est un plaisir que ce cafe, d'autant que nous avions vraiment besoin de cette carte, et qu'on ne pouvait pas compter sur le gerant non-anglophone de notre hotel pour nous aider.

Cauchemar immobilier

On peut decemment se poser la question suivante : si toutes les maisons de la vieille ville de Lijiang ont ete transformees en hotel, en restaurant ou en boutiques, mais ou sont-ils partis vivre, tous les Naxis qui les ont construites, ces maisons ? La reponse nous est donnee a notre retour, qui passe par les faubourgs. Dans de grands immeubles au bon gout incertain (imitation beton, sur 7 etages, des petites maisons traditionnelles), alignes sans fin pendant des kilometres, les anciens habitants de Lijiang vivent une vie paisible. Ils louent leurs maisons en vieille ville a ceux qui travaillent dans le tourisme, ou bien y travaillent eux-memes, et preferent habiter ici, dans des maisons modernes tout-confort. Le probleme, evidemment bien sur, c'est que c'est moche et sans ame : le principe de tout amas de lotissements, me direz-vous...

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