mardi 28 avril 2009

Escalators, bebes et poulet a la creme

23 - 26 mars

Il ne nous est en effet rien arrive de fou a Hong-Kong. Nous etions loges chez des enfants d'amis de la maman d'Aglae, un couple de la trentaine, LM et PM. Ils avaient deux enfants en bas-age, Max la Menace (3 ans, la vitalite d'une tornade) et Louise (une poignee de mois, un regard a vous faire renoncer a une vasectomie), et s'en occuper relevait pour eux du grand defi - et ce malgre l'adjonction des forces de la nounou philippine, dont le nom philippin m'echappe a l'instant.

Au-dela de Hong-Kong meme, ville beaucoup plus propre et mesuree que les villes chinoises, aux habitants plus polis et souriants que la Chine, cette famille nous a fait litteralement changer de monde. C'est bien simple, pendant 5 jours nous avions un peu l'impression d'etre extraits de l'Asie, d'etre plus ou moins dans le grand Chinatown d'une ville francaise. En effet, PM, le pere de la famille, n'apprecie guere la nourriture chinoise, et n'aime rien moins que la cuisine francaise et le vin francais.

Avec L ils ont decide de nous redonner le gout du pays, et nous concoctent soir apres soir, matin apres matin (ah des croissants et du pain), les specialites dont nous avions oublie jusqu'au nom : poulet aux morilles, ratatouille, gateau au chocolat... Autant de choses qui a vous, lecteur, vous paraitront peut-etre classiques, mais qui a nos papilles gonflees de sauce soja apparaissaient comme la Danse des 7 Voiles de la fourchette et du couteau. Et d'ailleurs, depuis quand n'avions-nous pas tenu une fourchette et un couteau ?

Passons sur ces details gastronomiques, j'en pleurerais presque. Plus pratiquement, nos hotes habitaient en haut d'une colline de l'ile meme de HK, les Mid-Levels, desservie par les Mid-Levels Escalators, qui sont le plus long escalator du monde, escalator qui a transforme un quartier un peu difficile d'acces en lieu hype (rebaptise Soho, signe de hypitude). En realite, nous fumes un peu decus a la premiere montee, car les Mid-Levels Escalators ne sont pas 1 mais une douzaine de troncons : a chaque fois qu'on croise une rue, il faut marcher a nouveau jusqu'au prochain escalator. Ce n'est que bout a bout qu'on se rend compte que ca fait de longues minutes qu'on est sur le meme escalator !

Faineants ?

Je vous vois venir avec vos accusations acerbes comme une grippe porcine. Vous etiez a HK et vous n'avez pas fait grand-chose ? Eh bien en fait si, mais il ne s'agissait point de decouverte de la ville. A peine apres avoir passe la frontiere, nous nous tapions deja 4 changements de metro pour aller pointer a l'ambassade de Chine, afin d'avoir un second visa chinois (puisque nous comptions retourner en Chine apres notre sejour au Japon).

Puis ce fut le tour du visa russe (Aglae avait vu sur internet qu'il etait devenu impossible de l'obtenir en Chine ou au Japon, c'etait donc le dernier recours), precede de l'obtention par internet d'une invitation plus ou moins frauduleuse (payante bien evidemment, mais tout le monde fait ca), necessaire pour obtenir le visa. Ensuite, il fallut s'assurer d'un moyen de rejoindre ledit Japon : tous les billets d'avion sur internet depassaient les 500 euros (pour un aller pas tres loin... absurdite), car il n'existe pas de low-cost qui relie le Japon. Nous degotons une agence de voyage, situee au quarantieme etage d'un immeuble de bureaux (c'est toujours comme ca a Hong-Kong, il faut aller chercher les magasins a des endroits incroyables), qui nous obtient un aller-retour pour 250 euros (une offre possible avec un retour 3 jours apres)... Nous n'utiliserons jamais le retour bien entendu, on remercie au passage le sens de la logique commerciale des compagnies aeriennes.

