samedi 14 février 2009

Phnom Penh jour 3 - le Khmer à boire

31 Janvier

Désolé d'être le seul à écrire (rarement) ces derniers temps, mais Aglaé est un peu malade (si si encore!), et a du mal à trouver temps et énergie pour écrire + nous avons été sur des plages paradisiaques en Thaïlande, et nous n'avons eu aucun accès à internet.

Forts de notre formidable journée précédente, nous passons la matinée sur internet, avant de rejoindre Davy pour un déjeuner. Aglaé se sent encore trop mal, et va raisonnablement se coucher pendant que Davy et moi, pour faire monter la faim, visitons le proche Psar O Russei, un des plus grands marchés de la ville. L'avant-veille nous avions visité un marché assez art déco, le Psar Thmei, qui était en train de fermer, et qui était donc calme, là c'est le bordel absolu.

Le Psar O Russei est en effet un dédale absolument sans fin, et où l'on trouve de tout, du savon aux montres à l'effigie des dirigeants du Parti Communiste, labyrinthe de babioles qui ferait pâlir de jalousie les bazars arabes. A l'entrée du Psar Thmei (celui de l'avant-veille, si vous suivez), nous avions été fort choqués par un stand d'insectes grillés (cafards, blattes, criquets et gigantesques araignées noires), ici c'est le simple mélange des fumets des poissons séchés, des intestins de porcs à l'air libre et du durian (le fruit dont l'écorce pue tant qu'elle est interdite dans les avions et les trains) qui nous pousse à fuir au plus vite vers des régions plus calmes.

Ma tante m'avait parlé de beaux bijoux en argent, nous ne voyons que des fausses Rollex et des DVDs de contrefaçon.

Une fois dehors, le côté louche des Cambodgiens refait surface. En effet, depuis notre arrivée, tous les restaurants se trompent systématiquement dans les additions (parfois de 20 centimes d'euros, parfois de 10 dollars), et il fallait toujours recompter, sans savoir s'ils le faisaient exprès ou pas (beaucoup sont peu éduqués). Une fois dans un petit restaurant avec Davy, l'assiette "large" pour deux voire trois se transforme en minuscule plat pour 1 personne à peine. Nous décidons de ne pas râler, mais c'est assez énervant. Davy est persuadé surtout qu'on nous donne systématiquement la carte pour touristes avec les prix pour touristes. Je décide de prendre ça à la rigolade, et de leur accorder le bénéfice du doute.

Second musée, second vomi

Nous réveillons une Aglaé décidément en forme internationale, et partons à l'assaut du Musée National, qui est principalement une collection de statues de l'époque fabuleuse d'Angkor. Cette époque représente le pic de puissance du pays, celle où précisément furent construits les temples les plus grands et les plus vieux du monde. A savoir qu'Angkor est LA fierté nationale : de la bière Angkor au drapeau du pays (le temple d'Angkor Wat sur fond rouge et bleu), les trois tours sont partout, et semblent vouloir conjurer le passé du pays depuis cet Age d'Or : déclin inexorable, annexion des territoires par les Thais, les Vietnamiens puis les Français, horreur des Khmers Rouges, interminable guerre civile qui s'ensuivit.

Angkor est le témoin d'une gloire passée, c'est tout ce qui leur reste, et c'est déjà pas mal...

Les statues du Musée National sont très belles, mais il nous est assez difficile d'en profiter : au bout de 10 minutes, Aglaé court à nouveau aux toilettes pour aller vomir. Je commence à croire que les musées lui font tous le même effet. Pendant ce temps, je parcours le musée avec Davy, mais nous sommes plus intéressés par des discussions sur nos amis communs que par les statues - il manque les explications et les commentaires passionnés d'Aglaé pour y insuffler la vie nécessaire à l'admiration.

Aglaé ressort des toilettes livide, et nous sommes désolés pour Davy qui ne sait plus quoi dire, ni où se mettre. Elle arrive tout de même à s'enthousiasmer pour le reste du musée, mais doit s'asseoir fréquemment, comme une dame âgée, et tente à tout prix d'être plus blanche que moi (ce qui est très difficile, vu ma paleur naturelle).

