Un peu decus de quitter cette confortable auberge de jeunesse, nous rempilons a nouveau nos sacs (ce n'est que la troisieme fois en trois jours). Notre but est de les deposer a la consigne de la gare de Tokyo : en effet nous voulons passer la nuit dans un love-hotel, et repartir le lendemain apres-midi en train pour Nikko. Et comme il est impensable de deposer des bagages a un love-hotel (vous comprendrez), la consigne semble la meilleure solution.
Nous finissons par tasser nos bagages dans des casiers un poil trop petit (merci Aglae et sa science toute feminine du rangement), et nous voila debarrasses de tout ca.
J'y etais deja passe lors de mon precedent sejour au Japon avec mon frere, mais je n'avais pas imagine une seule seconde ce que les jardins imperiaux, dans un coin du parc, pouvaient donner a cette saison-ci. C'est un deluge de fleurs roses et blanches. Il y a meme des varietes de cerisiers qui semblent comme des saules pleureurs blancs. Evidemment, toujours la meme armee de Japonais sous les cerisiers, appareil photo dernier cri a la main, qui mitraillent la moindre fleur de cerisiers. Tous poussent des "oh" et des "ah" sonores, typiques d'un peuple a la capacite d'emerveillement infinie.


Ils viennent, tout de cuir vetus, leur sono sous le bras. Ils branchent leur musique des 60s a fond, et se dehanchent pendant des heures, avec une energie furieuse. Ils n'ont pas vu le temps passer, n'ont pas voulu le voir, comment savoir, mais ils s'en foutent. L'essentiel est la, dans la danse, dans les vetements. Dans une societe pour qui le conformisme social est tres important, ces hommes et ces femmes, tres probablement M. Toutlemonde le reste de la semaine, deviennent des Heros chaque dimanche. Ils se dechainent, transpirent, chantent, arrachent leurs vestes trop chaudes, leurs T-shirt collants de sueur, et continuent a danser.
Je suis toujours aussi fascine par l'energie de ces gars, et decouvre avec plaisir le style incroyable des Rockabilly girls, aux ravissantes robes a pois.
Shinto d'interet
A peine deux cent metres plus loin, l'enceinte du sanctuaire Shinto le plus important de Tokyo, le Meiji-jingu. Entre des arbres gigantesques, un elegant temple de bois, ou nous tombons sur un mariage traditionnel shinto. C'est vraiment beau : une douzaine de pretres vetus de blanc encadrent les deux familles, reduites a leur plus simple essence (parents et grands-parents, peut-etre deux temoins). Au milieu, le mariee, vetu d'un kimono tres simple et tres elegant, marche a cote de la mariee. Celle-ci revet un splendide kimono blanc, et marche a l'ombre d'une grande ombrelle rouge vif.La procession marche tres lentement. De temps a autre, le pretre principal s'arrete, et semble discuter avec les maries. Tout ca est fait dans un silence quasi-absolu, a peine derange par le crepitement des appareils photos des touristes, aussi heureux que nous de voir un tel evenement pendant leur visite. Je suis encore sidere par le calme, la lenteur, l'assurance avec lesquels tout ca etait conduit ; le tout sous l'ombre des grands arbres, vert de leur feuille, brun du bois, crissement du gravier sous nos pas ; l'ensemble se traduit dorenavant dans ma memoire sous la meme forme qu'un reve mysterieux et silencieux, au parfum enfoui et un peu oublie.
Shinjuku
Nous partons ensuite a la decouverte de Shinjuku. Ce quartier est LE quartier qui correspond a l'image cliche de Tokyo, celle des soirees de Lost in translation : jeunes hysteriques, bruit, fureur, neons clignotants. C'est aussi le quartier chaud de Tokyo, mais chaud a la Japonaise : des tonnes de sex-shops et salons d'hotesses, mais les premiers sont roses bonbons et pas du tout glauques, les seconds font discuter des jeunes filles avec des businessmen ou de vieux messieurs riches. Et c'est tout.
Ce qui a tous les aspects de la vitrine de la prostitution n'est que cette vitrine meme : dans les salons d'hotes et d'hotesses au Japon, les jolies jeunes filles ne font QUE discuter avec les messieurs. Tres etrange. De toute maniere, impossible pour nous, qui ne parlons et ne lisons pas japonais, de comprendre ce qui se trame derriere les vitrines couvertes de photos de jeunes filles souriantes. Nous nous contentons d'errer dans les rues brillamment eclairees de Shinjuku : nous nous perdons et nous rions devant les rangees de Pachinko qu'on apercoit tous les dix metres.Pour ceux qui se demandent, le pachinko est une espece de flipper-machine a sou incomprehensible, specifique au Japon, et archi-populaire la-bas. Les Japonais se deplacent en masse pour se poser devant une machine, mettre des pieces et regarder des dizaines de billes tomber, sans rien faire. Absurde, et pourtant la plupart des Japonais y depensent des sommes folles. En mille ans d'observation je pense que je ne comprendrai pas les regles de ce jeu.
Nous dinons dans un restaurant a l'image du Japon : un petit cocon au sous-sol, tres chaud, tres intime, ou des cuisiniers souriants cuisinent de succulentes soupes devant vos yeux.
Tokyo tower ?
Lors de mon premier et dernier passage au Japon, j'avais visite avec mon frere la Tokyo Tower, copie orange et un peu moche de la Tour Eiffel. C'etait tres joli quoiqu'un peu cher. Cette fois, Aglae lit attentivement le guide, et decouvre qu'un immeuble gouvernemental propose un acces a une plate-forme d'observation au 80e etage. Et c'est encore ouvert! Nous nous y rendons, trop contents de pouvoir faire nos avares et de profiter de la vue sur Tokyo de nuit.L'immeuble en question a plus ou moins la forme d'une cathedrale (regardez le lien), car l'architecte etait fou de Notre-Dame... Nous comprenons pourquoi la plate-forme d'observation est gratuite : un restaurant, un piano-bar et des dizaines de boutiques tentent de faire leur beurre sur la bonne humeur des gens (bonne idee, d'ailleurs).
Nous collons nos visages aux vitres : la vue sur Tokyo est vraiment belle. Pas aussi impressionnante que la vue que nous avions pu avoir a Hong-Kong ou Singapour, car Tokyo est une ville horizontale et non verticale. Ce qui est impressionnant c'est le tapis de lumieres, dans toutes les directions, qui montre a quel point la megalopole est partout : on se croirait dans une ville infinie, sur une mer de maisons.
Je ne comprends pas ta phrase « impossible pour nous de comprendre ce qui se trame derriere les vitrines couvertes de photos de jeunes filles souriantes. »
RépondreSupprimerPourtant, dans ton dernier courriel, tu me disais que c'était moins cher qu'en France et de nettement meilleure qualité.