Mais la paperasse n'etait pas finie ! Il fallut aussi acheter le JR Pass, sorte d'EuroRail du Japon, offre incroyable qui permet l'utilisation illimitee des trains et TGV au Japon (ou ca vaut tres tres tres tres cher), qui ne peut s'acheter que dans un pays tiers. Autre agence de voyage, donc.

Par ailleurs il fallait aussi s'assurer de la partie "mais comment quitter le Japon pas cher ?". Nous nous etions decide depuis le debut pour un ferry de Osaka jusqu'a Shanghai, notre premiere destination chinoise. Sauf que la veille de notre depart pour Tokyo, Aglae, en trainant sur le site de la compagnie de ferry, remarque une anomalie : le bateau opere une fois par semaine, toute l'annee, sauf une semaine, ou il est en reparations. Et devinez la seule semaine de l'annee ou il restait a quai?

LA NOTRE !

C'est donc la course, recherches effrenees sur internet, etc, jusqu'a trouver l'existence d'une obscure compagnie reliant l'obscur port japonais de Shimonoseki a la grande ville portuaire chinoise de Qingdao (mais si, la biere Tsingtao, vous connaissez, non ?). Site internet en japonais ou en chinois. Nous reussissons a comprendre les prix et a trouver l'adresse e-mail, ou un type semble comprendre l'anglais et nous confirme la reservation.

Enfin, last but not least, deux jours avant le depart, nous commencons a nous interroger : ne serait-ce pas une bonne idee de commencer a reserver des hotels au Japon ? Cette interrogation commence a poindre alors que des souvenirs d'hotels pleins, lors de mon premier voyage au Pays du Soleil Levant, me reviennent en memoire. Et la, comme nous le precise L, qui a habite au Japon, nous serons en plein Sakura, qui n'est pas une periode de vacances, mais presque. En effet, Sakura, c'est la floraison des fleurs de cerisiers. Pour les Japonais, c'est une institution. Cela veut dire que tous les week-ends, on va visiter des villes et faire des pique-nique sous des cerisiers. Or les Japonais reservent toujours bien en avance leurs voyage.

Comme nous nous en rendons vite compte en appelant les premiers hotels et en consultant les sites de reservation, TOUT est plein a Tokyo et Kyoto lors des week-ends. Nous passerons ainsi la derniere journee a HK a ne rien faire d'autre que passer des coups de fil, envoyer des mails, etc. In fine, nous aurons avant notre depart pour le Japon TOUT reserve, sauf 2 nuits particulieres que nous vous raconterons, ce qui releve un peu de l'exploit dans la plupart des cas.

Pendant ce temps, Hong-Kong nous attendait, et ne nous voyait pas venir...

Mais HK alors ?

N'exagerons rien, nous avons quand meme visite HK les premiers jours, et entre les demarches administratives les jours suivants. Hong-Kong nous apparait comme le compromis ideal entre Singapour et les villes chinoises : propre mais animee, policee mais vivante, moderne mais jolie. Impossible de se croire ailleurs qu'a HK : levez les yeux, les montagnes sont partout, et semblent a tout moment vouloir encercler, rattraper cette ville compacte.

Car a Hong-Kong, comme nous disaient hier deux Indiens qui y ont vecu, comme il manque de la place, on a prefere l'expansion par le haut. Partout, c'est donc une foret impenetrable de gigantesques barres d'immeubles. Chacun a ete peint en couleurs au moment de sa construction, couleurs qui, l'humidite incroyable de HK aidant, sont toujours un peu passees. D'ou une myriade de gratte-ciels pastels, un peu roses, un peu mauves. Ne rigolez pas, l'effet est saisissant, d'autant qu'ils ont tous cet air decrepit qui donne l'impression qu'on visite une ville moderne ancienne. Ou quelque chose comme ca.

