mardi 24 mars 2009

Pains de sucre, naturisme et bateaux vides - Ha Long

7 mars

Visiter le Vietnam sans passer par la Baie d'Along (en réalité Ha Long), c'est un peu comme ne pas jeter un coup d'oeil à la Tour Eiffel en passant par Paris, ou saluer le Manneken Pis en traversant Bruxelles. Pour certains, c'est même comme manger la croute du fromage sans toucher au coeur fondant - ou l'inverse. Bref ça ne se fait point.

La Baie d'Along kezako ? Plus d'infos ici, pour les nains cultes. En gros ce sont de petites et grosses îles dites "pains de sucre", plantées en plein dans le mer, certaines comportant de grandes grottes, etc.

Nous nous réjouissions donc d'y aller, avec raison. Nous étions prévenus que vu la froideur de la saison, il allait être impossible de pratiquer certaines des activités phares de cet endroit : se baigner, faire du kayak entre les grottes calcaires, zoner sur les plages de certaines des plus grosses îles... Nous avons donc décidé de faire l'impasse sur les tours organisés, qui tous comportaient ce genre d'activités, pas très marrantes quand l'eau avoisine les 5 degrés.

Nous faisons donc comme d'habitude, en optant pour la solution compliquée et galère, pour une fois pas uniquement motivés par des questions de budget. Réveil ultra-tôt. Nous nous infligeons d'abord de longues heures de mini-bus jusqu'à Ha Long City, qui n'est pas la porte à côté. Puis nous nous retrouvons sur le bord d'une quasi-autoroute, avec au loin, à notre droite, la forme de la ville d'Ha Long. Marche infernale à maudire les chauffeurs de mini-bus : nous marchons si longtemps que nous finissons par craquer pour une place à l'arrière d'une moto.

Le type nous demande un prix qui nous paraît correct... sauf qu'en réalité le point d'arrivée était à 50m !!! Nous devons nous offusquer, sans que le gars comprenne un millimètre de ce qu'on raconte. Heureusement une femme qui passe par là nous fait la traduction : nous jetons un petit billet à la tête du gars, comme le 1/20 donné par le prof pour féliciter ceux qui ont au moins mis leur nom sur la feuille.

I have a boat (X1000)
Nous sommes à côté du port d'Ha Long. Une bonne centaine de cars de tourisme stationne devant - et nous sommes en saison creuse. Notre but est, comme tout le monde, de faire un tour de bateau dans la baie. Nous partons à la recherche du Guichet Officiel de vente, installé il y a quelques années, afin de limiter les arnaques (vous savez, vous, instinctivement, combien coûte une croisière en bateau au Vietnam ?). C'est un peu compliqué de le trouver, mais il y a surtout un type, puis deux, puis trois, qui nous suivent en émettant un bourdonnement continu :

- Hello, man, I have a boat, this is here, I have a boat, I tell you, good price, I have a boat, I tell you, 70 000 dongs, I have a boat, buy your tickets for the park, and take my boat!

Ce qui peut paraître marrant sur le papier dépasse les pires harcèlements indiens. Nous essayons juste de décrypter un panneau de prix, et de comprendre la différence entre le droit d'entrée dans le parc, et la location d'un bateau. Mais c'est impossible, un peu quand comme vous essayez de compter et que quelqu'un vous dit d'autres chiffres. Rapidement un des deux gars disparaît, comprenant que nous n'avons rien à faire de ses offres, mais l'autre reste.

- I have a boat, I have a boat.
- Please, let us read.
- Okay okay, but first let me tell you, I have a boat, good price, 3 hours.
- PLEASE, be silent, we just want to read.
- Okay okay, I know, but I have a boat.
- PLEEEEEEAAAASE, ONE MINUTE, SHUT UP ONE MINUTE ! One MINUTE IN YOUR LIFE ! STOP

- Yeah I know, but let me tell you first...

