Recit de la pire rencontre du voyage.
J'avais envie de commencer ce post par :
Les Suisses sont des gros cons.
Ce serait faux : nous avons rencontre des Suisses tres sympas, avant et pendant ce voyage. Pourtant, apres la rencontre dont je vais vous parler, nous ne pouvions plus que penser ca.
L'histoire se deroule a Ko Tao, peu apres notre arrivee sur l'ile. Nous sommes epuises par le voyage, et avons envie de nous rafraichir un peu dans cette eau translucide. Nous contournons notre bout de plage ou l'eau est franchement moche, afin d'atteindre une petite crique sublime : les rochers qui y affleurent forment de delicates fleches qui semblent indiquer la direction de l'eau. Nous installons notre serviette sur le sable grille, et juste au moment ou notre creme solaire a seche et ou nous nous appretons a nous jeter dans l'eau, un jeune homme nous hele. Il va se jeter a l'eau au meme endroit que nous, et nous fait cette reflexion qui, retrospectivement, augure de son franc-parler :
"Hey go in the shadow, you are going to burn !"
Je lui reponds en anglais une blagounette sur la blancheur legendaire de ma peau, et enjoins Aglae a aller dans l'eau avec moi. En nous entendant parler francais, le type nous reparle en francais et, alors que nous nous installons dans l'eau brulante, nous discutons ensemble.
Au depart le jeune homme, dont nous apprenons promptement la Suissitude et le metier de tatoueur, est plutot gentil. Un peu collant, il nous apprend une foule de details et d'anecdotes sur la vie cachee et peu interessante de l'ile, ou il passe plusieurs mois chaque annee : quel chien a quel territoire, a quel endroit ont lieu les meilleures fetes, etc. En toute honnetete, nous le trouvons plutot sympathique. Nous lui parlons de notre periple, et tres rapidement, le gars devient franchement antipathique, depassant avec allegresse les limites de la politesse. Au depart ca reste un point de vue :
- Ah moi j'en vois tous les jours des gens qui vont de pays en pays, la, ils y passent vite, et ils voient rien, ils comprennent rien des gens qui sont la.
Amorphes, nous avons du mal a voir ou il veut en venir, et tentons de lui expliquer que les deux attitudes se valent : rester dans un pays permet de vivre beaucoup plus "avec" les gens, mais pour un premier voyage de decouverte, voir beaucoup de pays permet de saisir l'ambiance d'une region, les disparites et ressemblances culturelles, tout ca. Le Monsieur n'en a rien a faire.
Lorsque nous mentionnons que nous avons un guide de voyage, et qu'il nous sert bien (le Lonely Planet), le Suisse devient franchement lourd :
- Mais jetez moi cette merde, vous allez vous retrouver aux memes endroits que tout le monde !
(il faut imaginer ca dit par un type, sur une des iles les plus visitees de Thailande, lui-meme un des pays les plus visites du monde, qui loge dans un hotel connu et un peu chic, et dont le seul contact avec les indigenes s'averera etre de leur acheter de l'herbe ou du LSD, et parfois d'en consommer avec eux) Vous faites comme tout le monde avec tout le monde, et vous vous imaginez que vous voyagez, vous etes qui ?
Completement ramollis a cause de la fatigue, nous ne reagissons pas trop mais l'irritation commence a poindre. Nous lui expliquons que justement en Inde nous n'etions jamais dans les coins a touristes grace a ces guides, et que sans ca, comment connaitre facilement les horaires de tous les bus, de tous les trains, ou les chopper? etc. Il nie, fait semblant de connaitre l'Inde alors qu'il n'y est jamais alle, enumere des cliches world-cyniques dignes d'un anarchiste de supermarche ("ouais mais tu comprends les gens ils ont tous les memes envies, les memes besoins, tous les hommes ont besoin d'un supermarche"). Nous tentons a nouveau de lui faire comprendre qu'en Inde, non, les gens avaient beau etre pafrois riches, ils avaient un autre mode de vie que les occidentaux. Par ailleurs, nous ne comprenons pas le pourquoi, le comment et l'interet de ces debats stupides. Nous les soutenons calmement, lui s'emporte, et laisse loin derriere lui les limites de l'impolitesse qu'il avait deja bien pietinees. Quand aux limites de la betise, il ne se souvient plus du jour ou il les a depassees :
- Mais vous, la, je vous devine, la, deux jeunes, bien propres sur eux, vous fumez pas, vous prenez jamais d'herbe, hein ? Et puis vous vous bourrez la gueule une fois par semaine pour vous sentir exister, hein ? je suis sur que vous etes cathos, en plus !
Malaise... Ce type que nous ne connaissons ni d'Eve ni d'Adam a non seulement la pretention de tout savoir sur tout le monde des le premier coup d'oeil mais, en croyant deviner chez nous des cliches, et en se trompant lourdement (ah ah catho, j'en rigole encore), il perpetue l'incroyable cliche sur pattes qu'il est lui.
Le pire c'est que nous sommes tellement epuises (a ce stade du recit nous faisons la planche en ronronnant) et tellement surpris de cette outrecuidance, que nous n'avons pas la presence d'esprit de lui repondre une phrase bien de chez nous telle que "ecoute mon petit, va revoir Fight Club dans ton bungalow, et lache nous les basques avec ton arrogance", ou bien encore "bon tu te tais ou je te tais" (j'espere que Benjamin lit ce blog).
Le type ne s'est je crois jamais rendu compte qu'il nous avait vexes et saoules, alors que pourtant nous avons tres rapidement cesse de lui parler apres que je lui ai annonce que j'etais "l'Empire du Mal incarne". En tout cas il ne se rendra jamais compte que venir se shooter au LSD dans des iles pendant un mois ne participe pas de l'echange culturel (lorsque ces touristes repartent, ils laissent derriere eux des accrocs, en general), mais bien du "tourisme de masse" qu'il croyait malignement eviter.
En dessert, je ne resiste pas a vous retranscrire ce splendide morceau de conversation :
AGLAE (a qui le type demandait ce qu'on avait vu en Thailande) : nous sommes alles a Ayutthaya, voir les temples en ruines.
LE SUISSE (attention phrase toute faite) : ah parce que quand tu es en Europe tu visites des eglises ?
CHARLES : Oui, il y en a de belles tu sais.
LE SUISSE : ah... (silence malaise, il n'avait visiblement pas entendu parler de St-Pierre de Rome, de Notre-Dame, faut dire c'est loin de la Suisse)
Bref, cette rencontre a absolument pourri ma journee, et si nous avons mis du temps a comprendre ce qu'il se passait, nous sommes restes enerves un bon paquet de temps. Quant a lui, apres nous avoir gentiment indique ou on pouvait acheter de l'herbe sur l'ile (mais nous ne lui avons rien demande ! et est-ce qu'on a vraiment envie de risquer la prison a vie qu'ils infligent la-bas ?), il a disparu dans la nature, et c'est tant mieux. En partant il a lance : " ce soir y a une teuf on va prendre du crack et du LSD, yeah !!!!".
Un bon gars...
Derniers plans, une invitation
Il y a 7 ans
..quelle belle rencontre culturelle!!:-)
RépondreSupprimeret dire que ces gens habitent en face de chez nous...quelle désespoir....
RépondreSupprimerEn même temps, c'est bien connu, les Suisses, ça vaut pas beaucoup mieux que les Belges. Comme disait Coluche, on se demande même pourquoi ils ont fait deux pays.
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