Un air de brume

Element constitutif de HK, inseparables diront certains : le temps pourri. A part le premier jour ou il faisait environ 1500 degres, au point qu'on croyait avancer dans la vapeur, il a fait un temps pourri tous les jours. Pluie, bruine, brume, autant de variations plus ou moins froides de la couleur grise. Pour autant, Hong-Kong est une ville a qui le gris va bien. Sans blague, la brume s'accroche sans probleme a ses rues, ses immeubles un peu deglingues, ses grands centres d'affaires, comme l'armee des fantomes du royaume de l'argent.

En parlant de deglingue, une visite fut particulierement instructive, bien que rarement a mon avis dans les circuits organises : ce fut celle de la Chungking Mansion, mythique immeuble de logements bon marches. En fait, c'est une enorme barre, absolument pourrie, grise, sale, au milieu de la rue la plus commercante et animee de Hong Kong. L'entree principale est fourmillante d'Indiens : rapidement on se retrouve en Inde, au milieu d'un fourbi d'etals. Tous proposent pele-mele samosas, naans, jeans de contrefacon, appareils electronique pas chers (qui j'imagine ne doivent pas tenir longtemps). Une armee d'Indiens a l'air un peu louche nous proposent des guest-houses ou des habits sur mesure. A noter d'ailleurs que dans HK vous ne pouvez pas faire un metre sans qu'on vous propose des habits sur mesure.

Mais l'interet du truc c'est surtout de monter dans les etages. De glauques ascenseurs vous deposent dans des etages sombres ou, au-dessus de portes fermees a triple tour, cadenassees d'autant de chaines que Fort Knox, vous trouvez des petits panneaux tels que : Happy Guest House ou Disney Guest House, parfois doubles de panneaux disant : Allah est grand. En tout, il doit y avoir une quarantaine de guest-houses. C'est drole a force d'etre sinistre.

Deux semaines plus tard, j'ai croise dans une auberge de jeunesse a Shanghai un jeune Anglais. Il avait sejourne dans une des pensions de la Chungking Mansion, et n'avait pas tenu plus d'une nuit. Il m'a raconte son experience :

- En fait, il ne faut pas croire que ce sont des pensions pour les voyageurs, les backpackers a petit budget. Non, ce sont des endroits ou les travailleurs immigres, la plupart du temps illegaux, viennent pour dormir. Le soir, je me suis donc retrouve face a une dizaine d'Africains et d'Indiens qui me regardaient en silence, fixement, avec des yeux ronds. Je suis parti loger ailleurs, a la Mirador Mansions, dans le meme genre, qui etait legerement moins glauque.

Et pourtant, Mirador Mansion, rien que le nom...

Du haut de la banque

Hong Kong ne consiste pas uniquement en cet aspect un peu sale et decrepi, qui a mon avis ne tardera pas a disparaitre. La ville la plus riche de Chine peut aussi se targuer de certains des plus hauts, des plus elegants et des plus classieux des gratte-ciels. Passer de Kowloon (peninsule sur le continent chinois, partie du territoire de HK) a l'ile de Hong-Kong en Star Ferry fait partie des experiences les plus fortes de notre sejour sur place. Ce ferry, qui ne coute quasiment rien, offre une vue panoramique et stupefiante sur la mer de gratte-ciels qui vous entoure.

Autre super plan, celui donne par notre ami Nicolas, qui avait etudie un an a HK : l'immeuble de la Bank of China propose de monter gratuitement au 43e etage. Observation gratos, donc, en plein milieu du CBD, le quartier des affaires archi-moderne de HK. Vue splendide, evidemment.

Troisieme poste d'observation, cette fois-ci a mourir de rire : tous les soirs, 365 jours par an, la ville de Hong Kong se prete a un spectacle son et lumiere delirant. Ca s'appelle Symphony of Lights, et ca consiste a eclairer en rythme une vingtaine de gratte-ciels de Hong Kong. Lumieres roses, bleues, neons appuyant les contours des immeubles... Le tout sur une musique generalement ridicule, mais tres entrainante.