Bagarre d'appareil
Nous marchons jusqu'au Riverside, le coin des touristes, où nous devons aller récupérer notre appareil photo. Il faut savoir que depuis notre balade en éléphant au Laos, notre appareil foirait complètement dès qu'il s'agissait de faire une photo un peu zoomée, et cela nous pesait un peu. Nous avions donc déposé i-celui chez un réparateur dès notre arrivée à Phnom Penh. Le tarif était d'ailleurs complètement dingue, genre 30 $, pour une réparation qui en coûte en général 100 en Europe. Nous étions donc tous contents de le récupérer au magasin, et la vendeuse nous le tendait avec un sourire. Notre "problème" était résolu, et nous pouvions à nouveau faire de zolies photos, sauf que... sauf que...

au bout d'un moment, avant de payer, je remarque un nouveau problème, inexistant jusqu'alors : que les photos soient prises en 2M de pixels, 4, 6 ou 12, chaque photo prend la même place sur l'appareil, soit la taille maximale. Ce n'est pas catastrophique, mais ça remplit l'appareil beaucoup plus vite et ça nous empêche donc de prendre beaucoup de photos. Nous le faisons remarquer à la vendeuse, qui semble interdite. Elle vérifie, essaie sur un autre appareil, et il devient vite évident que c'est juste le nôtre qui foire, et que c'est de leur faute. Le temps passe, elle semble réagir au ralenti...

Davy, de son côté, continue à utiliser chaque Cambodgien croisé pour apprendre le khmer, et divertit l'attention des autres employés du magasin en perfectionnant son accent.

La vendeuse appelle le sous-traitant qui lui a réparé l'appareil. On comprendra plus tard que celui-ci l'envoie se faire foutre, sur le thème du "ah tu n'avais qu'à remarquer que je l'avais mal réparé, c'est ta faute, si tu veux que je le répare il faudra repayer". Du coup, la vendeuse, assez emmerdée, se mure dans un silence de plus en plus profond à mesure que nous nous impatientons. Pire, elle commence à faire de la mauvaise foi :

- but you can take pictures ! so it's working ! so you pay!
- no it is not working ! you created another problem

Le débat est sans fin, et l'intervention d'un autre vendeur, qui lui sera carrément de mauvaise foi, finira de nous faire péter les plombs. Lui est prêt à nous sortir les arguments les plus absurdes : le problème était sûrement présent avant qu'on leur donne l'appareil, c'était à nous de le signaler. Nous nous indignons, car tout le monde impliqué sait que c'est carrément faux, y compris et surtout la vendeuse, qui fait semblant de regarder ailleurs pour conserver sa dignité.

Le type répète encore et encore que c'est notre faute, quand ce n'est pas la fille qui nous dit "ah mais vous pouvez prendre des photos, donc c'est réparé". Une demi-heure a déjà passé, et ils ne semblent toujours pas comprendre qu'il y a un problème (enfin, ils le savent, mais comme ils ont déjà payé le sous-traitant, ils sont coincés, et font semblant d'être idiots). Je leur sors un argument qui détend un poil l'atmosphère et fera rire tout le monde : "imaginez que je suis docteur. Vous vous cassez le bras droit, et vous venez me voir. Je vous répare le bras droit, mais prend un marteau et vous casse le bras gauche, est-ce que vous êtes content ?"

L'atmosphère se détend 3 secondes, puis se retend. Il y a des silences qui durent des minutes entières. Finalement, Aglaé décide de rompre la Règle d'Or de l'Asie du Sud-Est, qui est de toujours garder son calme, afin de ne pas faire perdre la face à tout le monde. Elle se met à pousser des hurlements incroyables, qui me font presque sursauter. L'origine de son énervement est surtout due au fait que ces Cambodgiens n'ont aucun sens du commerce : le problème qu'ils avaient créé était effectivement moins grave que le problème d'origine, et au lieu de proposer par exemple la réparation à moitié prix, ils restent complètement bloqués.

Les cris d'Aglaé bloquent encore plus la vendeuse, qui nous fait signe de nous taire, excédée. Elle déchire la facture, je range l'appareil dans notre sac, je fais mine de partir, ils s'en foutent, ne proposent aucune solution, nous partons.

Nous sommes littéralement anéantis, d'énervement, de fatigue, de maladie et de honte, mais il n'y avait aucune autre solution possible. Davy, bien décidé à détendre l'atmosphère, nous annonce qu'il ne veut plus traîner avec nous, persuadé qu'un contrat a été passé sur notre tête, et que nous allons tous trois mourir d'une balle dans la nuque. Ca ne fait pas rire Aglaé.

