Lever tot pour retrouver Clara autour d'un petit dejeuner, qui mettra 45 minutes a arriver (3 toasts chacun), duree classique, a laquelle nous ne savons pas comment echapper (en payant plus peut-etre ?).
Le temps de montrer a Clara le delire jain susmentionne, nous sautons allegrement dans le premier bus pour Pushkar, ville jumelle, miroir d'Ajmer : si notre premiere etape est une ville sacree pour les pelerins musulmans, Pushkar est une ville sacree hindoue, comprenant de nombreux ghats (acces a un point d'eau sacree, comme le long du Gange, ou les fideles viennent se laver et deposer des offrandes), et environ 200 petits temples blottis autour d'un somptueux lac.
Agression caracterisee
Enfin somptueux... Nous etions tout contents d'atteindre le lac, et de decouvrir une petite ville blanche gorgee de soleil, assoupie a ses pieds, nous sortons les appareils photos, quand une horde de "pretres" nous accoste. Faux-pretres bien entendu : ils sont habilles en jeans et en T-shirts, nous plantent des fleurs dans les mains en nous demandant d'aller les jeter dans l'eau.
Pour se debarrasser d'eux, car ils deviennent vraiment encombrants, nous allons jeter les fleurs. Mais eux veulent nous consacrer, et surtout nous refiler une ficelle en tissu miteux, a s'enrouler autour du poignet, un passport pour avoir l'acces aux ghats. Un rapide coup d'oeil au guide nous apprend qu'une horde de faux pretres et de vrais pretres vous feront payer des sommes astronomiques pour benir toute votre famille, avant de vous laisser tranquille.
Nous refusons, comme l'indique le guide. Ils se mettent a nous insulter, la premiere fois que ca arrive en Inde, deviennent tres agressifs, nous annoncent que les photos sont interdites et qu'on deshonore leur religion (faux, d'autant plus qu'en jean et polo, on savait pas trop leur religion, si ce n'etait celle du fric).
Nous battons en retraite dans la vieille ville, tres remontes et, pour ma part, assez pret a repartir illico vers Ajmer. Mais nous perserverons, visitons des temples calmes, nous faisons harceler par les rabatteurs et les marchands, car Pushkar est envahi de touristes blancs. Nous faisons un gracieux tour du lac, toujours harceles par les pretres qui nous insultent a chaque fois que nous mettons un pied sur les ghats, puis echouons dans un restaurant sympathique, autour d'une cour ombragee, ou nous mangeons les meilleures pates sauce tomate possible (hors en Italie, bien entendu, et encore).
Passeport vers la liberte
Clara, qui ne pouvait manger QUE de la cuisine indienne a Ahmedabad, est au bord des larmes de joie. La serveuse nous propose des massages, du henne, et nous demande si nous voulons des chambres dans son hotel : impossible d'etre tranquille, mais elle et ses petits enfants mignons nous restent tout de meme tres sympathiques.
Et surtout, a la fin du repas, elle nous offre les fameux bracelets, nous indiquant que cela nous permettra d'eviter d'etre harceles. Nous respirons, et sommes prets a la prendre dans nos bras. Elle nous demandera quand meme de l'argent pour les enfants mal eduques. Vrai ou faux, nous lui donnons quelques roupies avec plaisir.
Et la nous pouvons enfin commencer a prendre du plaisir. A peine nous atteignons les ghats maintenant inondes de lumiere hivernale de fin d'apres-midi, et voila qu'un gros con de faux pretre se met a nous invectiver de loin. Et la, tels des super heros, Clara, Aglae et moi descendons nos manches de chemises : ah ah, tel l'insecticide sur le moustique, le pretre se calme et s'eloigne prestement.
Non je rigole, certains restent et nous parlent pendant des heures de choses dont nous n'avons rien a faire dans un anglais marmonne, alors que nous voulons sentir le calme intense des lieux (GO AWAY, you understand, GO AWAY!). Nous croisons meme un baba europeen, peut etre francais, qui leur demande des explications ("Why do you do this?"), entreprise on le sait deja vouee a l'echec.
Today is lucky day
Et au moment ou nous nous y attendons le moins, le miracle tant attendu arrive, notre premiere veritable rencontre mystique, celle peut-etre qui nous a sauve de la conversion a l'islam que brandissait Aglae a Delhi. Au bout du lac, un vieil homme nous fait signe de facon energique qu'il faut enlever nos chaussures, et nous soufflons deja de lassitude. Nous nous executons, puis il nous force a monter dans son espece de kiosque blanc ou la vue sur le lac et les ghats est splendide. Combien va-t-il nous demander, et sous quel pretexte ?
L'homme, coiffe d'un chapeau rouge etonnant (tellement rouge qu'il nous a dit que ca s'appelait un pagri), nous force litteralement a multiplier les photos de lui, de nous avec lui, par deux, trois, puis il nous prend en photo, par deux, par trois. Rapidement, nous comprenons qu'il s'agit juste d'un homme tres gentil qui voulait nous rencontrer.
Il nous explique qu'il vient ici tous les ans pour le 11 du mois indien, car c'est la pleine lune et que c'est un very lucky day. Son nom est extraordinaire et resume son etre : Maharadjah Shiva... le Seigneur Shiva. Rien que ca, le mec.
Il s'agissait d'un vendeur de chaussures d'Ajmer, la ville voisine d'ou nous venions, mais, apres nous avoir donne tres serieusement des noms indiens , il nous a revele qu'il etait aussi gourou, a ses heures perdues. Si un probleme arrive dans nos vies, c'est simple, nous a-t-il dit : on lui ecrit un mail en regardant tres fort les photos qu'on a faites de lui, et, tres gentiment, il nous a promis de mediter sur nos soucis, et que tout sera regle rapidement.
Pas d'argent, rien. Juste du bonheur. Oui, je sais, vous reclamez deja nos noms indiens. J'ai oublie celui de Clara, qui voulait dire REVE, mais sachez que dorenavant Aglae et moi nous appelons respectivement Chandraa et Shashi, soit Mme Lune et M. Lune. Sans blague. Ca va fermer le clapet a ceux qui nous reprochaient d'etre dans la Lune : Nous Sommes la Lune ! ah ah
Sans blague, Maharadjah Shiva etait d'une douceur et d'une gentillesse a pleurer. Il nous a mis en garde contre les perils de Jaipur et de Pushkar, et contre les perils de la vie tout court, nous a souhaite bien des enfants a Aglae et moi (non vraiment, en plein voyage, ca serait complique, monsieur Shiva), a multiplie de vibrants eloges de Clara, chanceuse parce qu'elle etait gauchere, nous a donne son mail, etc.
Nous revenons guillerets vers Ajmer, dans un bus bonde, apres un rapide passage dans un temple Sikh etonnant (on a collecte une brochure passionante : Mais qui sont les Sikhs ?), et nous prenons un nouveau bus pour Jaipur.
Nous decouvrons alors qu'etre a l'arriere d'un bus indien dont les amortisseurs ne sont qu'un souvenir n'a rien a voir avec le confort des bus de l'Inde du Sud, sans parler de l'etat des routes du Rajasthan, region particulierement pauvre. En bref, nos fesses se sont sacrement aplaties. En plus il fait nuit, donc le paysage est inexistant. Le trajet de trois heures nous apparait cinq, mais devant nous, la promesse de la Mecque du tourisme qu'est Jaipur nous permet de tenir.
Derniers plans, une invitation
Il y a 7 ans
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