C'est difficile a narrer, mais il faut savoir que nous riions en permanence, mais pas un rire de moquerie. Plutot un rire naif, un rire d'enfant : apres tout est-ce vraiment une honte de reutiliser comme ca les immeubles, de faire que le spectacle s'accapare la ville ? On pense aux illuminations des fetes de la Lumiere a Lyon, au 14 juillet, mais jamais je n'ai vu une telle demesure (pensez bien, tous les gratteciels du front de mer), et surtout tous les jours. Dingue.

Il y avait bien evidemment un monde fou sur cette promenade, des milliers de gens qui tous prenaient des photos avec flash d'immeubles situes a deux kilometres. Il faut surtout voir et entendre le debut, ou une voix surexcitee annonce les participants au jeu : "et maintenant, l'immeuble HSBC ! L'immeuble de Citibank !" et immediatement l'immeuble en question qui redouble d'effets lumineux, comme un chien bien dresse.

Victoria what ?

Par modestie, il faut aussi narrer notre derniere tentative pour voir la ville de nuit (la ou elle est la plus belle, evidemment). L et P nous tannaient pour que nous allions voir le Peak, qui n'etait certes pas loin de chez eux (ils habitaient sur le flanc du Peak). Une plate-forme d'observation y est notamment installee pour admirer la ville se deroulant a ses pieds. Sur le papier ca avait l'air genial, et recommande par tous.

Le dernier soir, apres diner, apres cette journee infernale a chercher des hotels au Japon, nous nous decidons a y faire un tour. Apres tout, le funiculaire ferme assez tard, nous avons bien une heure devant nous. Nous sautons dans un taxi, et lui annoncons "Victoria Peak". Il comprend "Victoria Park", ou quelque chose comme ca, et apres un bon moment dans la mauvaise direction, je lui fait part de mes inquietudes. Il ira jusqu'a appeler un ami parlant mieux anglais que lui pour comprendre notre destination. Vraiment sympa.

Mais au fur et a mesure que nous montons reellement vers Victoria Peak, un doute terrible nous etreint : oui il a fait moche toute la journee ; c'est vrai que maintenant qu'on y pense, il y avait l'air d'avoir de sacres gros paquets de brumes en haut des plus grands gratte-ciels les derniers jours ; mon Dieu serait-ce de la brume autour du taxi?

Nous arrivons en haut du Peak, et c'est l'echec absolu. Nous deambulons d'abord dans un centre commercial abandonne (tous les magasins sont fermes), avant de trouver - peut-etre- une plate-forme de vague observation. Un mur de brume blanc et froid glisse imperturbablement devant nous. Je suis meme oblige de sortir ma boussolle pour savoir dans quelle direction est la fameuse ville etincelante. Des qu'Aglae s'eloigne de moi de plus de 10m, elle devient une ombre dans la brume, comme dans le film Les Autres. La descente en funiculaire sera encore plus decevante. Honte.

Bilan Hong-Kongais

Nous partirons donc de Hong-Kong un peu sur notre faim : nous avons decouvert une ville magnifique, qui nous plaisait beaucoup ; par contre nous en avons peu profite, a cause de nos demarches d'organisation, et aussi a cause du temps. Mille promenades et escapades vers les iles autour de HK sont possibles quand il fait beau : nous n'en avons fait aucune.

Mais lorsque nous partons du continent chinois, nous savons que nous voulons revenir explorer cette cite, a une saison un peu plus propice (et avec plus d'argent car... Hong Kong est une ville un peu ruineuse). Et surtout, nous partons de Chine avec quelques precieux atouts pour la suite de notre voyage : nous aurons l'esprit libre pour les 10 jours a passer au Japon (et 10 jours c'est peu), nous avons enfin notre visa russe, tant redoute, et notre second visa chinois, sans lequel nous aurions ete oblige de dire adieu a Shanghai, la Cite Interdite de Pekin, les Guerriers en terre cuite de Xi'an et la Grande Muraille.

C'eut ete dommage, non ?

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