En réalité, la honte sera de courte durée (une semaine), car nous nous sommes rendus compte bien après coup que le problème était plus grave qu'on ne le croyait, et qu'il nous était devenu impossible de faire de la place sur notre carte en effaçant des photos. On a bien fait de pas payer, ah !

Strangers in the night
Nous échouons un peu démoralisés dans un super marché de nuit. Des bourgeois, des jeunes à franges, des familles, des touristes : toute la société de PP se presse autour de gigantesques barbecues installés en pleine rue. On peut s'asseoir sur des nattes par terre et grignoter des nouilles aux légumes et des brochettes, et surtout, l'occasion nous est enfin donnée d'avoir l'impression de se baigner parmi des Cambodgiens. Davy aussi semble connaître ça pour la première fois, et il reste fasciné.

L'ambiance est à nouveau pourrie par l'ambivalence des marchands cambodgiens. Pour faire simple à partir d'une histoire assez compliquée et très énervante, nous nous rendons compte au moment de payer nos brochettes qu'on nous demande trois fois plus que Davy pour tout ce qu'on mange. On a beau montrer, expliquer que ce n'est pas normal que les Cambodgiens et les touristes ne paient pas la même chose, on tombe toujours sur un serveur borné qui nous dit que ce n'est pas lui, qu'il ne sait pas, et que ce n'est pas sa faute.

Nous sommes arrivés depuis trois jours au Cambodge, et les Cambodgiens nous insupportent déjà au plus haut point. Presque comme les Népalais avant eux, les commerçants sont bornés, ils n'ont aucun sens du commerce, ne sourient que pour vous appater, et sont d'une honnêteté douteuse. Nous n'avons certes pas eu de chance, et la maladie d'Aglaé n'arrange rien, mais cette dernière n'a qu'une envie : quitter la ville au plus vite, quitte à aller voir un médecin à Siem Reap, notre prochaine destination, plutôt que de rester un jour de plus dans cette ville inhospitaliere.

Le soir nous disons donc au revoir à Davy, aux innombrables moustiques de notre salle de bain, et à une ville à l'ambiance très estivale, mais qui, entre les "salons de massages/prostituées" omniprésents et le sentiment d'arnaque permanente, ne nous a jamais fait sentir très bien accueillis. Aglaé, heureusement, semble aller légèrement mieux.

J'aurais peut-être aimé rester un ou deux jours de plus pour apprendre à domestiquer cette ville aux attractions touristiques pourtant peu nombreuses, mais la maladie et les nouvelles choses à voir nous ont empêché de nous attarder.

Mille mercis à Davy, sans qui la visite de Phnom Penh aurait été franchement horrible !

2 commentaires:

  1. Vos impressions sur PP et ses habitants (les Cambodgiens des campagnes sont franchement plus sympas) corroborent tout à fait les miennes, datant pourtant de 1996. Je m'y revois, chaque détail sonne juste et fait écho. Depuis, quand un Asiatique ici, à Chinatown-Belleville, n'est pas sympa, de mauvaise foi etc. je me dis "il doit être Cambodgien !". Je pense être restée 10 jours à PPenh et j'ai trouvé ça très long, le sud (Sianoukville) et Siem Reap pour les temples d'Angkor m'avaient semblés une délivrance, et nous avions terminé par le Laos, qui était une vraie "convalescence" des nerfs et du coeur, la gentillesse du peuple lao ayant contrasté si fort, en fin de séjour (un mois au total). Je ne sais pourquoi j'avais loupé cet article... Mille bisous et plein de médicaments dedans ! Odile

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  2. de rien tout le plaisir était pour moi. depuis je vais tous les samedi au marché de nuit et je participe au radio crochet: le public m'adore. j'y chante des chansons locales en yahourt mais avec danse traditionnelle en bonus. ils veulent me faire signer un disque apparemment mais je subodore l'arnaque; on verra.

    odile voyons je suis attristé par vos propos désobligeants sur les asiatiques pas sympas de belleville qui seraient sans doute des cambodgiens! moi qui vous ai toujours tenu en très haute estime je suis meurtri. je m'arrache les cheveux par touffes et ressemblerai bientôt au fils ainé de la famille.

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