Nous essayons toutes nos forces de garder notre calme, mais c'est impossible, le type est trop fort : il VEUT des baffes. D'un coup je me souviens de la solution "dignité-fierté" employée au Népal pour disperser les chauffeurs de taxi, et je deviens très méprisant :

- Okay, man, let me tell you. If you speak again, I will never, never take your boat !
- Okay, but let me tell you first...
- STOP, this is it, I WILL-NEVER-TAKE-YOUR-CRAPPY-BOAT. NEVER ! Finished, this is your fault.

Le type s'arrête. Pour la première fois il a un peu écouté ce que j'ai dit. Il s'exclame avec un air de mépris :
- This is good. I would never have let you come in my boat.

Je suis au bord d'éclater de rire - il avait quand même l'air d'avoir sacrément envie que je le prenne, son bateau, il y a deux minutes. Le type se barre, vexé, et nous sommes enfin en silence. Nous abordons la femme du bureau devant nous qui, silencieuse et calme, attendait qu'on vienne la voir : soulagement intense. Nous prenons un ticket vraiment quasi-gratuit, sommes guidés par une vieille dame, puis un jeune homme, à travers plusieurs bateaux. Nous traversons une foule de ponts, de pontons, nous marchons en équilibre sur le rebord de plusieurs bateaux, sautant de l'un à l'autre, s'accrochant là où on peut. Au moment où nous nous demandons quand ça va s'arrêter, nous atteignons notre navire.

Joncque food
Tous les bateaux qui nous environnent sont de petites joncques recouvertes de bois, très jolies, avec même des mats pour faire semblant d'être des voiliers. Nous sommes surpris qu'avec la prolifération de bateaux et de touristes, les autorités touristiques aient réussi à éviter la présence de gros navires moches.

Sur le pont du bateau, il y a à peine 5 personnes : 4 jeunes Vietnamiens et 1 Français de la quarantaine. Les jeunes Vietnamiens passeront la croisière à se prendre des photos avec des poses rigolotes, a nous faire manger des mandarines et à nous prendre en photo autour d'eux (vous imaginez leurs bonds quand je leur ai dit quelques expressions en viet) ; quand à David, le Français, il s'avère très vite être un personnage des plus sympathiques. Et un personnage tout court.

David, ce héros
Ce type est venu de Saigon, à mille kilomètres de là, en train ; il a donc passé 2 jours entiers dans le train, n'a pas beaucoup dormi, est arrivé a Hanoi comme nous à 4h30 du matin ; il a foncé dans la seule agence de voyage ouverte de Hanoi, a demandé un billet de bus pour Ha Long, et est venu directement dans ce bateau. Comme il ne parle pas bien anglais, il a payé un peu cher son billet de bateau, mais il est là, quelques heures à peine après son arrivée à Hanoi. Il a l'air monstrueusement fatigué, ne s'est pas lavé depuis longtemps, a son gros sac avec lui, qu'il transportera sur son dos pendant les visites des grottes. Sa bonne humeur est pourtant communicative.

Bon, bien entendu il rale : trop de bateaux, temps gris, etc. C'est vrai qu'il fait sacrement gris, mais PB nous avait prevenus : il fait gris tous les premiers mois de l'annee dans le Nord du pays.

Et Halong ?
Halong dans la brume est notamment splendide. Difficile de trouver d'autres mots, bien sur. Alors forcement splendide, mot tellement utilise qu'il en a perdu toute force et tout relief. C'est ballot, mais je n'arrive pas a trouver quelque chose d'original. Des expressions comme Mysterieux, Etrange, Captivant, sont comme des points de vue, des cliches aux visages connus, pour mieux voir l'invisible du Mot ideal, celui qui resumerait la chose Halong.

Racontons plutot.

Je ne sais pas comment ca fait quand il fait beau. La, on s'approche au milieu d'une grosse flottille de joncques, comme au sein d'une armee partie en guerre contre un bataillon de geants. Puis rapidement, des pans blancs de brume emergent des formes, dinosaures de gres, colosses d'argile a peine sechee, silhouettes monstrueuses. Ces rochers finissent par dechirer les derniers haillons de brume qui les couvraient, et montrent leurs poitrails. Puis le choc, armee de bateaux contre armee de pitons rocheux, voiles contre forets, eau contre roche.

