29 mars
Shibuya est l'autre "grand" quartier lumineux et hysterique de Tokyo. C'est ici notamment que se trouve une grande place qui, lorsque les feux passent au rouge, est litteralement envahie de pietons le temps du feu rouge, a toute heure de la journee.

La, un dimanche soir a 23h et quelques, c'est vide et triste. Les lumieres sont encore la, mais sont en train de s'eteindre. Plus aucun fetard. Je promets a Aglae qu'elle verra tout ca le lendemain, et nous partons en quete de notre love-hotel.
Un love-hotel, c'est quoi ? demanderont les moins jeunes et les plus innocents d'entre nos lecteurs. Eh bien le love-hotel, mes amis, est la reponse japonaise a la crise du logement dans les villes, et a sa consequence directe : les jeunes gens vivent chez leurs parents. Du coup, les amoureux ont du mal a vivre leur vie d'amants - quant a se payer une chambre d'hotel, ils n'en ont pas les moyens. Ont alors ouvert une grande quantite d'hotels tres discrets, ou on peut choisir la chambre de ses reves (les plus chers ont des chambres a theme, meme une qui propose une chambre decoree comme une rame de metro, parait-il), y passer une heure, deux heures, ou toute la nuit.
Bien evidemment, avec mon frere, nous n'avions pas pu tester ce type d'hebergement impossible a trouver ailleurs qu'au Japon. Pour ce sejour en compagnie d'Aglae, il etait impensable de passer a cote de cette opportunite delirante. D'autant que nous avions remarque que les love-hotels valaient moins cher que deux dortoirs en auberge de jeunesse.Nous nous mettons donc en quete de la Colline des Love Hotels, a Shibuya, ou se trouvent tous ces hebergements. Nous ne sommes pas tres a l'aise, nous attendant a un truc un peu glauque, mais nous croisons vite pas mal de couples un peu ivres, qui se tiennent la main, et rentrent dans les premiers hotels.
Tres vite, nous comprenons le potentiel comique du lieu : dans un espace relativement restreint, une quantite incroyable de mini-hotels se poussent du coude pour etre remarques. Il y a les batiments massifs, les petits mignons en forme de cathedrale, de chateau-fort, ceux qui representent des couples de chats se faisant des calins sur un toit. La plupart ont des noms francais, tels que Desir Hotel. D'autres ont des petites fontaines devant. Tous affichent leurs prix du jour, au rabais vu l'heure tardive.Nous faisons d'abord un tour decouvrir toutes les formes et les noms des love-hotels. Nous finissons par entrer dans un, puis un autre. La plupart des chambres sont prises, et nous sommes surpris de constater que la plupart du temps, les hotels proposent des chambres tres classiques, representant les gouts "exotiques" des Japonais : une chambre d'hotel occidental, avec lit normal, rideaux, etc. Ce que nous aurions tendance a trouver classique, voire un peu ringard.
Nous finissons par avoir un coup de coeur pour le White Palace, l'hotel aux petits chats sur la devanture. Les chambres sont a mourir de rire : ambiance retro, navigant un peu au hasard entre les annes 60 et 80 : miroirs biseautes, lampes violettes, stuc turquoise et meme une super Nintendo sans cables, en guise de decoration sous la television !Pour reserver la chambre, il faut d'abord, Japon oblige, passer par une machine, en gros choisir sa chambre d'apres photo. Muni d'un ticket, on va donc payer au guichet. Ce dernier est recouvert d'un volet, ce qui fait qu'on ne voit pas a qui on s'adresse, discretion oblige. On donne donc l'argent par un trou dans la vitre, et la on entend, Japon oblige encore, un long et fort "arigato gozai mas !!!!" (merci beaucoup) pousse par une mamie. Elle etait surement en train de sourire. Difficile d'empecher les Japonais d'etre des Japonais, meme quand ils veulent etre discrets.
Nous ne sommes pas vraiment renverses par le potentiel erotique du lieu, mais il faut l'avouer, cette chambre a du cachet ! Nous decouvrons avec emerveillement l'abondance de services offerts par l'hotel : profusion de serviettes, pyjamas, savons, cremes, mousses a raser, rasoirs, shampoings a gogo. Un lit gigantesque, television, lumieres a rheostats (ambiance tamisee garantie), et cerise sur le gateau petit jacuzzi. Le tout pour a peine 30 euros, ce qui meme en France n'est vraiment pas cher.
Nous nous attendions donc a du bizarre, mais le love-hotel est en fait un concept assez normal, classique, ni excitant ni vulgaire. C'est l'alternative kitsch aux hotels glauques croises dans les autres pays. Surmediatise chez nous, il n'est ici qu'un moyen pour permettre a deux personnes d'etre un peu tranquilles.
Nous avons passe une partie de la soiree a regarder la tele japonaise, toujours tres drole. Il y avait un tournoi de sumos sur une chaine, et des jeux televises stupides. Ca contrastait pas mal avec l'ambiance generale et le concept du love hotel... D'ailleurs on se demande serieusement quelle television asiatique est la plus navrante/drole : l'indienne avec ses films des annees 60 aux heros moustachus et amateurs de kung-fu, l'alternance films-d'epoque-en-carton-pate et films-propagande-revolutionnaire de la tele chinoise, ou la japonaise avec jeux-hysteriques et reconstitutions-historiques.
Nous avons adore regarder les sumos, il y a meme des Europeens qui viennent affronter des Japonais. C'est tres drole.
Bien entendu, vous avez passé la soirée à regarder la télévision. Que faire d'autre dans un tel lieu, après tout ?
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