Difficile de trouver les mots. Nous aurons fait le tour en trois heures a peine, un peu hebetes, un peu ecrases. Nous nous arreterons une heure pour visiter des grottes au sein des roches, le meme genre qu'au Laos (mais tres encadre), mais c'est surtout l'armada de pitons rochers, au milieu desquels nous passons l'apres-midi a naviguer, qui nous hantera encore longtemps.

Au bout de quelques temps, donc, nous sommes repartis, vaincus probablement : chaque jour les joncques font retraite et les rochers de la Baie d'Along restent, retrouvant la solitude et l'oubli de leur brume. Chaque matin les joncques reviendront chargees de touristes, mais personne ne semble pouvoir abattre ces rochers.

Quant aux Viets, ils ont, je crois, passe plus de temps a prendre des photos qu'a regarder le paysage.

Retour vers le quotidien
La balade est relativement courte, plus breve meme que le trajet pour venir depuis Hanoi, mais nous n'avons pas vraiment envie de prolonger l'experience : c'etait suffisamment beau, sans que nous voulions risquer de trouver ca ennuyeux et repetitif. Nous decidons donc de rentrer au lieu de passer la nuit a Ha Long comme prevu.

Nous guidons David jusqu'a la station de bus. Il semble assez reconnaissant dans la mesure ou il a du mal a se debrouiller en anglais, encore moins en viet. Pour trouver la station, nous prenons d'abord un bus urbain. Alors que nous hesitons a le prendre, et que nous ne savons pas ou il faudra descendre, nous entendons un coup de tonnerre : c'est un vieux Marseillais dechaine, qui nous apostrophe avec l'accent :
- Eh oui les ptiots, la, c'est par la la gare des bus, heing !

Le bus est bruyant et nous avons a peine le temps d'entamer une conversation. Il multiplie les blagues un peu salaces a l'egard de toutes les femmes qui l'entourent, mine de rien ca faisait longtemps qu'on n'avait pas vu un bon vieux Franchouillard un peu paillard (ceci dit Aglae avait raison, il etait un peu glauque aussi, ce gars, a nous dire qu'il venait voir des filles ici).

Nous trouvons notre bus, et rentrons vers la capitale vietnamienne. Pendant tout le trajet, David nous entretient de ses anecdotes incroyables. Ce chef de chantier nous raconte ses experiences diverses et sacrement variees : voyages a l'arrache au fin fond de l'Afrique, coups de gueule contre les clients des prostituees en Thailande, naturisme en Allemagne.

Eh oui, car David est naturiste. Cela vient dans la conversation, naturellement, avec franchise, douceur, sans fausse pudeur et sans sous-entendus vicelards. Il nous raconte son experience foireuses dans un camp naturiste qui se revelait etre un camp echangiste, sans qu'il le sache : toutes ses anecdotes sont pleines d'un franc-parler jamais vulgaire, d'une delicatesse simple, qui sont ces choses dont je raffolle. Cet homme, d'un milieu et d'une education en voie de disparition, celui de la classe ouvriere instruite, qui semble parfois tout droit sorti du Belleville d'un film de Carne, me rappelle certains amis. David nous considere comme des egaux, malgre notre jeune age et notre experience quasi-nulle dans tous les domaines qu'il evoque (en gros le travail, les chantiers, les voyages, le naturisme, la vie).

Nous arrivons a Hanoi, et trouvons une chambre pour David dans notre hotel. Nous faisons un rapide diner dans un restaurant proche, discutons encore longtemps tous les trois, puis nous endormons apres une journee sacrement remplie !

DESOLE A TOUS CEUX QUI ONT PU ATTENDRE CE MESSAGE PENDANT DES SEMAINES, NOTRE PASSAGE AU JAPON A ETE PLUS COURT QUE PREVU, ET NOUS AVONS DONC SPEEDE POUR VOIR TOUT CE QUE NOUS VOULIONS : DU COUP PAS TROP LE TEMPS DE METTRE A JOUR LE BLOG, ET UN BON MOIS DE RETARD. MEA CULPA !!!!

1 commentaire:

  1. Ouais, c'est vrai qu'en matière de voyages, votre expérience est quasi-nulle.

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